Intervention de Jean-Claude Carle

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 novembre 2016 à 9h00
Projet de loi de modernisation de développement et de protection des territoires de montagne — Communication

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, adopté à la quasi-unanimité le mois dernier par l'Assemblée nationale après l'engagement de la procédure accélérée, se veut « l'acte II » après la loi fondatrice de 1985. Le texte a été renvoyé au fond à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui a désigné notre collègue Cyril Pellevat rapporteur. Son examen en commission aura lieu le 7 décembre prochain.

Quelques rares dispositions de ce texte intéressent l'éducation ; c'est pourquoi, si notre commission ne s'est pas saisie pour avis, notre présidente m'a demandé de vous en présenter la substance. Comme vous l'imaginez, c'est essentiellement par le prisme de la présence des services publics dans ces territoires que sont abordés ces sujets.

En conséquence, l'article 1er donne pour finalité à l'action de l'État de « réévaluer le niveau des services publics et des services au public en montagne et d'en assurer la pérennité, la qualité, l'accessibilité et la proximité, en tenant compte, notamment en matière d'organisation scolaire et d'offre de soins, des temps de parcours et des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières des territoires de montagne ». Ce même article 1er place parmi les finalités de l'action de l'État en zone de montagne la promotion de « la richesse du patrimoine culturel, de protéger les édifices traditionnels et de favoriser la réhabilitation du bâti existant ».

Trois articles du texte, absents du texte initial et insérés par l'Assemblée nationale, portent sur l'éducation : il s'agit des articles 8 ter, 8 quater A et 8 quater. Les articles 8 ter et 8 quater A participent de la même logique. Il s'agit, dans les départements de montagne, de prévoir l'identification des écoles (ou réseaux d'écoles) ainsi que des collèges publics qui justifient l'application de modalités spécifiques d'organisation scolaire, notamment en termes de seuils d'ouverture et de fermeture de classe et, pour les collèges, d'allocation des moyens. Ces modalités spécifiques sont appréciées « au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de l'isolement et des conditions d'accès par les transports scolaires ».

Vous reconnaîtrez peut-être dans ces articles, mes chers collègues, la reprise - mot pour mot - de dispositions figurant dans la circulaire du 30 décembre 2011 relative aux écoles situées en zone de montagne, prise justement pour application de la loi de 1985. Ces dispositions ont été reprises, de manière légèrement différente, dans la circulaire du 11 octobre 2016 relative aux écoles situées en zones rurale et de montagne, qui porte sur les conventions ruralités.

Ces dispositions figurent d'ores et déjà dans deux circulaires, qui sont appliquées. Qu'apporterait leur inscription dans la loi ? Rien, si ce n'est la maigre satisfaction du symbole. Je préfère les actes aux symboles - en la matière, les conventions ruralités mises en oeuvre par le ministère en partenariat avec les collectivités me semblent une piste intéressante, dès lors qu'elles s'inscrivent dans une véritable démarche partenariale entre l'État et les collectivités territoriales concernées.

En tout état de cause, la portée normative de ces deux articles est très limitée, voire inexistante. Ils sont sans doute manifestement d'ordre réglementaire, mais il ne nous appartient pas de prononcer l'irrecevabilité ; ce sera à la commission au fond de décider de la soulever.

Enfin, l'article 8 quater prévoit que le ministre chargé des transports, en collaboration avec le ministre de l'éducation nationale, sollicite la conclusion d'un accord avec les transporteurs nationaux destiné à assurer des conditions tarifaires spécifiques aux établissements scolaires organisant des classes de découvertes.

Notons que cet article s'appliquera à l'ensemble des établissements scolaires, non seulement aux établissements de montagne. Là encore, si l'intention est louable, la portée normative de cet article est très faible ; prévoir de solliciter pour conclure un accord, est-ce bien du ressort de la loi ? Là encore, il semble que le texte se limite à énoncer des bonnes intentions.

Au ministre qui reprochait à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale de faire une loi bavarde, sa présidente a répondu, je cite, que « nous ne serions pas les premiers - et il faut savoir se faire plaisir ». Voilà la méthode empruntée par nos collègues députés !

Enfin, pour être tout à fait complet, je mentionne que la protection des moulins, qui avait fait l'objet d'un large accord lors de l'examen de la LCAP, est de nouveau inscrite dans la loi. En effet, alors que les dispositions que nous avions adoptées, à l'initiative de notre rapporteur Françoise Férat en juillet dernier, avaient été presque aussitôt abrogées par la loi biodiversité, nos collègues députés ont pris l'initiative de les réintroduire dans le projet de loi ; tel est l'objet de l'article 23 C.

Par ailleurs, notre collègue Jacques-Bernard Magner, à la fois montagnard et rapporteur des crédits de la jeunesse, sera sans doute sensible au souci des députés d'inscrire dans la loi une définition du refuge : « établissement en site isolé de montagne, gardé ou non gardé, recevant du public, dont des personnes d'âge scolaire encadrées dans des conditions établies conjointement par les ministres chargés de l'éducation, de la jeunesse et des sports ».

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je suis perplexe face à ce projet de loi ; il y a un hiatus considérable entre l'ambition de ce texte et la portée réelle des dispositions qui s'y trouvent. Je vous encourage à suivre, comme je continuerai de le faire, la discussion parlementaire en commission et en séance, afin de s'assurer que ce texte servira in fine l'intérêt des élèves des territoires de montagne.

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