Avons-nous les moyens de maintenir notre réseau diplomatique ? Le ministère des affaires étrangères planche sur une reconfiguration du dispositif. Je ne préjuge pas de l'orientation qui sera décidée.
Quant au réseau des écoles de l'enseignement français à l'étranger, la tutelle en est confiée au ministère des affaires étrangères, lequel ne représente que 1,27 % du budget de l'État. Il n'est donc pas en mesure d'investir ou de financer grand-chose. Le budget le plus important revient évidemment à l'éducation nationale, qui fait déjà beaucoup au titre de l'homologation. L'homologation est certes très importante mais elle ne représente pas un investissement financier considérable - des inspecteurs d'académie passent quelques jours dans l'établissement - et une commission nationale statue.
L'inversion du ratio de financement entre parents et État est la conséquence d'une paupérisation de la tutelle, qui ne peut contribuer significativement au financement de l'offre éducative française à l'étranger. Le budget attribué par Bercy tourne autour de 450 ou 480 millions d'euros, mais les parents d'élèves, de leur côté, contribuent pour plus de 1 milliard d'euros. Il s'agit d'établissements privés de droit local, dirigés par des associations gestionnaires de parents d'élèves : qui paie, dirige ! Un conflit plus que latent, déjà très vif par endroits, existe entre ceux qui paient et ceux qui ne paient plus comme avant.
C'est la raison pour laquelle le rapport de la Cour des comptes demande un coup de barre. Jean-Claude Carle dit qu'il faut « redéployer » les crédits. La Cour des comptes dit « revisiter », mais cela revient au même : il faut réfléchir sur l'état actuel de notre réseau et les moyens de continuer à faire bien, ou mieux, ce que nous faisons bien, et de faire autrement ce que nous avons des difficultés à faire. Je serais d'ailleurs d'avis que nous auditionnions les auteurs de ce rapport.
Les magistrats de la Cour des comptes ont pour responsabilité de vérifier l'usage des fonds publics ; leur travail est solide. Je l'ai lu attentivement ; j'y souscris très largement, sans a priori partisan.
Les conditions financières actuelles donnent un pouvoir considérable aux parents d'élèves au détriment des pouvoirs publics. Nous ne sommes pas dans une académie gérant des établissements publics : la situation juridique est très particulière, justifiant l'existence de frais de scolarité, ce qui serait impensable sur le territoire national.
Dans l'état actuel de notre réseau, nous ne pouvons plus continuer à fonctionner de cette manière.
J'avais participé, il y a trois ans, à une grande réflexion au ministère des affaires étrangères sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger. Il avait été décidé, alors, que le ministre de l'éducation nationale rencontrerait régulièrement son homologue des affaires étrangères, qui exerce la tutelle sur l'enseignement français à l'étranger. Mais réunir les deux ministres, c'est presque le Chemin des Dames ! Alors qu'ils devaient se voir deux fois par an, ils se sont réunis une fois sur ce thème, il y a deux ans. J'ai récemment demandé à M. Ayrault s'il comptait bientôt rencontrer sa collègue de l'éducation nationale pour faire le point sur l'état de notre réseau.
Tant que l'éducation nationale n'aura pas pris toute la mesure de ce problème, en instillant un peu d'international dans le national, sans dénaturer pour autant le national, nous rencontrerons des difficultés financières et ferons face à des demandes de « déshomologation » de la part de certains établissements.
Mme Mélot m'interroge sur la viabilité d'une solution européenne de financement. Là aussi, le ministère des affaires étrangères a entrepris une réflexion. L'un de nos conseillers consulaires à l'Assemblée des Français de l'étranger planche sur cette question. Mais nous nous heurtons d'ores et déjà à des différences d'appréciation juridique entre États membres de l'Union : les Allemands n'ont pas le même droit que nous ; ils ne s'intéressent pas à leurs compatriotes installés à l'étranger de la même manière que nous. Nous sommes les seuls, avec les Italiens - mais la représentation des Italiens de l'étranger est sur la sellette, puisqu'un référendum risque de la supprimer -, à accompagner vraiment nos communautés nationales à l'étranger. Madame Mélot, votre idée est excellente ; encore faudrait-il que, d'un point de vue juridique, le rapprochement soit possible.
Je partage le point de vue de Jean-Pierre Leleux : ces chutes de crédits auront des effets sur la durée. Les Français qui s'expatrient sont de moins en moins des expatriés d'entreprises ; ils bénéficient de moins en moins de primes à l'expatriation. Les jeunes générations doivent trouver un travail en arrivant sur place et n'ont pas les moyens de scolariser leurs enfants dans nos établissements.
Là encore, je renvoie au rapport de la Cour des comptes. Notre réseau reste attractif, il obtient des résultats remarquables, mais le mode de gouvernance économique est totalement à revoir.