Nous avons encore eu ces débats, il y a peu de temps, au Sénat. Il faut doter ces territoires en pleine mutation institutionnelle de documents d'urbanisme leur garantissant davantage de stabilité. Le sujet de l'urbanisation des « dents creuses » que mentionne M. Le Scouarnec est intéressant. Les dispositions législatives sont d'autant plus difficiles à traduire dans les documents d'urbanisme qu'il existe des jurisprudences qui infirment ce qui a été dit dans le débat parlementaire, brouillant au final le sens de la loi. La solution de facilité consisterait à supprimer toutes les dispositions législatives. Cela ne résoudrait rien.
Il existe un lien entre la dévitalisation commerciale et la perte de qualité de l'habitat. D'où le développement des établissements publics fonciers d'Etat dans les territoires, et l'inscription de cette problématique dans leur programmation pluriannuelle. Dans certains territoires, les difficultés liées aux fermetures de commerces en cascade se cumulent avec le coût de la réhabilitation d'un habitat caractérisé par sa valeur patrimoniale. Nous attendons les conclusions du rapport d'Yves Dauge sur le sujet. À terme, il faudra moderniser les dispositifs Malraux. Devons-nous envisager d'étendre le dispositif à Pinel dans l'ancien ? Comment développer le dispositif du prêt social location-accession (PSLA) ? Vaut-il mieux réhabiliter ou démolir ce patrimoine ancien ? Ces enjeux sont prégnants dans des villes participant aux programmes nationaux de requalification de l'habitat dégradé, comme Annonay, où le patrimoine ancien qui était encore de qualité il y a deux siècles, est aujourd'hui dégradé. La requalification passe par une modulation fine entre réhabilitation et démolition. Rien ne serait possible sans les moyens financiers dégagés par les dispositifs fiscaux.
Sollicitée par l'Assemblée des communautés de France, je viens de lancer un réseau des collectivités pour la mobilisation contre la vacance de logements. Y figurent des collectivités locales de milieu urbain, périurbain et rural qui utilisent la taxe sur les logements vacants pour développer leur réflexion. Certains logements sont attachés aux commerces, de sorte que lorsque l'un s'en va, tout tombe. Le développement de l'urbanisme commercial en périphérie des villes a un coût social et politique pour les centres-bourgs, avec les enjeux d'aménagement qui s'ensuivent : comment relier la périphérie et le centre-bourg ? En Ile-de-France, les centres commerciaux sont pléthores. La politique du logement a toute sa pertinence dans les zones, dites détendues, qui se caractérisent par de petits volumes de logements sociaux, de résidences privées ou d'Ehpad. La planification territoriale en matière de logement est une nécessité absolue.
Le Gouvernement n'est pas à l'origine des dispositions sur la TFPB qui ont été votées à l'Assemblée nationale, vendredi dernier. J'ai repoussé plusieurs amendements à ce sujet, et j'ai encore écrit, hier, au Premier Ministre pour lui dire combien ces mesures étaient dangereuses pour la dynamique de la construction. On risque de perdre un levier efficace, puisque 50 000 logements sociaux seront concernés sur 140 000. Nous souhaitons revenir sur cette disposition.
Faudrait-il envisager un droit d'option sur l'abattement de 30 % dans les quartiers prioritaires de la ville ? Les élus demandent surtout plus de transparence sur les usages qui sont faits de cet abattement. Les conventions, le dialogue renforcé avec les territoires, une meilleure communication du ministère des Finances : tout cela devrait contribuer à ce que les élus locaux n'aient plus le sentiment de perdre quelque chose sans compensation aucune. Je suis très mobilisée sur ce sujet.
Les expulsions locatives sont exécutées pour moitié dans le parc social et pour l'autre dans le parc privé. D'après les données du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice, le nombre des contentieux locatifs a diminué de 173 000 en 2014 à 167 000 en 2015, celui des décisions d'expulsion a augmenté de 132 016 à 132 196, et le nombre d'expulsions effectives avec concours de la force publique a considérablement augmenté de 11 000 à 14 127. Cette hausse de 22 % est liée à une augmentation notable des contentieux locatifs en 2014 (173 000 contre 159 000 en 2013). Désormais, chaque département doit mettre en place un plan national de prévention des expulsions.
Si le budget de l'Anru ne relève pas de mon ministère, le plan de rénovation urbaine prend en compte la question des propriétés dégradées. Nous avons développé les opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (ORCOD-IN), dispositif innovant issu de la loi Alur, à Clichy-sous-Bois, dans la copropriété du Chêne Pointu, confrontée à de graves difficultés urbaines et sociales, mais aussi à Grigny. Nous travaillons aussi en région parisienne et en Occitanie. Le rétablissement des copropriétés dégradées doit faire partie du programme de rénovation urbaine et bénéficier de financements particuliers, dont celui de l'Anah. Le registre des copropriétés devrait nous aider à suivre ce dossier.
Pour avoir suivi pendant six ans le dossier de Clichy-sous-Bois, je suis convaincue que rien ne serait possible sans des dispositifs comme celui des ORCOD-IN. Dans cette copropriété de 1 700 logements, un bâtiment a menacé péril au mois de mai dernier, alors qu'il n'était pas considéré comme problématique et qu'il est l'un des moins endetté de la copropriété. Il est en train de s'effondrer. On n'aurait rien pu faire sans les ORCOD-IN. Le cas n'est pas isolé. Ce genre de copropriété massive, datant des années 70, avec des difficultés de bâti, existe dans beaucoup de métropoles. Mobilisation de l'établissement public foncier, recours aux dispositifs du droit commun, mais aussi aux bailleurs sociaux qui relogent les propriétaires : telles sont les clefs de la réussite.
La définition des conditions de ressources applicables pour l'obtention du CITE ne relève pas de mon ministère. Si l'objectif est de massifier les rénovations pour répondre à des enjeux environnementaux et relancer la dynamique économique, mieux vaudrait élargir l'application du CITE. D'autres préfèrent réserver ce crédit d'impôt à un certain niveau de ressources pour cibler les ménages qui n'engageraient aucune rénovation sans cette aide. Les deux positions se tiennent. Rénover les logements les plus énergivores des ménages les plus modestes, mais aussi massifier le marché de la rénovation en rattrapant notre retard sur les autres pays européens, tels sont les deux objectifs à tenir. La ministre de l'Environnement et les députés Carrez et Goldberg ne sont pas d'accord sur l'encadrement du crédit d'impôt. Le débat mérite d'avoir lieu.
Quant à l'augmentation du CITE sur les prix des travaux, je vous communiquerai la réponse plus tard.
Monsieur Grémillet, sur le CITE, on a engagé 5 milliards d'euros de travaux pour un investissement fiscal d'1,4 milliard d'euros. Les certificats d'économies d'énergie ont un impact réel sur la facture des ménages.
Le plan pauvreté prévoyait la construction de logements très sociaux et mettait en place des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) et des super PLAI. Il devait également contribuer à la diminution du recours aux nuitées hôtelières grâce au développement des places d'hébergement pérennes, des places d'intermédiation locative et des places d'hébergement en logement adapté. Nous avons enrayé l'augmentation du recours aux nuitées hôtelières. L'effort doit être poursuivi. Le plan de mobilisation contre la pauvreté, en fixant des objectifs à la politique du logement, nous a aidés à exercer une pression sur les territoires qui cédaient trop souvent à la facilité en recourant aux nuitées hôtelières.
Quant aux prêts de haut de bilan, nous avions engagé une enveloppe de 2 milliards d'euros bonifiée à parité par la Caisse des dépôts et consignations et par Action logement, et nous avons reçu une demande de 6,5 milliards d'euros. Sur l'enveloppe engagée, 1,8 milliard d'euros ont été notifiés au bénéfice de 312 organismes et les demandes de 55 autres organismes sont en cours d'expertise. Les prêts portent aux trois quarts sur la rénovation et pour un quart sur la construction. Ils concernent des programmes à mettre en oeuvre jusqu'en 2018. La Banque européenne d'investissement (BEI) oeuvre à la mise en place des fonds.
Le Premier Ministre et le président de la République ont souhaité débloquer une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros pour répondre à la demande très forte. Avec la Caisse des dépôts et Action logement, nous travaillons à définir les critères d'attribution de ces nouveaux prêts, en veillant à ce qu'ils prennent en compte des enjeux tels que la question de l'Anru, la mobilisation de certains territoires qui ont des besoins particuliers, mais aussi les difficultés de certains opérateurs.
Ce dispositif, très attendu par les opérateurs de logement social, est intéressant. La BEI a félicité la France pour cette action en matière d'investissement et s'est déclarée prête à accompagner durablement ses efforts. Des discussions sont en cours dans le cadre du plan Juncker. Les institutions européennes ont un intérêt particulier à nous aider dans ce domaine.
- Présidence de M. Bruno Sido, secrétaire -
Sur le logement des travailleurs saisonniers, votre collègue Joël Giraud m'a posé la même question à l'Assemblée nationale : peut-on agréer les CCAS en leur donnant la carte professionnelle d'agents immobiliers ? Je ne crois pas que ce soit possible en l'état. Je me suis engagée à trouver une solution dans le cadre de la loi Montagne. De bonnes pratiques existent dans des secteurs où il n'y a pas d'agence immobilière à vocation sociale. Cependant, il faut tenir compte de la loi Hoguet et le ministère de la Justice a son mot à dire.
Vous m'interrogez sur une autre partie du texte qui a été votée par amendement. Je préfère relire le texte avant de vous répondre.
Valérie Létard rappelait la nécessaire non concurrence des publics sur la question de l'hébergement. Il est clair que c'est la nette amélioration de nos capacités d'hébergement qui rend possible l'accueil des migrants. C'est en partie pour cette raison que le budget augmente. Nous avons établi des programmations régionales et départementales. Nous avons mis l'accent sur les zones tendues, mais aussi sur celles qui ne disposaient pas de centres d'hébergement pérennes. L'évolution des publics doit être prise en compte, car il faut parfois reloger des familles en urgence, ou bien des jeunes en rupture familiale, ou encore des travailleurs pauvres. Au moins 40 % du public hébergé en Ile-de-France répondent aux critères d'accès au logement social, sans pourtant y avoir accès. Il faut que les bailleurs sociaux s'investissent davantage dans la gestion de ce public.
Nous nous étions engagés à créer des places en foyer et des places d'urgence pour les femmes victimes de violences conjugales, et nous l'avons fait. Le plus souvent, ces femmes doivent quitter leur domicile, même quand le bail est à leur nom. Elles n'ont donc plus accès au logement, alors même qu'elles sont victimes. Une solution consiste à mobiliser le contingent de logements préfectoral pour les accueillir. Cependant, ces femmes souffrent davantage d'un problème de violence que d'un problème de logement. Il faudrait commencer par veiller à ce qu'elles conservent l'accès à leur logement. Il faut également renforcer la formation des représentants du logement social dans les commissions d'attribution : une femme victime de violence n'est pas forcément une femme à problèmes.