Intervention de Serge Larcher

Commission des affaires économiques — Réunion du 23 novembre 2016 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « outre-mer » - examen du rapport pour avis

Photo de Serge LarcherSerge Larcher, rapporteur pour avis de la mission budgétaire Outre-mer :

Je remercie notre collègue Michel Magras d'avoir répondu à la question concernant les RUP. Je rebondirai sur ce qui vient d'être dit sur la Guadeloupe : ce territoire réexporte du Champagne vers ses iles voisines mais c'est le Vermouth qui est la boisson de fête préférée de ses habitants. Ne nous méprenons pas sur l'interprétation des statistiques qui pourraient faire croire à une importante consommation de Champagne en Guadeloupe. Par ailleurs, il ne faut pas attacher trop d'importance aux acronymes. La Martinique est à la fois un département d'Outre-mer, département français d'Amérique, une région ultrapériphérique pour l'Europe. Ces termes ne sont qu'administratifs. Je suis pour ma part martiniquais, caribéen, français, européen et également citoyen du monde...

Presque tous les Martiniquais ont un jardin créole, et ceux qui ne peuvent pas le cultiver sur la terre ferme le font sur leur balcon. Une telle pratique est profondément ancrée : chacun souhaite s'alimenter avec ses propres produits. L'agriculture vivrière concerne ceux qui disposent d'un peu plus de superficie cultivable et vendent ensuite leurs produits sur les marchés locaux : cela concerne une grande diversité de produits. Seuls des engrais naturels y sont employés et l'usage des pesticides est inexistant. En ce qui concerne les grandes cultures de banane et de canne à sucre, nous avons vécu une période, aujourd'hui révolue, marquée par l'utilisation du chlordécone dans le cadre de la Communauté caribéenne (CARICOM). Depuis lors, toutes les parcelles sur les territoires de la Martinique et de la Guadeloupe où ce produit phytosanitaire a été utilisé ont été recensées. Par mesure de sécurité, sur le marché local, il est possible d'assurer la traçabilité des produits vendus et force est ainsi de constater que le consommateur est bien protégé.

Je précise également que la culture de la canne à sucre en Martinique et à la Guadeloupe, qui est en AOC, n'utilise pas de pesticides. En outre, comme nous l'avons évoqué lors du débat d'hier, seuls deux produits et sept traitements sont autorisés pour la banane. Nous nous acheminons donc vers la production bio de la canne à sucre, du rhum et de la banane avec une montée en gamme et un positionnement sur un marché de niche. La concurrence avec les grands producteurs de l'Amérique latine comme United Food, nous oblige à améliorer nos productions de haut niveau. La banane française et européenne est ainsi soucieuse des droits de l'homme et de la protection de l'environnement. Nous sommes également attachés à veiller à la propreté des cultures et des terrains sur lesquels nos bananes sont cultivées, quand bien même le fruit, planté sur une terre polluée, n'est pas atteint. Une telle démarche de propreté des sols se retrouve également dans la production florale. Un travail important est réalisé localement et les gens sont conscients de la nécessité de bannir le chlordécone des cultures. Je signale qu'aujourd'hui, de nombreux documents attestent de la montée du cancer de la prostate chez les hommes et l'on s'interroge sur l'usage des pesticides comme possible source d'une telle mortalité. Il ne faut pas s'arrêter aux rumeurs et étudier sérieusement la question en se demandant pourquoi ce cancer est la première cause de mortalité à la fois chez les Noirs américains comme aux Antilles.

En réponse à une autre question soulevée par Joël Labbé, de nombreuses recherches sont conduites en Martinique sur les variétés et les espèces. N'oublions pas qu'en zone tropicale humide les conditions climatiques sont très différentes de l'Europe continentale.

Les Ultramarins ont à coeur de produire des produits de qualité et nous attendons que l'Hexagone se comporte comme l'Espagne qui consomme d'abord les produits des Canaries, à l'instar de leur banane locale qui bénéficie d'un prix constant toute l'année. C'est là un comportement citoyen dont nous ferions bien de nous inspirer.

J'en reviens à l'analyse budgétaire stricto sensu. Les crédits alloués au outre-mer l'État ne se limitent pas aux deux milliards d'euros du budget que nous examinons. En totalisant l'ensemble des missions on atteint quinze milliards et le document « orange » de politique transversale retrace cet effort de l'État.

Le projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer est bienvenu mais, ne nous privons pas de le dire sur le ton de la plaisanterie, il arrive un peu tard car je rappelle que nous sommes départements français depuis soixante-dix ans et la départementalisation était le résultat d'un combat pour l'égalité. Les Caribéens se sont d'abord battus pour la liberté en brisant le joug de l'esclavage et il nous a fallu attendre longtemps pour obtenir l'égalité de droit.

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