Commission des affaires économiques

Réunion du 23 novembre 2016 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 9 h 35.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

L'ordre du jour de ce matin est consacré à l'examen de différents avis budgétaires de notre commission pour 2017. J'invite, en premier lieu, notre collègue M. Serge Larcher à nous présenter son avis sur la mission budgétaire Outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le Président, mes chers collègues, l'année dernière, notre commission a fait sienne mon approche qui constatait la préservation des crédits de la mission Outre-mer et préconisait une forme particulière d'offensive, à savoir la réduction de l'instabilité et de la complexité du cadre juridique et fiscal, pour dynamiser deux priorités : le logement et l'activité dans le secteur marchand.

Les évolutions en cours ne font que renforcer ma conviction : partout dans le monde, les très forts taux de chômage ébranlent la cohésion de nos sociétés et de nos démocraties. Avec un taux de chômage double de celui de l'hexagone et une production de logements qui décline, nos Outre-mer sont confrontés à des fondamentaux économiques auxquels ne résisteraient pas la plupart des territoires.

Face à cette situation, nous n'avons plus le choix : la voie de la facilité - j'allais dire du vaccin - budgétaire et de l'emploi public servant d'amortisseur appartiennent au passé et il faut armer les Outre-mer pour le combat économique. Les rapports officiels parlent de plus en plus de « développement endogène » : l'appellation est un peu technocratique mais l'idée va dans le bon sens. Comme l'a bien montré notre commission des affaires économiques, les réseaux de micro-entreprises, avec leur réactivité exceptionnelle, ont fait de l'Italie du Nord la deuxième puissance industrielle de l'Europe : il y a donc des alternatives au « modèle allemand » et contrairement à ce que l'on pense parfois, les entrepreneurs ultra marins ont beaucoup de potentiel - encore faut-il les retenir de s'expatrier.

J'en viens à l'évolution globale des crédits de la mission Outre-mer pour 2017. Sans prétendre avoir su lire dans le « marc de café » budgétaire, j'avais relevé l'année dernière que la baisse des autorisations d'engagement était un signal assez inquiétant pour l'avenir. Le projet de loi de finances pour 2017 me donne un peu raison, puisqu'à structure constante les crédits baissent de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Certes, la présentation qui figure dans les documents comptables est plus flatteuse puisqu'elle affiche une hausse. En réalité, et le Gouvernement ne l'a pas caché, cela correspond à des transferts de crédits assez importants en provenance de l'enveloppe consacrée à l'enseignement et à la mission Travail et Emploi.

Je ferai trois remarques pour commenter cette baisse et la replacer dans son contexte : tout d'abord, nos Outre-mer participent à l'effort de rigueur, mais, vaille que vaille, le seuil symbolique des deux milliards d'euros est préservé et on note des avancées nouvelles pour 2017. Il faut ensuite rappeler que, dans sa structure, ce budget est composé - à plus de la 50 % - de remboursements à la Sécurité sociale en contrepartie des exonérations de cotisations accordées aux entreprises ultramarines. Mécaniquement, si l'emploi régresse légèrement, et si les paramètres de calcul restent inchangés, les exonérations diminuent. C'est donc un budget qui est très dépendant de la conjoncture. Enfin, aujourd'hui, les regards se tournent surtout vers le débat parlementaire consacré au projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer où des mesures substantielles ont été introduites en première lecture à l'Assemblée nationale, avec l'appui du Gouvernement pour surmonter le couperet de l'article 40. Dans ce contexte, le présent budget a relativement moins d'importance que les autres années et cela ressort clairement des auditions.

Je vous livre à présent mon analyse des deux programmes de la mission « Outre-mer ». Pour 2017, les crédits du programme 138 en faveur de l'emploi ultramarin sont, globalement en baisse de plus de 6 % par rapport à 2016 et même de plus de 8% à périmètre constant. Je rappelle que ce programme a pour finalité d'encourager la création d'emplois et la compétitivité des entreprises ultramarines. On ne rappellera jamais assez que l'éloignement géographique, l'insularité, l'étroitesse des marchés et les risques naturels sont des handicaps importants qu'il faut compenser. Les voisins des territoires ultramarins sont également de redoutables concurrents économiques avec, dans le domaine agricole, des coûts salariaux souvent de 15 à 20 fois moindres. De plus, comme l'illustre la proposition de résolution européenne sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne que nous venons d'adopter, hier soir, à l'unanimité, les entreprises ultramarines sont soumises à des normes et des exigences de certification similaires à celles de l'hexagone. Je présente à ce sujet mes félicitations à notre collègue Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale pour l'Outre-mer qui a permis l'adoption par le Sénat de ce texte.

Cette mission budgétaire vise donc à permettre aux Outre-mer de s'adapter au triple espace auquel ils appartiennent : l'espace national, leur environnement géographique immédiat ainsi que l'espace européen pour les DOM.

L'action 1 du programme porte sur la compensation des exonérations de charges sociales spécifiques aux Outre-mer. La dotation budgétaire s'élève, pour 2017, à un peu plus d'un milliards d'euros, en baisse de 8 % par rapport à 2016. Cela s'explique essentiellement par un recentrage des exonérations sociales avec, en particulier, une mesure restrictive concernant les travailleurs indépendants.

Je m'arrête un instant sur ce dispositif car c'est un révélateur de la problématique d'ensemble des exonérations de charges. Dans le droit en vigueur, introduit par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'Outre-mer, les travailleurs indépendants non agricoles ultramarins bénéficient d'une exonération totale de cotisations pendant deux ans, à compter de la date de la création de l'activité, quel que soit le montant des revenus déclarés. Au-delà de cette phase de lancement, les cotisations sont calculées, pour la partie des revenus inférieure au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) soit 36 616 euros, sur une assiette égale à 50 % des revenus. Le coût total de ce dispositif pour 2015 a été évalué à 142,8 millions d'euros pour 95 800 bénéficiaires.

Le Gouvernement a proposé à l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2017 de resserrer ce régime d'exonération spécifique octroyée sans condition de revenus. Il justifie cette mesure par l'objectif de limiter les effets d'aubaine bénéficiant à des activités générant des hauts revenus. Effectivement, l'étude d'impact du PLFSS indique que 30 % des entreprises cessent leur activité avant la fin de la troisième année, en raison de la diminution brutale de l'avantage social à partir de cette année-là.

La solution proposée à l'article 7 du PLFSS, et adoptée conforme par le Sénat le 15 novembre, consiste d'abord à limiter le bénéfice de l'exonération totale des cotisations et à prévoir la dégressivité du dispositif en majorant l'avantage consenti la troisième année.

Un tel « coup de rabot », même si on en comprend la logique, appelle deux principales observations qui ont, à mon sens, une portée générale. D'une part, il porte atteinte à la simplicité et la stabilité du mécanisme applicable aux travailleurs indépendants. D'autre part, il risque de freiner de nouvelles initiatives, avec un statut de travailleur indépendant moins attractif, alors même que les Outre-mer connaissent un chômage très élevé. Le choix d'amoindrir les avantages accordés aux activités les plus rentables et les plus qualifiées correspond certes à une préoccupation de justice sociale mais elle ne favorise pas nécessairement l'essor économique des territoires ultramarins ni la nécessité d'attirer et de retenir l'excellence en Outre-mer. Nous ne sommes pas ainsi en mesure de proposer aux jeunes très diplômés des emplois correspondant à leur niveau de qualification.

Cela m'amène à évoquer le débat sur le principe de la concentration des allègements sur les bas salaires. Certes, selon les modèles économétriques, ce ciblage est le plus efficace à court terme pour favoriser les embauches. Cependant, à plus long terme, il faut tenir compte des effets structurels de ce choix. En effet, les employeurs ont tendance à proposer des embauches autour du SMIC, même aux jeunes ultramarins très diplômés et ceux-ci s'orientent alors souvent vers la fonction publique ou vers l'exil. Pour éviter que nos Outre-mer perdent leurs élites, je préconise des allègements de charges moins concentrés sur les bas salaires.

L'action 1 finance également l'abaissement du coût du fret à hauteur de 8,6 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2017. Il s'agit de diminuer les prix à la consommation en abaissant le coût du transport des matières premières ou des produits importés de l'Union européenne.

Dans ce domaine, la principale avancée est prévue à l'article 18 du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle Outre-mer qui étendrait l'aide au fret aux échanges entre les collectivités ultramarines et avec leur environnement régional, afin d'assurer la meilleure intégration des Outre-mer dans leur zone géographique.

Une meilleure insertion économique des Outre-mer dans leur zone économique proche est un défi essentiel à relever et cela nécessite un perfectionnement des outils juridiques. Celui-ci est prévu par la proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales : la commission des lois en préconise le vote conforme, et le texte sera examiné cet après-midi par le Sénat.

Économiquement, je fais observer qu'on ne prend pas assez en considération ces enjeux régionaux : par exemple, en matière agricole, nos propositions de résolution insistent à juste titre sur la concurrence déloyale faite aux exportations de produits ultramarins vers l'Union européenne. Mais, sur le terrain, on constate également que les produits des pays tiers envahissent les rayons des grandes surfaces situés dans les Outre-mer, ce qui met en grande difficulté les producteurs locaux et notre agriculture vivrière.

J'en termine avec l'action 1 qui, en baisse globale, préserve cependant les crédits consacrés aux dispositifs de promotion de l'insertion et de la formation.

L'action 2 du programme 138 finance principalement le service militaire adapté (SMA), c'est-à-dire un stage d'au moins six mois qui s'adresse aux jeunes ultramarins, garçons et filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, et comprend un mois de formation militaire ainsi que 800 heures de formation professionnelle. Le succès de cette formule - 80% de taux d'insertion - a conduit, depuis 2009, à viser le doublement des effectifs pour les porter à 6000 en 2017. Le but sera atteint en avec la réalisation d'infrastructures d'accueil et la création de cursus ouverts aux jeunes diplômés en situation de chômage. On peut s'en féliciter et je me demande s'il ne faudrait pas s'inspirer de ce dispositif pour l'étendre à l'Hexagone.

J'en viens au programme 123 « Conditions de vie Outre-mer » qui sont en hausse globale.

Le point le plus inquiétant est le secteur du logement. Certes, pour 2017, les crédits de l'action n° 1 ont été sanctuarisés à 233 millions d'euros de CP et 247 millions d'AE. Cependant, la baisse de la construction appelle des mesures énergiques.

Le logement reste, en effet, une des principales difficultés de la vie quotidienne des ultramarins. Concrètement, en Martinique, on recense aujourd'hui près de 11 550 demandes de logement social et, selon l'INSEE, il faudrait construire pour la période 2010-2040, 2 500 à 3 000 logements neufs par an. Or en moyenne depuis 2006, 489 logements sociaux ont été financés tandis que 403 ont été livrés par an.

Comme s'en est inquiété le représentant de l'Union Sociale de l'Habitat au cours des auditions, les programmes de construction ont pris du retard, ce qui s'explique par plusieurs facteurs convergents : les difficultés de programmation des projets, la lourdeur des procédures administratives et la rareté du foncier. J'insiste également sur l'augmentation des coûts de construction.

Cette évolution très préoccupante se lit dans les graphiques, avec une baisse continue, depuis 2012, du nombre de logements sociaux ou très sociaux financés suivie, avec un effet retard, d'un déclin assez brutal depuis 2014 du nombre de logements livrés.

Seule une mobilisation énergique peut permettre de remplir les objectifs fixés par le plan « Logement Outre-mer » signé le 26 mars 2015, qui vise 10 000 logements sociaux neufs ou réhabilités par an. Il convient de mentionner que l'article 3 ter du projet de loi égalité réelle outre-mer adopté par les députés porte à 150 000 ce chiffre, en incluant l'effort de construction à réaliser dans la zone pacifique, et vise à l'inscrire dans la loi.

Par ailleurs, l'action n° 9 « Appui à l'accès aux financements bancaires » de ce programme 123 prévoit une nette hausse des crédits d'engagement. Cette hausse des autorisations d'engagement a vocation, selon le Gouvernement, à renforcer l'appui au secteur public en favorisant la réalisation de projets structurants pour le développement, notamment économique, des territoires ultramarins. Elle permettra, en particulier, la mise en place, en 2017, d'un prêt à taux zéro pour les projets des acteurs publics favorisant le développement des énergies renouvelables et de la lutte contre les effets du changement climatique dans les collectivités d'Outre-mer. Je rappelle qu'à l'exception de la Guyane, nos territoires sont menacés par la montée des eaux.

J'en termine en soulignant le maintien des crédits du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) à un niveau suffisant pour qu'il continue à remplir ses missions en matière de financement d'investissements publics structurants. Certes, l'objectif que le Président de la République avait fixé de voir ce fonds doté de 500 millions d'euros d'ici 2017 ne sera vraisemblablement pas atteint, mais le FEI aura tout de même accumulé, en 2017, 230 millions d'euros en AE et 214 millions d'euros en CP. Je souligne que ces crédits ont un effet de levier considérable pour l'investissement et ils favorisent l'offensive économique dont nos Outre-mer ont besoin.

En conclusion, ce budget s'efforce d'optimiser la dépense publique en ciblant des priorités et des actions dont l'efficacité est prouvée. La culture n'est pas oubliée puisque le présent budget prévoit 10 millions d'euros en engagements et 1,5 millions d'euros en crédits de paiement pour financer la création, en Île-de-France, de la Cité des Outre-mer, pour mettre en valeur leur histoire et leur diversité.

Par ailleurs, le projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer est porteur d'espoir et contient des avancées notables : j'espère que le Sénat pourra imprimer une marque positive sur ce texte qui permettra de contrebalancer largement le déclin des crédits prévus pour 2017. Pour ces raisons, je vous propose d'émettre un avis favorable à leur adoption.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Merci Monsieur le Rapporteur pour votre présentation. Je passe tout d'abord la parole à notre collègue Michel Magras, président de la Délégation sénatoriale à l'Outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je tiens à féliciter notre rapporteur pour le rapport qu'il vient de nous présenter. Il faut rappeler que la mission Outre-mer dispose de leviers d'action spécifiques et, en même temps, son équilibre, voire sa légère augmentation, peut résulter de transferts de crédits en provenance d'autres missions car les territoires ultramarins sont concernés par l'ensemble des missions budgétaires. Par conséquent, on peut assez facilement, au moyen de jeux d'écritures, nous donner l'illusion d'une croissance des crédits à moyens réels constants. Certes, le budget de l'Outre-mer dépend de la conjoncture et nous prenons notre part à la rigueur. Nous nous préparons, en début d'année 2017, à débattre de la loi sur l'égalité réelle outre-mer et je regrette que ce budget n'ait pas suffisamment anticipé certaines de ses dispositions. Cette loi ne pourra être uniquement déclarative et induira nécessairement un coût financier. Or, si le budget 2017 ne prévoit dès à présent pas les financements nécessaires à sa mise en oeuvre, cette loi ne pourra être opérationnelle qu'à partir de 2018, ce qui me paraît un non-sens.

Il est faux de considérer les Outre-mer comme des collectivités qui sollicitent des fonds publics pour exister. Celles-ci entendent au contraire se développer par elles-mêmes et atteindre le même niveau de revenu que celui de la France métropolitaine. Depuis des années nos initiatives vont dans ce sens. Nous demandons à l'Europe et à la Nation de nous accompagner dans cette démarche, et pas seulement au niveau financier. C'est d'ailleurs bien souvent dans le PLFSS que sont traités les principaux enjeux financiers portant sur les allègements de charges. A ce sujet, je me contenterai ici de mentionner la différence entre le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dont les entreprises bénéficient a posteriori et les allègements de charges qui interviennent en amont de l'emploi : il y a là un débat important.

Enfin, il est vrai que les Outre-mer ont besoin d'une certaine liberté d'action dans leur espace régional. La proposition de loi présentée par notre collègue député Serge Letchimy, dont nous débattrons cet après-midi, va dans ce sens. Personnellement, je voterai en sa faveur car elle se limite à donner aux départements ultramarins des compétences qui sont déjà celles des collectivités. Ainsi, avec l'adoption de ce texte, la Martinique ne disposera pas de plus de compétences que Saint-Barthélemy dans la zone des Caraïbes, avec une nuance près : la Martinique et la Guadeloupe appartiennent à l'espace européen, ce qui a des conséquences notables en matière de commerce international. Dès qu'une marchandise pénètre sur leur territoire, elle entre dans l'Union européenne, ce qui n'est pas sans susciter certaines difficultés d'ordre douanier notamment.

En définitive, je voterai en faveur du rapport présenté par notre collègue et de la proposition de loi qui nous sera soumise cet après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Je veux remercier, à mon tour, notre collègue Serge Larcher, pour son rapport et sa présentation. Je note que le budget qu'il nous présente est globalement préservé, comme en témoigne le maintien de ses dispositifs les plus importants consacrés à l'emploi, à la jeunesse, au logement et au soutien de l'activité économique. Le mécanisme d'exonération sociale pour les salariés est maintenu en ciblant davantage les petites et très petites entreprises qui sont largement majoritaires dans les Outre-mer. Cela contribue à favoriser l'emploi, mais il reste beaucoup à faire puisque le taux de chômage demeure bien supérieur à celui de la Métropole, en dépit de la baisse récemment enregistrée.

Parmi les autres enjeux d'avenir, je relève que les projets de développement des énergies renouvelables et d'adaptation au changement climatique, notamment dans les collectivités du Pacifique, sont accompagnés par la création d'un équivalent au Fonds vert. En outre, dans le cadre du plan logement Outre-mer 2015-2020, l'État s'est engagé à produire 10.000 logements sociaux neufs ou réhabilités. Malgré les fonds consacrés à ces opérations, il semble que des retards de livraison aient été enregistrés. Quelle en est la raison ?

Le budget du service militaire adapté, qui garantit des perspectives à la jeunesse avec un taux de sortie positive de plus de 70 %, est préservé et il devrait atteindre l'objectif cette année de 6.000 jeunes par an. Ce dispositif qui a prouvé son efficacité dans la lutte contre le chômage, vous semble-t-il adaptable dans l'hexagone, en particulier dans nos territoires qui connaissent les plus forts taux de chômage ?

Enfin, ce budget comporte-t-il, selon vous, les moyens nécessaires au financement des mesures prévues par le projet de loi pour l'égalité réelle outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Notre débat d'hier soir en séance publique sur la résolution européenne portant sur l'agriculture ultramarine était très intéressant. A ce sujet je continue à m'interroger sur le bien-fondé de l'appellation de région ultrapériphérique (RUP) et vous invite, mes chers collègues, à réfléchir sur le risque de stigmatisation qu'il contient.

Je reviens également sur les enjeux de la recherche fondamentale : l'agriculture ultramarine présente des spécificités distinctes de celle de l'hexagone, ne serait-ce qu'en raison de ses espèces et ses ravageurs distincts. A-t-on doté la recherche en agronomie de suffisamment de moyens pour favoriser une agro-écologie adaptée aux Outre-mer ? D'ailleurs, hier soir on a également évoqué le jardin créole nourricier : un travail extraordinairement important me paraît devoir être conduit à ce sujet. Tendre vers l'autonomie alimentaire des iles est un objectif essentiel et les moyens alloués à la recherche fondamentale doivent y contribuer.

À propos des produits que l'on appelle pudiquement « phytopharmaceutiques » - c'est-à-dire, en clair, les pesticides - utilisés en Outre-mer, je souligne l'existence d'alternatives qui ne sont pas assez mises en avant. Les substances de bio-contrôle peuvent aussi lutter efficacement contre les ravageurs ainsi que les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP).

Je me réjouis par ailleurs de l'effort en matière de financement des logements sociaux qui répond à une réelle nécessité. Enfin, compte tenu des conditions climatiques qui prévalent Outre-mer, les énergies renouvelables, comme l'éolien ou le photovoltaïque, ne peuvent qu'y trouver un formidable terrain d'expérimentation et de mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Juste un mot pour lever le doute exprimé par notre collègue Joël Labbé sur l'appellation RUP. Je rappelle qu'on distingue désormais les départements d'Outre-mer et les collectivités d'Outre-mer : les autres termes ont disparu. Le statut de RUP est, quant à lui, européen : les « régions ultrapériphériques » font partie intégrante de l'Union mais elles sont éloignées géographiquement du continent européen, ce qui justifie l'usage du terme ultrapériphérique. Il faut également articuler le statut national et le statut européen des territoires. Ainsi, tout département d'Outre-mer dispose du statut européen de région ultrapériphérique. La collectivité de Saint-Martin est également dans la catégorie des RUP tandis que celle de Saint-Barthélemy a le statut de pays et territoire d'Outre-mer (PTOM), c'est-à-dire qu'elle est associée à l'Europe. Pour les PTOM, les directives européennes ne s'appliquent que si la France en a décidé ainsi, dans le cadre de sa transposition, et après avoir recueilli leur accord. Ces distinctions peuvent vous paraitre compliquées, mais ceux qui vivent en outre-mer sont nécessairement amenés à prendre en compte un cadre juridique le mieux adapté possible.

La principale difficulté, quant aux régions ultrapériphériques de l'Europe, provient de leur répartition à travers le monde. Toute marchandise entrant dans une région ultrapériphérique est censée se trouver sur le territoire européen : c'est certes géographiquement aberrant, mais c'est une réalité juridique. On aurait pu évoquer à ce sujet la situation de la Guadeloupe qui figure au rang de premier exportateur de Champagne vers les Caraïbes, car elle bénéficie d'un régime très bas de taxes. C'est loin d'être le seul cas et ce sont là nos spécificités !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Je remercie notre collègue Michel Magras d'avoir répondu à la question concernant les RUP. Je rebondirai sur ce qui vient d'être dit sur la Guadeloupe : ce territoire réexporte du Champagne vers ses iles voisines mais c'est le Vermouth qui est la boisson de fête préférée de ses habitants. Ne nous méprenons pas sur l'interprétation des statistiques qui pourraient faire croire à une importante consommation de Champagne en Guadeloupe. Par ailleurs, il ne faut pas attacher trop d'importance aux acronymes. La Martinique est à la fois un département d'Outre-mer, département français d'Amérique, une région ultrapériphérique pour l'Europe. Ces termes ne sont qu'administratifs. Je suis pour ma part martiniquais, caribéen, français, européen et également citoyen du monde...

Presque tous les Martiniquais ont un jardin créole, et ceux qui ne peuvent pas le cultiver sur la terre ferme le font sur leur balcon. Une telle pratique est profondément ancrée : chacun souhaite s'alimenter avec ses propres produits. L'agriculture vivrière concerne ceux qui disposent d'un peu plus de superficie cultivable et vendent ensuite leurs produits sur les marchés locaux : cela concerne une grande diversité de produits. Seuls des engrais naturels y sont employés et l'usage des pesticides est inexistant. En ce qui concerne les grandes cultures de banane et de canne à sucre, nous avons vécu une période, aujourd'hui révolue, marquée par l'utilisation du chlordécone dans le cadre de la Communauté caribéenne (CARICOM). Depuis lors, toutes les parcelles sur les territoires de la Martinique et de la Guadeloupe où ce produit phytosanitaire a été utilisé ont été recensées. Par mesure de sécurité, sur le marché local, il est possible d'assurer la traçabilité des produits vendus et force est ainsi de constater que le consommateur est bien protégé.

Je précise également que la culture de la canne à sucre en Martinique et à la Guadeloupe, qui est en AOC, n'utilise pas de pesticides. En outre, comme nous l'avons évoqué lors du débat d'hier, seuls deux produits et sept traitements sont autorisés pour la banane. Nous nous acheminons donc vers la production bio de la canne à sucre, du rhum et de la banane avec une montée en gamme et un positionnement sur un marché de niche. La concurrence avec les grands producteurs de l'Amérique latine comme United Food, nous oblige à améliorer nos productions de haut niveau. La banane française et européenne est ainsi soucieuse des droits de l'homme et de la protection de l'environnement. Nous sommes également attachés à veiller à la propreté des cultures et des terrains sur lesquels nos bananes sont cultivées, quand bien même le fruit, planté sur une terre polluée, n'est pas atteint. Une telle démarche de propreté des sols se retrouve également dans la production florale. Un travail important est réalisé localement et les gens sont conscients de la nécessité de bannir le chlordécone des cultures. Je signale qu'aujourd'hui, de nombreux documents attestent de la montée du cancer de la prostate chez les hommes et l'on s'interroge sur l'usage des pesticides comme possible source d'une telle mortalité. Il ne faut pas s'arrêter aux rumeurs et étudier sérieusement la question en se demandant pourquoi ce cancer est la première cause de mortalité à la fois chez les Noirs américains comme aux Antilles.

En réponse à une autre question soulevée par Joël Labbé, de nombreuses recherches sont conduites en Martinique sur les variétés et les espèces. N'oublions pas qu'en zone tropicale humide les conditions climatiques sont très différentes de l'Europe continentale.

Les Ultramarins ont à coeur de produire des produits de qualité et nous attendons que l'Hexagone se comporte comme l'Espagne qui consomme d'abord les produits des Canaries, à l'instar de leur banane locale qui bénéficie d'un prix constant toute l'année. C'est là un comportement citoyen dont nous ferions bien de nous inspirer.

J'en reviens à l'analyse budgétaire stricto sensu. Les crédits alloués au outre-mer l'État ne se limitent pas aux deux milliards d'euros du budget que nous examinons. En totalisant l'ensemble des missions on atteint quinze milliards et le document « orange » de politique transversale retrace cet effort de l'État.

Le projet de loi sur l'égalité réelle outre-mer est bienvenu mais, ne nous privons pas de le dire sur le ton de la plaisanterie, il arrive un peu tard car je rappelle que nous sommes départements français depuis soixante-dix ans et la départementalisation était le résultat d'un combat pour l'égalité. Les Caribéens se sont d'abord battus pour la liberté en brisant le joug de l'esclavage et il nous a fallu attendre longtemps pour obtenir l'égalité de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

La fraternité, nous l'avons pratiquée durant les deux guerres mondiales ! Reste que les mesures prévues dans ce texte sur l'égalité réelle ne sont pas financées et je suggère qu'un collectif budgétaire vienne rapidement combler cette lacune..

S'agissant de la création d'activité, nous créons en outre-mer un nombre record de micro-entreprises : encore faut-il encourager leur développement et leurs chances de survie. C'est pourquoi les gouvernements successifs ont porté leur effort sur des dispositifs d'exonérations de charges : de telles mesures, quand elles sont limitées dans le temps, peuvent générer des effets d'aubaine, mais elles contribuent à dynamiser l'emploi local.

Le logement social, qui a bien du mal à répondre à des besoins très importants est financé d'une part par la ligne budgétaire et unique (LBU) qui est sanctuarisée et, d'autre part, par le crédit ainsi que la défiscalisation. Cette dernière, quel que soit le Gouvernement en place, représente, pour l'État, une sorte de « saut sans filet », puisqu'il ne connait pas à l'avance le montant de la dépense fiscale. Bercy, en ralentissant les procédures d'agrément freine les programmes de logement social et le Premier ministre lui-même a décidé de supprimer l'agrément préalable pour le logement social : cette mesure est trop récente pour qu'on puisse en mesurer les effets. J'ajoute que le foncier viabilisé disponible est rare et cher. Son prix s'est envolé au moment des premières mesures de défiscalisation décidées lors de la première cohabitation entre 1986 et 1988. L'indivision est également un sérieux problème qui résulte de la non-liquidation des héritages : j'ai proposé à ce sujet la création d'un Groupement d'intérêt public (GIP) calqué sur ce qui est en vigueur en Corse, mais j'attends toujours, quatre ans après le vote de cette mesure, son décret d'application... Les « dents creuses » que l'on retrouve dans de nombreux faubourgs en Martinique témoignent de ces difficultés successorales qui peuvent être accrues lorsque les bénéficiaires sont dispersés à travers le monde.

J'en termine en disant un mot sur le service militaire adapté (SMA) qui est une sorte de service civique. Après un mois passé à recevoir les codes de la vie dans un environnement militaire, les jeunes y apprennent un métier et trouvent, à près de 80%, un emploi. C'est un dispositif dont on doit saluer l'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous allons nous prononcer sur ces crédits : notre rapporteur pour avis et le Président de la Délégation sénatoriale pour l'Outre-mer suggèrent un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le Président, mes chers collègues, je vais donc, cette année encore, vous présenter les crédits de la MIRES, la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ». Je vous propose d'exposer les grandes orientations de son budget pour 2017, puis d'approfondir les sujets que j'ai souhaité développer : à savoir l'Agence nationale de la recherche et la place des régions dans le financement de la recherche et de l'innovation.

Ce budget, le dernier de la mandature et le second présenté par le secrétaire d'État à la recherche et à l'enseignement supérieur Monsieur Thierry Mandon, se distingue nettement des budgets précédents. Alors que ceux-ci nous avaient habitués à une stagnation des crédits, celui de cette année connaît une hausse significative de 3,1 %, pour atteindre 27 milliards d'euros, soit une hausse plus importante que celle du budget général de l'État qui est de l'ordre de 2,8%. À l'intérieur de cette enveloppe, les crédits consacrés à la recherche, qui nous intéressent, augmentent également, mais dans une moindre mesure s'agissant des crédits de paiement, qui progressent de 2,1% par rapport à 2016. Le budget « recherche » de la MIRES atteint, cette année plus de 14 milliards d'euros. Cette tendance à la hausse est néanmoins à replacer dans un contexte budgétaire particulièrement contraint ces dernières années. Ainsi, on observe, pour 2017, une légère baisse de la part des crédits consacrés à la recherche de la MIRES dans le budget de l'État : 4,53% en 2017 contre 4,66% en 2016. Ce fait confirme une tendance structurelle observée depuis 2012, à l'exception de l'exercice 2015. Ainsi, alors que depuis 2012, le budget général de l'État a augmenté de de 9,5 % ; celui de la recherche au sein de la MIRES n'a progressé que de 3,2 %.

Au sein de cette enveloppe recherche, on distingue cependant des évolutions diverses. Ainsi, les trois programmes relevant du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui représentent 80% des crédits consacrés à la recherche, voient leurs crédits significativement augmenter, de plus de 3%. Cette hausse représente la quasi-totalité de la hausse des crédits consacrés à la recherche. Ces programmes financent la recherche universitaire et vingt-trois grands organismes de recherche, dont le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Centre national d'études spatiales (CNES), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ou encore l'Agence nationale de la recherche, que j'évoquerai plus tard.

Les quatre autres programmes intéressant la recherche et rattachés à la MIRES connaissent, en revanche, des évolutions divergentes. Si le programme finançant l'enseignement supérieur et la recherche agricole voit ses crédits augmenter, avec une hausse de 4,9 % en crédits de paiement, ceux finançant la recherche et l'enseignement supérieur en matière économique et industrielle connaissent une chute de 3,7% en crédits de paiement, tandis que la recherche culturelle et la culture scientifique connaissent une baisse de leurs crédits de paiement de 2,1%. Ceux finançant la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables ainsi que la recherche duale voient leurs crédits stagner.

S'agissant des organismes de recherche, le budget 2017 se caractérise par une nette hausse de leurs financements. Sur les 23 organismes relevant du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, 11 disposeront en 2017 d'une dotation en augmentation par rapport à l'année précédente, entre 0,2% pour le volet civil du CEA et 8,37% pour l'Agence nationale de la recherche, et les 12 autres bénéficieront d'une dotation équivalente à celle de l'année précédente. En revanche, certains organismes qui ne dépendent pas du ministère de la recherche à titre principal connaissent une baisse des financements de l'État. C'est, par exemple, le cas d'Universcience, au sein du programme consacré à la recherche culturelle avec une baisse de crédits de paiement de 3,2%.

À l'exception de l'ANR, cette hausse des contributions de l'État finance le plus souvent des mesures salariales découlant directement de décisions gouvernementales, telles que le protocole Parcours professionnels carrières rémunérations (PPCR) ou la hausse du point d'indice.

Par ailleurs, l'augmentation globale des crédits des opérateurs ne doit pas occulter les difficultés financières que connaissent certains d'entre eux. C'est, par exemple, le cas de l'IFP-énergies nouvelles (IFP-EN). Les crédits qui lui sont affectés sont en hausse, de 3,6%. Néanmoins, cette subvention pour charges de service public pour l'exercice 2017 est en retrait de 1,2 million d'euros par rapport à 2015 et conduira, selon l'organisme, « inéluctablement à un exercice fortement déficitaire et ce, malgré les trains de mesures drastiques successifs pris depuis 2010 pour réduire les dépenses ou augmenter les ressources propres ». Un certain nombre d'organismes témoigne de cette même réalité ; les années difficiles n'étant pas compensées par l'effort inverse conduit cette année. Il faudra être très vigilant sur ce point.

Enfin, la hausse prévue en loi de finances initiale devra se concrétiser en exécution. Or, bien souvent, les crédits prévus par la LFI font l'objet d'importantes mesures de régulation budgétaire.

J'en viens au Crédit d'impôt recherche qui représente la première dépense fiscale rattachée à la mission et reste la plus importante du budget de l'État après le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Enregistrant une légère hausse, il est évalué à 5,50 milliards d'euros en 2017 contre 5,42 milliards d'euros en 2016. Lors des auditions parlementaires en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 et lors des examens des crédits de la MIRES en séance publique à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'État en charge de l'enseignement supérieur s'est interrogé sur l'efficacité de ce dispositif et a annoncé avoir commandé une évaluation, à un laboratoire indépendant, de l'effet d'entraînement du crédit impôt recherche.

J'en viens à la situation de l'Agence nationale de la recherche. C'est probablement le fait le plus marquant de ce projet de budget. Après une stagnation de ses crédits l'année dernière, qui succédait à sept années de baisse continue, le projet de budget prévoit une hausse de 20% des autorisations d'engagement et de 8,6% des crédits de paiement, pour atteindre respectivement 673 et 609 millions d'euros. Le taux de sélection des projets ne cesse de baisser, corrélativement à la baisse de ses financements, ce qui met en péril l'avenir du financement sur projets et constitue une forte déperdition d'énergie pour les chercheurs qui candidatent. Compte tenu du temps passé et des maigres chances d'obtention de crédits, les porteurs de projets ont ainsi été découragés de solliciter l'ANR. Le Président de la République a ainsi décidé de revoir sa politique et a annoncé, en début d'année, la hausse des financements accordés à l'ANR. Cela s'est déjà traduit par un apport de 63,9 millions d'euros en juin dernier.

Le secrétaire d'État Thierry Mandon a estimé, lors de son audition par nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, que l'objectif de financement pour l'ANR d'ici à quelques années devrait être d'un milliard d'euros, afin de permettre un taux de sélection à 20%, et de dépasser ainsi l'objectif de 14% fixé pour 2017. Ceci marque donc une claire réorientation de la politique du Gouvernement. Afin de développer la recherche sur projets en France, cet effort devra effectivement se poursuivre sur les années à venir. En clair, le Gouvernement a donné une indication ; charge au suivant de l'appliquer !

L'enjeu de la recherche sur projets ne concerne, d'ailleurs, pas exclusivement l'ANR : il concerne aussi la participation de la France au programme Horizon 2020 de l'Union européenne. Force est ici aussi de constater que le compte n'y est toujours pas. La performance française est en baisse par rapport au précédent programme cadre de recherche et de développement : les équipes françaises ont obtenu, à fin 2015, un total de 1,7 milliard d'euros, soit 10,4% des financements disponibles, alors même que nos équipes connaissent le plus fort taux de succès. Selon un rapport conjoint de services d'inspection, les gains potentiels d'une plus grande participation s'échelonnent entre cent et six cent millions d'euros par an. Le financement et la mobilisation de nos équipes de recherche constituent un véritable sujet.

J'en viens à présent au second thème du rapport pour avis : la place des régions dans l'investissement dans la recherche et l'innovation.

Les collectivités territoriales affectent 1,26 milliard d'euros aux opérations de recherche et de transfert de technologie. Les deux tiers sont financés par les conseils régionaux.

Malgré la contribution substantielle des régions à cet effort, leur place est en cours de redéfinition, dans un contexte porteur d'interrogations. Le volet « recherche et innovation » des contrats de plan État-régions diminue : il est passé de 365 millions d'euros pour la précédente génération de CPER à 205,8 millions d'euros pour celle-ci. Alors que des nouvelles régions se sont mises en place en 2016, la loi NOTRe a entendu leur confier des fonctions de programmation, de planification et d'encadrement de l'action des collectivités situées dans son ressort, à travers les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), mais ceux-ci sont encore en cours de rédaction. Les relations entre les régions et les autres collectivités territoriales en la matière sont à redéfinir, comme leurs liens avec l'État sur un certain nombre de dispositifs.

C'est notamment le cas des pôles de compétitivité, qui s'interrogent sur leur avenir, alors que la politique de l'État est difficilement lisible à cet instant. C'est aussi le cas de l'engagement des régions dans le troisième volet des programmes d'investissement d'avenir, dont les documents budgétaires nous apprennent que 500 millions d'euros seront co-décidés avec les conseils régionaux. Je pense que des groupes de travail ont déjà été désignés sur cette question, mais je souhaite que l'on puisse regarder la mise en oeuvre de la loi NOTRe et la faisabilité de son calendrier. En effet, les SRDEI doivent s'appliquer au 1er janvier 2017 et certaines régions ont demandé le report. Lorsque vous fusionnez des régions et que des ordonnances sont rendues en juillet, travailler sur un SRDEII peut présenter des risques juridiques et d'approximation qui peuvent s'avérer complexes. Il serait ainsi utile de considérer les incidences de la mise en application de la loi NOTRe dans cette phase intermédiaire, dont il faudra interroger à la fois la faisabilité et les conséquences sur les opérateurs en ce moment charnière. En somme, il serait sans doute utile d'envisager les conséquences de la loi NOTRe sur les politiques d'innovation sur nos territoires, dans le contexte de la fusion des régions et des opérateurs.

Voilà, Monsieur le Président, mes chers collègues, les analyses que m'ont inspirées l'examen de ces crédits.

Pour conclure, il me reste à vous faire part de son avis sur les crédits de la MIRES pour 2017. Il me semble difficile de se satisfaire de la réorientation, certes positive mais tardive, opérée sur les crédits de l'ANR, lorsque cette dernière année a malheureusement été précédée de nombreuses restrictions. En outre, je vous rappelle qu'en mai dernier, le Gouvernement avait fait le choix d'aller chercher 256 millions d'euros, soit près d'un quart des annulations de crédits, sur les crédits de la recherche et que seule une large mobilisation a permis de le faire renoncer à ces coupes. Nous aurons ainsi, depuis 2012, manqué d'une ligne claire ou d'ambition, au plus haut niveau, sur notre modèle de recherche.

Malgré tout, le bon travail accompli par notre ministre en charge impulsant l'augmentation des crédits pour 2017 m'amène à vous proposer une abstention bienveillante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Nous allons essayer d'étayer cette bienveillance car la critique demande un peu de cohérence dans le cadre d'un débat budgétaire. On touche du doigt la difficulté de réaliser des économies de l'ordre de 150 milliards d'euros au budget de l'Etat. Un tel contexte donne leur plein relief à des déclarations de ce type. Pourquoi ? J'ai repris les propos que j'avais tenus comme rapporteur lors du précédent quinquennat. Que se passait-il alors ? En 2009, on enregistrait une baisse de neuf cent emplois en matière de recherche dans le cadre de la MIRES, avant qu'un gel n'intervienne durant les trois années suivantes. A l'inverse, l'engagement du Président de la République, en 2012, de créer cinq mille emplois supplémentaires trouve, dans ce budget, sa traduction.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Je suis certain que la bienveillance va se transformer, au cours du débat, en acquiescement enthousiaste ! En outre, la situation de l'ANR est une vraie question. J'avais alerté quant à la perte du seuil de crédibilité s'agissant de la sélection des chercheurs qui ne souhaitent plus répondre à ses appels à projets. La déperdition était colossale et la comparaison avec l'Allemagne était redoutable ! Sur cette question, un engagement a été souscrit et je partage le constat de l'insuffisance du seuil de 14 %. L'objectif de 20 % n'est nullement utopique et nous devons le tenir. Aussi, le prochain gouvernement, quelle que soit sa sensibilité politique, devra à tout prix le maintenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le programme 190 m'intéresse tout particulièrement, car il concerne le développement durable, l'énergie, l'amélioration énergétique des bâtiments, la planification en matière d'urbanisme, les transports respectueux de l'environnement ; bref, ce programme concerne l'ensemble des politiques d'atténuation et d'adaptation au changement climatique comme la transition énergétique. En effet, il me paraît nécessaire d'accroître la production de connaissances scientifiques et ainsi l'effort de recherche dans les domaines de l'énergie et des mobilités durables. Tel est l'objectif du programme 190. Quelle a été l'évolution de ce programme au cours des dernières années et plus particulièrement pour 2017 ? En outre, concernant l'emploi scientifique, la France était, il y a quelques années, très loin derrière les Etats-Unis, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni en nombre de chercheurs en équivalent temps plein. Où en est-on aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Sur les crédits recherche, il faudrait consacrer plus de moyens à la recherche en matière agricole. La loi sur la biodiversité mentionne des impératifs de date mais il faut trouver des produits de substitution que sont prêts à employer les agriculteurs. Je n'ai néanmoins pas trouvé dans le budget de ligne qui témoigne de la volonté forte d'aller très vite dans ce domaine. J'aimerais qu'une telle mesure soit un impératif car le monde agricole est fin prêt pour changer de méthodes de production, à la condition que des produits de substitution soient disponibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Effectivement, il faut consacrer de réels moyens sur la recherche et il existe des systèmes alternatifs et des produits de bio-contrôle sur lesquels il faut également conduire de la recherche fondamentale. Nous avons, avec les professionnels, déposé une liste de sept cent préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ; seuls cent-quarante ont été, à ce jour, homologuées, ce qui rallonge d'autant les délais de leur utilisation alors que le temps est précieux !

Sur la question des alternatives, un lobbying extrêmement fort est conduit pour continuer les pratiques actuelles. Je prendrai l'exemple du Syngenta qui est un herbicide assez volatil. La firme qui commercialise ce produit demande aux agriculteurs de ne pas l'utiliser à moins d'un kilomètre de rayon des cultures arboricoles, notamment de pommes, car son utilisation présente des risques ! Cette firme élude ses responsabilités qu'elle transfère indument aux agriculteurs qui doivent vérifier les périmètres d'utilisation de son produit et peuvent être, le cas échéant, rendus responsables des contaminations. De telles pratiques illustrent l'ampleur de l'influence de telles firmes qui parviennent à fuir leurs responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Il est donc essentiel de miser sur la recherche fondamentale !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Mon cher collègue, nos positions peuvent se rejoindre !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Notre collègue Marc Daunis nous rappelle des éléments passés destinés à faire infléchir notre position. L'augmentation annoncée pour l'année prochaine est certes une bonne chose, même s'il faudra par la suite trouver les conditions de sa faisabilité. Entre les crédits annoncés et leur décaissement, il peut y avoir un décalage !

Que le Gouvernement souligne l'importance de ne pas tuer la recherche sur projets représente, à mes yeux, une innovation. En 2005, date de la création de l'ANR, le taux de réussite des projets était de 25,5 % tandis qu'il n'est désormais plus que de 9,7 %. L'ANR est ainsi vouée à une mort certaine puisque plus aucun chercheur ne montera des dossiers et n'investira de son temps compte tenu du taux de retours défavorables! L'objectif pour 2017 est de 14 % de sélection, mais pour atteindre le seuil de 20 %, il faudrait consacrer un milliard d'euros. Le budget 2017 se situe ainsi dans une perspective de maintien des appels à projets qualitatifs. Il va falloir poursuivre une sérieuse réflexion sur ce point et, dans toutes nos régions, aider nos laboratoires à se doter de moyens et à les mutualiser. Il faudra également mobiliser des spécialistes des financements européens qui peuvent aller jusqu'à six cent millions d'euros, un soutien permettant d'accompagner plus fortement encore la recherche et ne pas baisser les financements du programme 2020. Il nous faut être meilleurs !

En réponse à notre collègue Roland Courteau, notre rapport fait référence au programme 190 : l'énergie représente près d'un tiers de ce programme et augmente de 0,46 %. Depuis quelques années l'IFP-EN est en grande fragilité. Il faudra être particulièrement vigilant à ce stade car si ce programme n'a pas connu de baisse drastique ces dernières années, il n'a, en revanche, pas bénéficié d'une augmentation similaire à celle de l'ANR pour l'année 2017.

Je ne dispose pas d'éléments de précision suffisants à ce stade sur le domaine de la recherche liée à l'utilisation de pesticides puisque celle-ci relève de la compétence du ministère de l'environnement. Des engagements en faveur de la recherche dans le domaine des pesticides ont été pris et il faudra être attentif. Il faudra ainsi intégrer dans notre rapport le nécessaire soutien à la recherche fondamentale dans le secteur agricole, évoqué par nos deux collègues MM. Joël Labbé et Gérard Bailly, en raison notamment de ses incidences sur la santé de nos concitoyens.

Enfin, le nombre de chercheurs est de 249.000 et la France se situe au huitième rang mondial, derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon, la Russie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Corée du Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Nous avons bien écouté la présentation de ce rapport de qualité, mais nous n'en partageons pas la conclusion. En effet, comme l'a indiqué notre collègue Marc Daunis, le Gouvernement a conduit un effort substantiel. Nous avons les plus grandes craintes si l'on supprime 500 000 fonctionnaires et notamment dans la recherche ! Nous voterons donc pour le projet du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

La majorité de la commission suit l'avis d'abstention de la rapporteure, je prends acte du vote favorable du groupe socialiste.

La commission décide de s'abstenir sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Monsieur le Président, Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les crédits de la mission « égalité des territoires et logement ».

Ces crédits sont stables et atteignent plus de 18,3 milliards d'euros. Ils sont répartis entre plusieurs programmes que je vais vous présenter successivement.

Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Ces crédits augmentent de 15 %.

Le parc d'hébergement connaît une demande importante en raison de l'augmentation de la précarité, de l'accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des jeunes enfants et des flux migratoires qui se sont intensifiés depuis l'an dernier.

Face à la pression migratoire, le parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile demeure insuffisant. La réforme du droit d'asile n'a pas produits les effets escomptés.

En effet, si des places supplémentaires ont été ouvertes en CADA, un cinquième du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile ou aux réfugiés est occupé par des personnes qui ne sont plus demandeurs d'asile soit parce qu'elles ont la qualité de réfugié, soit parce qu'elles ont été déboutées de leur demande d'asile. En outre, si les moyens humains de l'OFPRA ont été renforcés pour accélérer le traitement des dossiers, la pression migratoire que connaît la France semble avoir réduit à néant ces efforts. Cette situation a des conséquences sur le parc d'hébergement d'urgence généraliste.

Le gouvernement a créé fin 2015 des centres d'accueil et d'orientation (CAO) pour accueillir les migrants de Calais.

Ces centres doivent permettre de réorienter les migrants vers une solution d'hébergement adaptée à leur situation administrative.

Les places de CAO sont temporaires et n'entrent pas dans le décompte des offres pérennes d'hébergement généraliste ou des places dédiées aux demandeurs d'asile.

Il y a un débat au sein du gouvernement pour savoir quel programme doit prendre en charge ces centres : le ministère de l'intérieur estime qu'ils pourraient relever de son budget car 90% des personnes en CAO accèdent à l'asile, le ministère du logement estime qu'il s'agit d'une mission de mise à l'abri relevant du programme relatif à l'hébergement d'urgence. La ministre a dit que pour l'instant ces centres relèvent de son budget.

Pour répondre à la demande d'hébergement d'urgence, le recours aux nuitées hôtelières est souvent considéré comme une solution de facilité. Le gouvernement s'est cependant engagé dans un plan de réduction des nuitées hôtelières et de développement des places pérennes.

Bien que le nombre de nuitées ne diminue pas, leur progression ralentirait en 2016 selon des chiffres provisoires.

Le nombre de places d'hébergement a continué d'augmenter pour atteindre 112 552 places en 2015, soit une augmentation de 8,7%. Le gouvernement porte plus particulièrement ses efforts en matière de logement adapté sur la création de nouvelles places en intermédiation locative. Les crédits pour 2017 augmentent de 13%. Ce dispositif est certes intéressant mais ne peut être qu'une des réponses à apporter dans la mesure où ce dispositif suppose d'avoir des ressources et un statut administratif en conformité avec les règles en vigueur, il ne peut donc convenir à toutes les personnes.

Les crédits dédiés à l'aide au logement temporaire qui a pour objet de couvrir les coûts (loyer et charges) supportés par les organismes qui mettent des logements à la disposition de personnes sans domicile sont doublés pour atteindre 79 millions d'euros. Toutefois, cette évolution est une augmentation en trompe l'oeil, le gouvernement ayant seulement décidé de budgétiser cette aide jusqu'à présent prise en charge en partie par la branche famille de la sécurité sociale. Le gouvernement en espère une simplification de la gestion, un meilleur suivi et une économie des frais de gestion.

Depuis plusieurs années, on constate une sous-budgétisation systématique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence. 2016 n'a pas échappé à la règle puisque le gouvernement a été conduit à prendre un décret d'avance pour augmenter les crédits de 84 millions d'euros et qu'un second devrait être pris pour un montant de 100 millions d'euros. En outre, le PLFR prévoit d'ouvrir 55 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement et 204 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Les crédits pour 2017 augmentent de 15%, ce dont on peut se féliciter. Cependant, une partie de cette hausse ne traduit en aucun cas l'intention du gouvernement d'y consacrer plus de moyens, mais vise à réévaluer certaines dépenses au vu des crédits consommés en 2015, tel est le cas des crédits de la veille sociale qui augmentent de 35%, ou vise à traduire une modification de périmètre, tel est le cas des crédits de l'allocation temporaire qui sont doublés pour atteindre 79 millions euros, l'État prenant désormais en charge la totalité de cette aide.

J'ajoute que les crédits de paiement prévus pour 2017 sont d'ores et déjà inférieurs à ceux qui seront consommés en 2016. Malgré les efforts du gouvernement pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence, il est vraisemblable que les crédits ne seront pas suffisants pour couvrir les besoins en hébergement d'urgence. Si l'on voit des moyens financiers conséquents sur l'hébergement d'urgence, il n'y a toujours pas de moyens adaptés pour l'accompagnement qui reste toujours à géométrie variable.

J'ajoute que des efforts de gestion devront se poursuivre qu'il s'agisse du déploiement des SIAO ou de la prise en compte de l'étude nationale des coûts. On peut regretter qu'il n'y ait toujours pas de réforme structurelle, de réflexion d'ensemble sur les dispositifs d'hébergement d'urgence alors que cela me paraît inéluctable. Il n'y a aucune traduction d'une politique publique attendue en la matière. Cela ne se traduit toujours pas stratégiquement par deux orientations qui devraient être un accès plus direct au logement et mettre fin à une gestion saisonnière de l'hébergement.

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL). Après deux années d'augmentation pour cause de budgétisation des aides, les crédits sont stables pour 2017.

Je rappelle que 18 milliards d'euros d'aides au logement ont été versées en 2015 à 6,5 millions de bénéficiaires. Le nombre de bénéficiaires est cependant en légère baisse en 2015.

2016 a été l'année d'entrée en vigueur des différentes réformes de l'APL adoptées l'année dernière.

Les règles d'éligibilité aux APL ont été modifiées afin de prendre en compte le patrimoine du demandeur à compter de 30 000 euros. Des plafonds de dégressivité et de suppression des aides ont été instaurés. De façon plus symbolique et anecdotique, les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents redevables de l'ISF ne peuvent plus bénéficier des APL.

Ces mesures ont été très critiquées par les milieux associatifs. La CNAF a donné un avis défavorable au décret sur la prise en compte du patrimoine. La FNARS a souligné les contradictions du gouvernement qui diminue pour certains bénéficiaires leurs aides au logement et met en place dans le même temps des dispositifs de prévention des expulsions et de maintien du versement de l'allocation de logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part de la dépense de logement restant à sa charge.

Il est difficile de mesurer l'impact de ces réformes tant sur le plan financier que sur le nombre de bénéficiaires concernés. Le gouvernement n'est pas en mesure de nous donner des chiffres. Selon la CNAF, 77 600 foyers seraient concernés par les nouvelles règles de dégressivité des APL, soit 1,2% des allocataires. Pour ces allocataires, dans 78% des cas, l'APL serait diminuée de 70 euros en moyenne et dans 22% des cas, l'APL serait supprimée. Selon la ministre du logement et de l'habitat durable, 666 dérogations auraient été accordées sur 1590 réclamations.

Comment apprécier correctement les effets de ces réformes et les montants budgétés dans ces circonstances ?

Je voudrais vous donner l'exemple des Alpes-Maritimes, dont on peut penser qu'il n'est pas parmi ceux qui seraient le plus impactés par ces réformes. Je voudrais vous donner quelques chiffres qui montrent que ces réformes peuvent toucher des retraités et nombre de personnes modestes. Pour une personne qui vit seule dans un logement locatif à Nice situé en zone 2, si son loyer est inférieur à 638 euros alors son aide au logement sera maintenue, si le loyer est compris entre 638 et 791 euros - ce ne sont pas des montants de loyers élevés pour le département- alors son aide sera diminuée, s'il est supérieur à 791 euros -qui est un montant en-dessous des montants pratiqués y compris dans le parc privé- l'aide au logement sera supprimée. Le revenu mensuel à partir duquel une personne seule ne bénéficie plus de l'aide au logement est de 1186 euros à Nice. Je vous laisse imaginer les conséquences pour des personnes modestes, seules, veuves...Un foyer dont les revenus seraient inférieurs à 1186 euros consacrerait plus de 66,7 % de ses revenus (hors APL et hors charges) à son loyer. Sur le département des Alpes-Maritimes, contrairement à la moyenne nationale, 4,9% des bénéficiaires sont concernés et 1212 pourraient voir leur aide au logement supprimé. On peut s'interroger sur cette réforme des APL même si elle permet effectivement de faire des économies au budget de l'Etat.

J'en viens au programme 135 qui concerne notamment les aides à la pierre. Les crédits diminuent de 37 % en autorisations d'engagement et de 13,5 % en crédits de paiement.

Cette diminution traduit sur le plan financier la réforme des aides à la pierre opérée l'an dernier. Les autorisations d'engagement sont désormais intégralement rattachées au programme 135 par voie de fonds de concours, seul le montant de la contribution de l'État au FNAP étant fixée par la loi de finances.

Le FNAP n'ayant été créé qu'en milieu d'année, les crédits dédiés aux aides à la pierre ont été en début d'année gérés par l'État qui a engagé 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement, le FNAP a ensuite pris le relais.

En 2017, l'État devrait contribuer aux ressources du FNAP à hauteur de 200 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 50 millions, les bailleurs sociaux contribuant à hauteur de 270 millions d'euros.

Je regrette que nous ne puissions nous prononcer sur les objectifs de construction de logements à l'occasion de l'examen du présent budget. Ils ne figurent plus dans le budget. En effet, c'est lors de la réunion du conseil d'administration le 1er décembre prochain que seront définis le montant annuel des financements apportés par le FNAP, le montant des autorisations d'engagement, la programmation de la répartition territoriale et les objectifs associés. J'espère que le FNAP déterminera des objectifs plus en prise avec la réalité. Je prends acte de l'engagement de la ministre du logement devant les députés de faire correspondre à l'avenir le calendrier de programmation du FNAP avec le calendrier budgétaire.

Un mot de la CGLLS. L'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de nouveau un prélèvement à hauteur de 50 millions. Il me semble qu'il serait légitime que ce prélèvement soit reversé au FNAP plutôt qu'au budget général de l'Etat.

J'ajoute qu'un nouveau prélèvement en 2018 poserait de réelles difficultés à la CGLLS pour assurer ses missions en raison de la mise en place des « prêts de haut bilan » par la Caisse des dépôts à hauteur de trois milliards d'euros et de l'incertitude quant aux garanties qu'accepteront d'apporter les collectivités territoriales à ces prêts, même si la ministre nous a dit que pour l'heure les ratios prudentiels avaient été respectés.

Enfin, je terminerai avec l'Anah.

L'agence est de plus en plus sollicitée. L'engouement pour le programme « Habiter mieux » ne se dément pas. En 2015, presque 50 000 logements ont bénéficié de ce programme. L'Anah a adopté en mars dernier un objectif de 70 000 logements concernés pour le programme « Habiter mieux » et revu son budget en conséquence. Pour 2017, l'objectif sera porté à 100 000 logements dont 30 000 logements en copropriété fragile.

Alors que l'agence est de plus en plus sollicitée, les ressources de l'agence sont plus que jamais incertaines et volatiles.

Pour 2016, l'évolution des quotas carbone, qui est la principale ressource de l'agence, s'est révélée nettement moins favorable que ce qui était espéré. La diminution des recettes escomptées a été compensée en cours d'année par une contribution renforcée d'Action Logement à hauteur de 150 millions. Pour 2017, l'Anah envisage une ressource issue des quotas carbone comprise entre 240 et 340 millions.

En outre, l'Anah a signé une nouvelle convention avec trois fournisseurs d'énergie en juillet 2016 afin de tenir compte de la création d'une nouvelle catégorie de certificat d'économie d'énergie. L'agence espère ainsi percevoir 55 millions d'euros de recettes en 2016 et 65 millions d'euros en 2017.

Enfin, la contribution de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie au budget de l'Anah n'a été actée pour 2016 qu'à l'occasion du PLFSS pour 2017. L'Anah n'a aucune certitude pour 2017 alors même que l'adaptation des logements au vieillissement est un enjeu majeur pour notre société.

La directrice de l'Anah a exprimé ses craintes alors que son fonds de roulement et sa trésorerie sont très basses. Les incertitudes quant aux ressources de l'agence sont telles que le gouvernement n'a pas été en mesure cette année de me transmettre un projet de budget prévisionnel des ressources de l'agence pour 2017. Nous n'avons que des hypothèses, le conseil d'administration de l'Anah se réunissant sur cette question fin novembre.

Je regrette vivement que le gouvernement persiste à ne pas donner à l'Anah des ressources stables et pérennes.

En conclusion, au vu de ces différentes observations, je vous invite, Monsieur le Président, mes chers collègues, à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « égalité des territoires et logement »

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je ne partage pas l'avis de la rapporteure sur ce budget. Premièrement, concernant les places d'hébergement d'urgence, le gouvernement réduit la différence entre les crédits historiquement inscrits au budget et ceux effectivement dépensés. Le gouvernement a créé un grand nombre de places d'hébergement pérennes et mis en place des mécanismes nouveaux tels que les CAO ou les nouvelles règles en matière d'attribution de logement social prévues dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, enfin, il a souhaité développer l'intermédiation locative. Le nombre de places d'hébergement d'urgence qui existe aujourd'hui est sans commune mesure avec ce qui existait auparavant.

Il est vrai que nous sommes aujourd'hui en Europe dans une situation exceptionnelle, liée au nombre important d'arrivées de migrants et de demandeurs d'asile et à un accroissement de la pauvreté. Cela dit, la situation s'est considérablement améliorée : le gouvernement a engagé une politique ambitieuse, de longue haleine, qui va dans le bon sens. Les crédits ouverts par le projet de loi de finances sont certes inférieurs à ceux consommés en 2016, mais je trouve cela préférable à la surbudgétisation, qui ne permet pas d'adapter le budget facilement aux changements de situation. Pour ma part, je pense que l'effort en faveur de l'hébergement d'urgence est important, et qu'il faut le saluer.

Deuxièmement, je voudrais parler des aides à la personne, les APL. Mme la rapporteure nous a parlé du cas de son département, les Alpes-Maritimes, mais il faut se souvenir que les baisses d'APL ne concernent que les personnes disposant de plus de 30 000€ de patrimoine. Il faut également se rappeler l'effet inflationniste des APL sur les loyers : tous les experts soulignent que les APL ont pour effet de faire augmenter les loyers.

Troisièmement, au sujet des aides à la pierre : je partage l'avis de la rapporteure sur le prélèvement opéré sur les fonds de la CGLLS. La CGLLS est abondée par les organismes HLM. La ponction qui est opérée ne doit pas aller au budget de l'État. C'est une façon de camoufler le fait que l'État ne met pas tout à fait les sommes qu'il annonce dans les aides à la pierre.

Indépendamment de cela, il y a trois milliards de prêts d'euros de haut de bilan qui constituent pour les organismes HLM une aide à la pierre de fait. D'ailleurs, la ministre a dit elle-même qu'elle souhaitait négocier avec les instances européennes concernées la possibilité de pérenniser et de prolonger cette aide. Du point de vue de l'aide à la pierre, c'est un apport considérable. De même, sur les objectifs de construction, le problème est que nous avons voté des chiffres qui n'avaient rien à voir avec la réalité. 120 000 logements, ce n'est pas la même chose s'il s'agit de PLS ou de PLAI. L'avantage avec le FNAP, c'est que lorsque les crédits budgétaires seront déterminés et les besoins définis, on sera en mesure d'orienter les crédits là où ils sont le plus utiles : les besoins sont principalement pour les PLAI, c'est là qu'il faut orienter le budget.

Enfin en ce qui concerne l'Anah, je partage le diagnostic selon lequel le système des quotas carbones n'est pas suffisamment fiable, stable et pérenne, et qu'il faut donc trouver une autre solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Bien sûr nous soutiendrons les conclusions de l'excellent rapport de notre rapporteur. J'ai deux questions concernant le premier programme relatif à l'hébergement d'urgence.

J'ai bien noté que ce programme avait augmenté. J'ai bien noté aussi que les crédits allaient quasi-exclusivement aux demandeurs d'asile. Pendant des années, ces places d'hébergement étaient consacrées aux sans domicile fixe (SDF) qui étaient déjà sur le territoire. Si les places d'hébergement sont consacrées aux demandeurs d'asile, où sont hébergés les SDF ?

Deuxième question, j'ai apprécié la transparence du Ministère de l'Intérieur, et notamment ce qu'a dit son porte-parole, M. Pierre-Henry Brandet. Il a reconnu que sur l'ensemble des personnes qui étaient à Calais, 2 000 d'entre elles ont refusé d'aller là où on les affectait et indiqué ne pas savoir où elles étaient finalement allées. Cet épisode remonte à un peu plus de quinze jours, a-t-on désormais des informations sur la situation de ces personnes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Dans la période que nous traversons, il est important de faire attention aux propos employés. Il faut également relativiser le poids des chiffres. Nous parlons de 2 000 personnes, à comparer à soixante-six millions de Français. Il faut relativiser la pression migratoire que connait la France, elle n'a rien à voir avec celle à laquelle font face l'Italie, l'Allemagne et la Grèce. La France est historiquement le pays des droits de l'Homme. Elle doit être digne de cet héritage. Il faut éviter les réactions de crainte, de peur de l'autre.

Nous avons auditionné hier Emmanuelle Cosse, qui nous a donné des éléments chiffrés intéressants, notamment le chiffre de 140 000 logements sociaux qui ont été construits l'année dernière. L'objectif qui avait été fixé a été respecté. Le logement, c'est la base de tout. Il ne peut pas y avoir de vie sociale ni familiale, d'emploi, sans logement. Je souhaite donc qu'en cette période pré-électorale, le logement social et l'attention portée aux personnes en situation de pauvreté soient placés au coeur de la campagne présidentielle. Ces familles sont une majorité silencieuse, elles ne manifestent pas, vont rarement voter, et c'est pourquoi il est de notre devoir de les défendre, sans pour autant parler à leur place, mais en les écoutant.

Les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence augmentent de 15 %. À partir du moment où les nuitées hôtelières sont plutôt à éviter, l'augmentation du nombre de places d'hébergement d'urgence est une bonne nouvelle. Ce n'est pas l'idéal, l'objectif maximum n'est pas encore atteint, mais c'est un pas dans la bonne direction. Il s'agit de s'assurer que les personnes qui vivent en situation de grande pauvreté ont un toit pour vivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Merci Mme la rapporteure de votre excellent rapport. Le caractère nuancé du propos appelle à discussion.

D'abord, au sujet des APL, il nous faut avoir un débat de fond, sans démagogie. Vous évoquiez, Mme la rapporteure, le cas de notre département, les Alpes-Maritimes. Le vrai problème dans ce département, c'est que les APL ont un effet sur la spéculation immobilière, elles provoquent un surloyer, dans ces zones tendues, qui a pour effet de défavoriser les personnes les plus modestes. Est-ce à dire qu'il faut remettre en cause les APL ? Je ne le pense pas, mais je crois qu'il faut identifier précisément les problèmes qui sont posés. Les Alpes-Maritimes connaissent une situation d'absence de logement social dramatique. Il y a encore une dizaine d'années, le parc privé jouait encore en partie le rôle de parc social, mais du fait de la spéculation sur les prix de l'immobilier, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Il y a bien des effets pervers des APL dans ce département, qui appellent des adaptations du dispositif afin de les éliminer. Mais la mesure elle-même est une mesure juste, sur l'ensemble du territoire. Il s'agit bien de l'adapter en fonction des situations, mais sûrement pas de la remettre en cause. Vous preniez l'exemple des suppressions d'APL, je rappelle que celles-ci touchent notamment les enfants rattachés aux foyers de leurs parents qui acquittent l'ISF ! Il faut être cohérent, sinon nous ne progresserons pas et nous ne résoudrons pas ces problèmes complexes.

Deuxième point, sur l'Anah, les quotas carbone représentent désormais sa première ressource. La ministre a exprimé sa volonté d'engager une réflexion sur les ressources de l'Anah. Les 150 millions qui lui ont été versés par Action Logement ne m'apparaissent pas comme une fragilité, mais comme une prise de conscience de la nécessité de compenser à l'Agence les ressources manquantes en raison de la volatilité des cours du quota carbone. Il faut absolument sécuriser son financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

À mon tour, je voudrais saluer le rapport de grande qualité qui nous a été présenté par notre rapporteur.

Je veux m'attarder sur l'Anah. En tant qu'administrateur, je suis particulièrement inquiète sur la pérennité et la stabilité des financements pour 2017. Deux choses m'interpellent. D'abord, il se trouve que pour pouvoir boucler le budget 2016, on a dû demander l'intervention d'Action Logement. Je voudrais qu'on clarifie les modalités de cette intervention : s'ils ont donné une enveloppe complémentaire, celle-ci était toutefois composée d'une partie des crédits dédiés à l'année 2017, 50 millions sur les 100 millions qui étaient normalement dédiés au budget de 2017. On a préempté l'enveloppe 2017 pour boucler 2016. C'est très inquiétant pour 2017.

Le deuxième sujet sur lequel je suis très inquiète concerne le FART. Une partie des aides versées dans le cadre du programme « habiter mieux » viennent de ce fonds. Le FART est financé par le deuxième programme d'investissement d'avenir (PIA2), et il ne reste pour 2017 qu'un reliquat de 80 millions d'euros, au lieu des 150 millions par an qui sont prévus normalement. Je vous encourage à regarder quelles sont les priorités et les orientations du PIA3, elles ne prennent pas en compte le FART. Aujourd'hui, il n'y a pas grand-chose pour accompagner son action. Je suis très inquiète du devenir de cet outil, qui fonctionne bien, qui sert une politique de cohésion sociale en prenant en compte tant l'urbain que le rural, tant les centres villes que les banlieues. En matière d'adaptation des logements au vieillissement de la société, on voit bien que cette année la CNSA a eu du mal à verser sa contribution. Les prévisions de fluctuation des cours du quota carbone estiment le prix de la tonne à une fourchette comprise entre 4,50€ et 6€ : si les prix se fixent à 4,50€, cela représente 100 millions de moins pour l'ANAH. Soyons vigilants !

Enfin, sur la question de l'hébergement d'urgence et de l'asile, il faut faire attention à ne pas opposer les publics. Assurons-nous que le ministère de l'Intérieur bénéficie toujours des crédits nécessaires pour faire face à la situation. Je suis assez interrogative sur le fait de fondre les crédits du ministère de l'Intérieur et des ministères sociaux, cela revient à mélanger des budgets qui sont consacrés à des problématiques différentes : ce n'est pas la même chose de prendre en charge une femme victime de violences conjugales qui a besoin d'un hébergement d'urgence et les familles de migrants, que l'on ne peut pas laisser dehors. Ce n'est pas la même chose d'être un réfugié ayant besoin d'un accompagnement spécifique et d'être une personne en situation de précarité. Il nous faut donc être très vigilants sur ce point, afin de ne pas dénaturer des outils qui répondent à des besoins particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Objectivement, le budget qui nous a été présenté sur le logement est un bon budget. Nous avons eu droit à des réponses claires de la ministre du logement, qui a très bien défendu son budget. Mais le prochain budget risque d'être moins positif, si le candidat de la droite est élu. Le programme de M. Fillon prévoit des économies de 7,5 milliards d'euros sur cette mission, dès la première année. Il prévoit également un rehaussement de loyers de certains locataires, une baisse des plafonds de ressources d'accès au logement social mettant fin à la règle des 20 %. Au-delà de 30 à 40 % de logement social, les aides associées seraient supprimées. C'est un coup terrible porté au triptyque « Rénovation - Démolition - Construction ».

Le présent budget est un paradis par rapport à celui qu'on nous propose pour l'année prochaine ! La ministre s'en est déclarée satisfaite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je tiens tout de même à rappeler que les ministres disent toujours du bien de leur budget. Le seul qui a exprimé son mécontentement n'est pas resté ministre bien longtemps après cet épisode.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Tout d'abord, le Président de la République a annoncé la construction de 500 000 logements dont 150 000 logements sociaux chaque année. Or, je note que cette année, qui est une très bonne année pour le logement social, seuls 140 000 logements sociaux ont été construits.

On a l'impression que nous allons vers une politique du logement social très peu transparente, liée au fait que nombre des mesures prises en la matière ces dernières années sont issues d'ordonnances, notamment des mesures relatives à l'organisation du logement social, à son encadrement et à son financement. Le budget cette année n'est donc absolument pas transparent, il n'y a pas réellement de débat sur ces questions.

Ensuite, au sujet de l'Anah, je partage le diagnostic de mes collègues, son budget ne va pas être suffisant pour faire face à ses missions.

Sur les aides à la pierre, on a assisté, avec la création du FNAP, à un transfert du financement des aides à la pierre de l'État vers les organismes HLM, vers les collectivités locales - il est vrai que certaines ne sont pas en conformité avec l'article 55 de la loi SRU. Enfin, les 50 millions de la CGLLS ne sont pas fléchés mais intégrés directement dans le budget de l'État. Cela veut donc dire que les chiffres annoncés ne reflètent pas toute la réalité : ce ne sont pas 50 millions de financement de l'État qui manquent au niveau des aides à la pierre, mais 100 millions car il faut également ajouter les 50 millions prélevés sur la CGLLS.

Enfin, je veux dire un mot sur les prêts de haut de bilan. Effectivement nous avons 3 milliards d'euros de prêts de haut de bilan, mais dégager ces financements, lorsque les taux d'intérêt sont aussi faibles et que le livret A de la Caisse d'Épargne n'est pas entièrement utilisé au niveau de la Caisse des dépôts, c'est en réalité assez facile à faire. Cela illustre le changement du cadre de l'aide à la pierre, c'est un vrai problème, qui n'a pas jusqu'ici donné lieu à un débat au Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Ma question porte sur les dépenses fiscales. Des objectifs ambitieux ont été fixés en matière de rénovation thermique. Pour atteindre ces objectifs, certains outils ont été mis en place, dont le CITE, la TVA à 5,5% pour les professionnels et le programme « Habiter mieux » piloté par l'Anah. Avons-nous une idée du nombre de bénéficiaires du CITE ? La montée en puissance de ce crédit d'impôt, qui représente cette année un coût de 1,7 milliard pour les finances publiques, rend nécessaire une évaluation précise du dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Je tiens à dire que nous avons de grandes différences sur notre territoire, en matière de logement. Par exemple, les territoires ruraux connaissent des difficultés à bénéficier des crédits de l'Anah pour restaurer les maisons.

Je vais parler de mon département, la Charente-Maritime, où se situent La Rochelle et les îles de Ré et d'Oléron. Il s'agit de territoires attractifs, où les loyers sont tout bonnement inaccessibles. C'est pourquoi de nombreux crédits sont consacrés au littoral, afin de soutenir les populations modestes qui y vivent, ce qui est un objectif tout à fait louable. Toutefois, de ce fait, l'arrière-pays est oublié, parce qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment de crédits. Cela veut dire que cette politique d'attractivité des littoraux doit être revue, afin de permettre d'intégrer les territoires considérés comme moins attractifs. Aujourd'hui, on parle du haut débit, qu'il s'agit d'implanter partout sur le territoire : le haut débit, c'est l'attractivité rurale, il permettra peut-être d'amener des entreprises nouvelles dans les territoires ruraux, et ces entreprises nouvelles auront besoin de personnel. Il faudra que ces gens puissent se loger, et pour que cela soit possible, il faudra bien renforcer la possibilité de créer des logements sociaux. C'est une réflexion de fond que nous avons dans les territoires ruraux. Il s'agit d'assurer que les populations modestes aient accès à des logements sociaux, et qui plus est à des logements dignes. C'est pourquoi nous menons dans le village dont je suis maire une politique de rénovation du centre-bourg. C'est une politique qui n'est pas nouvelle, mais nous avons constaté que l'Anah n'était pas au rendez-vous. Il est donc indispensable que les financements perdurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

J'ai deux questions très courtes. D'abord, vous n'avez pas cité les noms des trois fournisseurs d'énergie ayant conclu une convention avec l'Anah, quels sont-ils ?

Ensuite, par rapport à l'Anah et à ses crédits qui sont aujourd'hui sous-dimensionnés par rapport aux besoins, j'aimerais connaître votre position sur les conséquences pour les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH) qui sont en cours, des évolutions de ressources de l'Anah.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Pour ma part, je veux insister sur le fait que les territoires ruraux méritent une attention spécifique. Dans la mesure où nous pouvons contribuer au soutien à leur développement, il faut apporter des réponses par rapport à l'aménagement du territoire et l'irrigation du territoire par des populations nouvelles.

Je voudrais réagir sur la question des 2 000 migrants de Calais qui ont refusé leur relogement ailleurs sur le territoire. Je suis allé à Calais avec mon groupe il y a deux mois, nous y avons rencontré plusieurs spécialistes, parmi lesquels Daniel Cohn-Bendit. Il nous a expliqué qu'une part des migrants n'a jamais eu aucune intention de s'installer en France, ils cherchent à rejoindre l'Angleterre. C'est un comportement compréhensible, si vous étiez dans cette situation, avec votre famille qui est en Angleterre, vous chercheriez à la rejoindre par tous les moyens, au péril de votre vie si nécessaire. Attention donc en cette période à ce que l'on dit.

La question des migrations ne va pas être résolue comme ça, elle va se poursuivre. La question de l'Afrique par exemple, je ne sais pas où en est le projet de Jean-Louis Borloo pour ce continent, mais je le trouve particulièrement intéressant. Je suis allé il y a trois ans avec une délégation au Niger, qui connait le plus bas niveau de vie du monde. La population du Niger est extrêmement jeune, mais le gouvernement ne peut pas la nourrir, et n'a plus les moyens de l'éducation. Nous devons les soutenir, les accompagner, mais pas leur donner des leçons. Il y a des accords aujourd'hui en vigueur avec les pays d'Afrique qui lui sont défavorables : l'APE, l'accord de partenariat économique avec l'Afrique de l'Ouest, permet d'écouler un certain nombre de produits français dans ces régions, et représentent donc une concurrence avec leur propre alimentation et leur propre élevage qui méritent d'être développés.

À propos des migrations, il va falloir trouver des équilibres Nord-Sud, et nous n'en prenons jusqu'ici pas suffisamment le chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Sur les crédits d'hébergement d'urgence, on ne conteste pas que les crédits alloués ont augmenté, mais nous savons qu'ils ne seront pas suffisants. D'autre part, les associations attendent une réforme structurelle en la matière, et il n'y a pas aujourd'hui ne serait-ce que le début d'une réflexion sur ce sujet, alors qu'il faudrait que nous mettions en place une véritable politique publique relative à l'hébergement d'urgence. Il ne faut pas créer de concurrence entre les différents publics concernés, mais apporter la meilleure réponse possible à leurs besoins. On a vu que les moyens consacrés à l'accompagnement sont dérisoires, et que l'accompagnement reste donc à géométrie variable. Pour certaines populations, sans accompagnement, on ne pourra pas faire face aux difficultés auxquelles elles sont confrontées.

Aujourd'hui, les places dans les CAO n'ont pas été répertoriées par les SIAO, qui sont censés gérer au niveau départemental l'offre et la demande en matière d'hébergement d'urgence. Cela ne permet pas d'orienter les demandeurs vers les structures les plus adaptées, ni d'anticiper la fermeture de CAO. De fait, cela crée des tensions entre les personnes hébergées dans les CAO et celles qui sont hébergées en dehors de ces structures.

Sur les APL, il ne s'agit pas de remettre en question la réforme amorcée l'an passé. Mais il faut tenir compte des enseignements du terrain, afin de permettre une adaptation du dispositif. Sur ce qui s'est passé dans les Alpes-Maritimes, les difficultés en matière d'APL sont liées aux seuils de dégressivité en fonction des loyers, qui touchent fortement les personnes modestes, et notamment les personnes âgées.

Les objectifs de construction ne sont pas dans le projet de loi de finances. Or, on nous demande de nous prononcer sur des sommes sans savoir à quoi elles vont être véritablement destinées.

Sur la contribution d'Action Logement au budget de l'Anah, effectivement il ne reste plus que 50 millions d'euros pour l'année 2017, contre 100 millions normalement, en raison du versement par anticipation de 50 millions pour compléter le budget 2016. C'est un gros problème, d'autant plus que le programme « Habiter mieux » est en augmentation en termes d'objectifs de logements à rénover.

Sur les fournisseurs d'énergie, il s'agit d'EDF, d'Engie et de Total. L'Anah a besoin aujourd'hui de ressources stables, peut-être à travers la taxe sur les logements vacants. Les quotas carbone devraient venir comme une ressource supplémentaire, non comme la ressource principal, du fait de sa volatilité.

Enfin sur la question de M. Poniatowski, je ne suis pas en mesure de lui répondre car cela relève du ministère de l'Intérieur.

Sur les interrogations de M. Courteau, les CITE ne relèvent pas de cette mission, mais de la mission « Écologie », et puisque ce soir Mme la Ministre Ségolène Royal est auditionnée par notre commission, je vous encourage à lui poser cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Merci Mme la rapporteure. Vous présentez un avis défavorable, cet avis est partagé par la commission, à l'exception des groupes socialiste, communiste et écologiste.

La commission émet un avis favorable aux crédits de la mission « égalité des territoires et logement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous passons maintenant à l'examen du programme « politique de la ville » de la mission « politique des territoires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » qui est rattaché à la mission « politique des territoires ».

L'examen de ces crédits intervient dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire dont les instances sont désormais installées.

S'agissant des crédits du programme, je tiens à saluer les efforts du gouvernement pour préserver les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville (QPV), la diminution prévue par le projet de loi initial étant une baisse purement optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les zones franches urbaines avant le 1er janvier 2015.

Après examen par l'Assemblée nationale, les crédits du programme 147 augmentent en raison du retour de l'Etat dans le financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

Les crédits de l'action 1 regroupent d'une part l'ensemble des crédits d'intervention dans les quartiers prioritaires, soit 193 millions et, d'autre part, des dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais soit 144,5 millions. Ces crédits sont stables.

Aux crédits spécifiques de la ville, il ne faut pas oublier d'ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,2 milliards d'euros, pour lesquels il convient d'être particulièrement vigilant quant à leur déploiement. Nombre d'élus se plaignent d'un manque de lisibilité de ces crédits. Les conventions interministérielles sont en cours de renouvellement et devraient contenir des engagements plus précis sur les montants et les moyens mobilisés.

Je voudrais attirer votre attention sur un point qui mobilise nombre d'élus : c'est l'impact des réformes des dotations et des compensations partielles d'exonération.

Le gouvernement a engagé la réforme de la DSU. Cette réforme, qui devrait permettre un rééquilibrage du versement de la dotation entre les communes, aura nécessairement des conséquences sur les modalités de versement de la dotation de la politique de la ville (DPV) dans la mesure où l'éligibilité à la DSU est une des trois conditions pour en bénéficier. La réforme de la dotation de la politique de la ville annoncée l'an dernier est reportée à 2017. Son montant augmentera de 50%, ce qui permettra de compenser sur le plan financier les effets de la réforme de la DSU.

Mais ce sont les compensations des exonérations de TFPB qui mobilisent fortement les élus. Ces exonérations entraînent une perte de recettes qui n'avait pas nécessairement été bien anticipée par les nouvelles communes entrant dans le dispositif de la géographie prioritaire et ce d'autant plus que la perte de recettes n'est pas entièrement compensée par l'État. Le taux de compensation ne dépasserait pas 40% selon France Urbaine.

A cette absence de compensation intégrale de l'exonération de TFPB, s'ajoute le constat d'un manque d'engagement de certains bailleurs sociaux pour mobiliser des moyens dans la gestion urbaine de proximité (GUP) en contrepartie des exonérations obtenues.

Plusieurs propositions ont vu le jour pour remédier à cette situation. Le projet de loi Egalite et citoyenneté prévoit de rendre obligatoire la conclusion d'une convention d'utilisation de l'abattement au bénéfice des locataires. Les bailleurs sociaux se sont mobilisés pour conclure ces conventions. Toutefois, des associations d'élus proposent d'aller plus loin. L'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant à une collectivité de s'opposer à l'exonération ou à l'abattement précités lorsqu'elle compte plus de 25% de logements sociaux et un amendement prévoyant que les constructions neuves se substituant à des logements sociaux dans le cadre d'une opération de l'Anru et ayant bénéficié de ces exonérations ne pourront plus en bénéficier lorsque le taux de logements sociaux dépasse 50%. Je comprends ces démarches mais je m'interroge sur les effets de telles mesures : ce transfert de compétence vers les élus locaux emportera-t-il la fin de la compensation par l'État ? Quelles sont les conséquences de telles mesures pour les bailleurs sociaux et leur engagement dans le NPNRU ? Je note que la ministre du logement nous a dit partager ces mêmes craintes.

J'en viens à la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine.

Un mot du PNRU, 2015 était la dernière année d'engagement. L'Anru a dû revoir ses besoins de financement en raison d'une accélération des paiements entre 2016 et 2018. L'agence a donc mobilisé un complément de trésorerie auprès d'Action Logement comme le prévoyait la convention entre l'Etat, l'ANRU et Action logement et a toujours la possibilité de mobiliser les fonds de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur d'un milliard d'euros.

J'en viens au NPNRU. Je rappelle que l'Etat s'est désengagé du financement des programmes de rénovation urbaine depuis 2009. Il revient donc à Action logement de financer la quasi-totalité des 5 milliards d'euros prévus pour la réalisation du NPNRU.

Avec les crédits actuellement prévus, ce sont en moyenne 20 millions d'euros qui peuvent être accordés à chaque projet, alors même que le montant moyen atteignait 44 millions dans le 1er programme (PNRU). Sans moyens supplémentaires pour faire face aux enjeux de rénovation urbaine, même s'ils ne sont pas à la hauteur du premier programme, beaucoup d'élus craignent de devoir revenir sur l'ambition même de leur projet, certains craignant même un « plan au rabais ».

Vous le savez, le gouvernement a pris la mesure de ces inquiétudes et annoncé le retour de l'Etat dans le financement du NPNRU à hauteur d'un milliard. 6 milliards seront donc affectés au NPNRU. Les crédits du programme 147 ont été modifiés en conséquence. L'Etat allouera 100 millions dès 2017 en autorisations d'engagements et 15 millions en crédits de paiement. Certains me diront que ce n'est pas assez. C'est vrai, neuf milliards seraient au moins nécessaire d'après les différents acteurs de la politique de la ville. Mais, ce retour de l'Etat doit être vu comme un premier pas, comme ce fut le cas pour le PNRU où la loi a été modifiée à plusieurs reprises pour augmenter les fonds qui étaient consacrés à ce programme.

Ces fonds supplémentaires apportés par l'Etat permettront de prendre en charge les équipements et notamment les écoles, en effet Action logement considère qu'il ne lui appartient pas de les financer et que sa contribution doit concerner au premier chef le logement.

Nombre d'élus sont en attente de la mise en oeuvre du NPNRU et redoutent une interruption trop longue entre PNRU et NPNRU.

La quasi-totalité des protocoles nationaux déposés dans le cadre du NPNRU devraient être examinés d'ici la fin de cette année par l'ANRU, les premières signatures de conventions opérationnelles devant intervenir en 2017.

Les élus engagés dans des programmes de renouvellement urbain m'ont aussi fait part de leur attente devant le manque d'information quant aux niveaux d'investissement qui seront réalisés par l'Anru, retardant ainsi la mise en oeuvre des opérations. Le retour de l'État dans le financement du NPNRU devrait permettre de débloquer la situation. Je m'en félicite.

De plus, le règlement du NPNRU continue de susciter des critiques. Plusieurs associations d'élus dénoncent les « exigences sans fin de l'Anru » alors même qu'une simplification des procédures avait été engagée depuis 2011.

Les représentants de l'Union sociale pour l'habitat sont également revenus sur le niveau des subventions accordées aux opérations de démolition, désormais limitées à 70%, qui ne permettrait de couvrir qu'une partie des pertes financières.

Cette situation d'attente suscite l'attente des élus mais aussi des habitants des quartiers qui ont été associés au projet de rénovation et qui ne comprennent pas pourquoi les projets ne démarrent pas. L'Anru doit prendre conscience de la situation. Il faut que les projets démarrent.

Je tiens à rappeler que cette action de l'Anru s'inscrit dans les politiques de logement et de peuplement. Des dispositions relatives à la mixité sociale dans l'habitat sont en cours d'examen dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Elles concernent les attributions de logements sociaux et l'application de la loi SRU et concourent à casser les logiques de ségrégation. On ne peut concevoir l'action de l'Anru de façon indissociable de ces axes politiques.

J'en viens maintenant à mon troisième point qui concerne le développement économique des quartiers. Le présent programme y consacre 97,12 millions d'euros : 48,62 millions sont ainsi prévus à l'action 1 pour l'emploi et l'insertion et 48,5 millions d'euros à l'action 2 pour les zones franches urbaines et l'EPIDe. Les crédits de l'action 2 diminuent mais uniquement pour des effets d'optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les ZFU avant le 1er janvier 2015

Je ne reviens pas sur les différentes dispositifs qui permettent d'améliorer la qualification des jeunes ou l'accès à l'emploi : garantie jeunes, contrat-starter, rôle de l'EPIDe.

Le gouvernement a souhaité aider en 2016 plus particulièrement les jeunes diplômés des quartiers. Pôle emploi a ainsi reçu plus de 9000 jeunes. Cette mobilisation a été positive, 31% des jeunes sortis des fichiers de demandeurs d'emplois ont trouvé un emploi.

Plusieurs mesures prises en 2016 concernent la création des entreprises dans les quartiers. L'Agence France Entrepreneur a été installée, elle a commencé ses travaux de repérage des quartiers prioritaires ayant besoin d'être couverts par des réseaux d'accompagnement. Il est encore trop tôt pour tirer un bilan de son action. En outre, des engagements en faveur de l'entrepreneuriat des femmes ont été réaffirmés afin d'aider ces dernières à concrétiser leurs projets et à oser lancer leur entreprise. Enfin, un nouveau fonds de garantie pour accompagner les entrepreneurs des quartiers devrait être mis en place d'ici la fin de l'année.

Des mesures ont également été prises en matière de soutien à l'immobilier économique. Le gouvernement a annoncé la mise en place d'une exonération fiscale en faveur des commerces de plus de 50 salariés réalisant un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros.

J'en viens maintenant à mon dernier point : l'éducation prioritaire.

Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre dans ce cadre :

- le dispositif « Plus de maîtres que de classes » en priorité dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+).

- le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Celle-ci a ainsi progressé pour atteindre à la rentrée 2015, 22% en REP+ et 17,5% en REP. Cependant, l'Association ville et banlieue nous a fait part d'un autre constat : la progression de la non scolarisation des enfants âgés de 3 à 6 ans dans certains quartiers prioritaires. Or, aucun indicateur budgétaire ne porte sur l'école maternelle et l'école primaire, ce qui ne nous permet pas de contrôler ce phénomène, ce que je regrette.

La carte de l'éducation prioritaire a été refondue en 2015 pour tenir compte de la géographie prioritaire. À la rentrée scolaire de 2016, 99% des collèges REP+ sont en QPV ou à moins de 1000 mètres et 85% des écoles REP+ sont en QPV ou à moins de 200 mètres. Il faut poursuivre les efforts en ce sens.

Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) a publié en septembre 2016 un rapport qui a fait beaucoup de bruit puisqu'il porte une critique sévère sur les dispositifs de l'éducation prioritaire en soulignant ses effets négatifs : stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, moyens supplémentaires accordés qui demeurent insuffisants pour créer une véritable différence, climat scolaire moins favorable, enseignants moins expérimentés et qui changent régulièrement. Toutefois, il faut atténuer cette critique, le CNESCO reconnaissant lui-même que les nouvelles mesures prises par le gouvernement allaient dans le bon sens, même si elles ne règlent pas tout et proposait de renforcer la mixité sociale des collèges les plus ségrégués.

Dans son enquête sur l'éducation dans les quartiers prioritaires, l'association des maires Ville et Banlieue de France soulignait l'impuissance des maires face à l'absence de mixité sociale dans certains établissements scolaires, le développement de stratégies d'évitement des établissements de ces quartiers et le développement d'une offre scolaire communautaire. Le gouvernement prendra par ordonnances des dispositions pour renforcer le contrôle de ces établissements privés hors contrats. Je m'en félicite.

En matière d'éducation, le programme 147 que nous examinons prend en charge les crédits du programme de réussite éducative. 77,3 millions d'euros y seront consacrés en 2017, soit un montant équivalent à celui de l'an dernier. Ce programme prend en compte l'enfant en difficulté scolaire dans sa globalité et permet une intervention dans le champ scolaire mais aussi culturel, social et sanitaire.

Dix ans après sa mise en place, le ministère de la ville a lancé une évaluation de ce programme. Deux études ont été réalisées dont les résultats divergent mais se rejoignent sur le fait que lorsque la situation des enfants est marquée par un cumul de fragilités et un contexte socio-économique et familial très fragile, les PRE ont beaucoup moins d'impact. Le gouvernement a réagi rapidement afin de corriger le dispositif. Il a ainsi été décidé de recentrer le dispositif sur les enfants ayant certaines difficultés et pour lesquels les études ont montré que le programme était efficace.

L'importance d'approfondir le travail dans une optique de soutien à finalité scolaire et le dialogue avec l'Éducation nationale et les enseignants a été rappelée. Il a ainsi été décidé de mettre en place des parcours davantage adaptés aux difficultés des enfants et plus centrés sur l'école.

En conclusion, Monsieur le Président, mes chers collègues, le montant des crédits affectés à ce programme 147, qui augmente, est satisfaisant.

Je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme 147 et à l'adoption de l'article 58 bis rattaché à ce programme qui prévoit que 6 milliards d'euros seront affectés au NPNRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Excellent rapport. Je donne la parole à M. Daniel Raoul, rapporteur spécial de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J'ai peu à ajouter au rapport très complet présenté par Annie Guillemot. Je regrette toujours que le budget de la politique de la ville soit séparé du budget du logement. Ce n'est pas cohérent.

Il faut également évoquer l'enjeu du déploiement des crédits de droit commun. Certains ministères sont tentés de s'en affranchir en considérant que certaines opérations relèvent du projet de l'Anru. Ainsi, pour les collèges et lycées situés dans ces QPV, l'éducation nationale, la région, le département ne doivent pas s'affranchir de leurs obligations et se retrancher derrière les opérations de l'Anru.

Sur le financement du NPNRU, je me félicite du retour de l'Etat. C'est un premier pas avec un milliard d'euros sur 10 ans, 100 millions d'euros d'autorisations d'engagement étant versés dès 2017. Je salue l'effort financier supplémentaire d'Action logement en raison de la « bosse » de décaissement qui s'est accentuée. Cet effort était certes prévu dans la convention quinquennale entre l'Etat, l'Anru et Action logement mais pas de sitôt.

L'enquête de la Fédération française du bâtiment analyse les réussites et les échecs de la politique de la ville. Dans les échecs, il y a la question de la réussite scolaire. Il n'y a pas eu d'évolution malgré les efforts. La fédération prend ainsi l'exemple de la réussite au brevet des collèges pour lequel les rénovations ont été sans incidence.

La commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je partage les conclusions de la rapporteure. Sur le bâti, les programmes de rénovations urbaines sont un succès. Il faut cependant veiller lors d'opérations de démolition à ce que le relogement soit adapté aux ressources et besoins des locataires. Il ne faut pas se limiter à la réhabilitation du bâti, la gestion urbaine de proximité doit également accompagner ces politiques de la ville.

En matière économique, je voudrais souligner le rôle des missions locales et rappeler l'importance des clauses d'insertion professionnelle. Les habitants doivent être directement intéressés au PNRU via ces clauses.

Mon seul bémol concerne les zones franches urbaines (ZFU) qui ont notamment attiré des professions libérales sans que cela ne profite aux habitants de ces quartiers en matière d'emplois. Les critères doivent être revus. La mise en place de l'Agence France entrepreneur est une très bonne chose. Si on veut que la création d'entreprises dans les quartiers ne soit pas éphémère il faut qu'il y ait de l'accompagnement. L'économie sociale et solidaire doit également être favorisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

L'action dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville appelle plusieurs réflexions.

Ces actions doivent être menées dans la durée. Il faut selon moi au moins 20 à 25 ans pour assurer la réussite de ces opérations sur les territoires. L'urbanisme est une des réponses, le peuplement en est une autre. La proposition d'attributions de logements à des demandeurs autres que ceux appartenant aux quartiles des demandeurs les plus pauvres qui figure dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté est une proposition intéressante mais en termes de réalisation, tout ceux qui vivent dans ces quartiers ou qui en sont des acteurs y intervenant savent bien que cette proposition sera difficile à mettre en oeuvre.

Se pose la question de la gouvernance sur la durée entre les collectivités et l'Etat. Des sous-préfets de politique de la ville doivent être désignés pour être le lien opérationnel permettant le déploiement des crédits de droit commun, d'assurer des services de proximité, la sécurité et faisant le lien avec la collectivité. A défaut, on aura des difficultés à assumer la cohérence d'ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il n'y a pas que le béton. Dans une opération de l'Anru, il faut aussi agir en matière économique, sociale pour recréer de la mixité. Le délégué du préfet doit coordonner les opérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

J'ai travaillé avec les bailleurs sociaux sur la situation de ces quartiers. Pour un petit nombre de quartiers, plus d'une dizaine, il faut des procédures d'exception pour répondre au trafic de drogue, à la montée des fondamentalismes, à la quasi absence de services publics, ou encore aux difficultés des gardiens pour être opérationnels « en toute liberté ». Ce n'est pas une question budgétaire. Il faut une procédure d'exception applicable à ces quelques quartiers et pas seulement en matière d'ordre public. C'est le cas s'agissant des copropriétés dégradées. Il faut que l'État prenne la main en partenariat avec les collectivités. En effet la situation actuelle est difficile à gérer pour les collectivités concernées. Probablement qu'il faudra également démolir de façon plus importante dans ces quartiers et mettre en place un délai de viduité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

On ne peut que se féliciter du maintien des crédits pour la politique de la ville. Mais à la différence de Marie-Noëlle Lienemann, je ne pense pas qu'on ait besoin d'une procédure d'exception qui supposerait la mise en oeuvre de critères. Il faut une prise de conscience de la situation du quartier concerné et établir un consensus entre l'Etat, la collectivité et les acteurs concernés en faveur d'une mobilisation exceptionnelle. Il faut accepter un pilotage dérogatoire au niveau territorial pour mieux cibler les interventions. Sans consensus territorial sur une démarche ciblée, nous aurons toujours les mêmes débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

Je partage beaucoup de vos remarques. Sur la durée, il faut arriver à changer l'image des quartiers y compris en créant des jachères. Je partage l'avis de Marie-Noëlle Lienemann sur les copropriétés, nous n'avons pas assez d'outils. A voir ce qui se passe dans certains quartiers de Clichy, ou les quartiers Nord de Marseille, il faudra démolir de façon plus importante mais surtout que la loi de la République revienne, car c'est l'école, nos services publics qui y sont en péril.

Sur les ZFU, les critères ont été modifiés afin d'éviter les effets d'aubaine. Sur le relogement, il faut évidemment être attentif.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme « Politique de la ville » de la mission « Politique des territoires » et sur l'article 58 bis qui est rattaché à cette mission.

La réunion est close à 12 h 18

Présidence conjointe de M. Jean-Claude Lenoir, président et de M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -