Monsieur le Président, mes chers collègues, il me revient de vous présenter les crédits du programme 147 « Politique de la ville » qui est rattaché à la mission « politique des territoires ».
L'examen de ces crédits intervient dans le cadre de la nouvelle géographie prioritaire dont les instances sont désormais installées.
S'agissant des crédits du programme, je tiens à saluer les efforts du gouvernement pour préserver les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville (QPV), la diminution prévue par le projet de loi initial étant une baisse purement optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les zones franches urbaines avant le 1er janvier 2015.
Après examen par l'Assemblée nationale, les crédits du programme 147 augmentent en raison du retour de l'Etat dans le financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).
Les crédits de l'action 1 regroupent d'une part l'ensemble des crédits d'intervention dans les quartiers prioritaires, soit 193 millions et, d'autre part, des dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais soit 144,5 millions. Ces crédits sont stables.
Aux crédits spécifiques de la ville, il ne faut pas oublier d'ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,2 milliards d'euros, pour lesquels il convient d'être particulièrement vigilant quant à leur déploiement. Nombre d'élus se plaignent d'un manque de lisibilité de ces crédits. Les conventions interministérielles sont en cours de renouvellement et devraient contenir des engagements plus précis sur les montants et les moyens mobilisés.
Je voudrais attirer votre attention sur un point qui mobilise nombre d'élus : c'est l'impact des réformes des dotations et des compensations partielles d'exonération.
Le gouvernement a engagé la réforme de la DSU. Cette réforme, qui devrait permettre un rééquilibrage du versement de la dotation entre les communes, aura nécessairement des conséquences sur les modalités de versement de la dotation de la politique de la ville (DPV) dans la mesure où l'éligibilité à la DSU est une des trois conditions pour en bénéficier. La réforme de la dotation de la politique de la ville annoncée l'an dernier est reportée à 2017. Son montant augmentera de 50%, ce qui permettra de compenser sur le plan financier les effets de la réforme de la DSU.
Mais ce sont les compensations des exonérations de TFPB qui mobilisent fortement les élus. Ces exonérations entraînent une perte de recettes qui n'avait pas nécessairement été bien anticipée par les nouvelles communes entrant dans le dispositif de la géographie prioritaire et ce d'autant plus que la perte de recettes n'est pas entièrement compensée par l'État. Le taux de compensation ne dépasserait pas 40% selon France Urbaine.
A cette absence de compensation intégrale de l'exonération de TFPB, s'ajoute le constat d'un manque d'engagement de certains bailleurs sociaux pour mobiliser des moyens dans la gestion urbaine de proximité (GUP) en contrepartie des exonérations obtenues.
Plusieurs propositions ont vu le jour pour remédier à cette situation. Le projet de loi Egalite et citoyenneté prévoit de rendre obligatoire la conclusion d'une convention d'utilisation de l'abattement au bénéfice des locataires. Les bailleurs sociaux se sont mobilisés pour conclure ces conventions. Toutefois, des associations d'élus proposent d'aller plus loin. L'Assemblée nationale a adopté un amendement permettant à une collectivité de s'opposer à l'exonération ou à l'abattement précités lorsqu'elle compte plus de 25% de logements sociaux et un amendement prévoyant que les constructions neuves se substituant à des logements sociaux dans le cadre d'une opération de l'Anru et ayant bénéficié de ces exonérations ne pourront plus en bénéficier lorsque le taux de logements sociaux dépasse 50%. Je comprends ces démarches mais je m'interroge sur les effets de telles mesures : ce transfert de compétence vers les élus locaux emportera-t-il la fin de la compensation par l'État ? Quelles sont les conséquences de telles mesures pour les bailleurs sociaux et leur engagement dans le NPNRU ? Je note que la ministre du logement nous a dit partager ces mêmes craintes.
J'en viens à la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine.
Un mot du PNRU, 2015 était la dernière année d'engagement. L'Anru a dû revoir ses besoins de financement en raison d'une accélération des paiements entre 2016 et 2018. L'agence a donc mobilisé un complément de trésorerie auprès d'Action Logement comme le prévoyait la convention entre l'Etat, l'ANRU et Action logement et a toujours la possibilité de mobiliser les fonds de la Caisse des dépôts et consignations à hauteur d'un milliard d'euros.
J'en viens au NPNRU. Je rappelle que l'Etat s'est désengagé du financement des programmes de rénovation urbaine depuis 2009. Il revient donc à Action logement de financer la quasi-totalité des 5 milliards d'euros prévus pour la réalisation du NPNRU.
Avec les crédits actuellement prévus, ce sont en moyenne 20 millions d'euros qui peuvent être accordés à chaque projet, alors même que le montant moyen atteignait 44 millions dans le 1er programme (PNRU). Sans moyens supplémentaires pour faire face aux enjeux de rénovation urbaine, même s'ils ne sont pas à la hauteur du premier programme, beaucoup d'élus craignent de devoir revenir sur l'ambition même de leur projet, certains craignant même un « plan au rabais ».
Vous le savez, le gouvernement a pris la mesure de ces inquiétudes et annoncé le retour de l'Etat dans le financement du NPNRU à hauteur d'un milliard. 6 milliards seront donc affectés au NPNRU. Les crédits du programme 147 ont été modifiés en conséquence. L'Etat allouera 100 millions dès 2017 en autorisations d'engagements et 15 millions en crédits de paiement. Certains me diront que ce n'est pas assez. C'est vrai, neuf milliards seraient au moins nécessaire d'après les différents acteurs de la politique de la ville. Mais, ce retour de l'Etat doit être vu comme un premier pas, comme ce fut le cas pour le PNRU où la loi a été modifiée à plusieurs reprises pour augmenter les fonds qui étaient consacrés à ce programme.
Ces fonds supplémentaires apportés par l'Etat permettront de prendre en charge les équipements et notamment les écoles, en effet Action logement considère qu'il ne lui appartient pas de les financer et que sa contribution doit concerner au premier chef le logement.
Nombre d'élus sont en attente de la mise en oeuvre du NPNRU et redoutent une interruption trop longue entre PNRU et NPNRU.
La quasi-totalité des protocoles nationaux déposés dans le cadre du NPNRU devraient être examinés d'ici la fin de cette année par l'ANRU, les premières signatures de conventions opérationnelles devant intervenir en 2017.
Les élus engagés dans des programmes de renouvellement urbain m'ont aussi fait part de leur attente devant le manque d'information quant aux niveaux d'investissement qui seront réalisés par l'Anru, retardant ainsi la mise en oeuvre des opérations. Le retour de l'État dans le financement du NPNRU devrait permettre de débloquer la situation. Je m'en félicite.
De plus, le règlement du NPNRU continue de susciter des critiques. Plusieurs associations d'élus dénoncent les « exigences sans fin de l'Anru » alors même qu'une simplification des procédures avait été engagée depuis 2011.
Les représentants de l'Union sociale pour l'habitat sont également revenus sur le niveau des subventions accordées aux opérations de démolition, désormais limitées à 70%, qui ne permettrait de couvrir qu'une partie des pertes financières.
Cette situation d'attente suscite l'attente des élus mais aussi des habitants des quartiers qui ont été associés au projet de rénovation et qui ne comprennent pas pourquoi les projets ne démarrent pas. L'Anru doit prendre conscience de la situation. Il faut que les projets démarrent.
Je tiens à rappeler que cette action de l'Anru s'inscrit dans les politiques de logement et de peuplement. Des dispositions relatives à la mixité sociale dans l'habitat sont en cours d'examen dans le projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté. Elles concernent les attributions de logements sociaux et l'application de la loi SRU et concourent à casser les logiques de ségrégation. On ne peut concevoir l'action de l'Anru de façon indissociable de ces axes politiques.
J'en viens maintenant à mon troisième point qui concerne le développement économique des quartiers. Le présent programme y consacre 97,12 millions d'euros : 48,62 millions sont ainsi prévus à l'action 1 pour l'emploi et l'insertion et 48,5 millions d'euros à l'action 2 pour les zones franches urbaines et l'EPIDe. Les crédits de l'action 2 diminuent mais uniquement pour des effets d'optique en raison de la diminution des crédits nécessaires à la compensation des charges sociales des entreprises installées dans les ZFU avant le 1er janvier 2015
Je ne reviens pas sur les différentes dispositifs qui permettent d'améliorer la qualification des jeunes ou l'accès à l'emploi : garantie jeunes, contrat-starter, rôle de l'EPIDe.
Le gouvernement a souhaité aider en 2016 plus particulièrement les jeunes diplômés des quartiers. Pôle emploi a ainsi reçu plus de 9000 jeunes. Cette mobilisation a été positive, 31% des jeunes sortis des fichiers de demandeurs d'emplois ont trouvé un emploi.
Plusieurs mesures prises en 2016 concernent la création des entreprises dans les quartiers. L'Agence France Entrepreneur a été installée, elle a commencé ses travaux de repérage des quartiers prioritaires ayant besoin d'être couverts par des réseaux d'accompagnement. Il est encore trop tôt pour tirer un bilan de son action. En outre, des engagements en faveur de l'entrepreneuriat des femmes ont été réaffirmés afin d'aider ces dernières à concrétiser leurs projets et à oser lancer leur entreprise. Enfin, un nouveau fonds de garantie pour accompagner les entrepreneurs des quartiers devrait être mis en place d'ici la fin de l'année.
Des mesures ont également été prises en matière de soutien à l'immobilier économique. Le gouvernement a annoncé la mise en place d'une exonération fiscale en faveur des commerces de plus de 50 salariés réalisant un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros.
J'en viens maintenant à mon dernier point : l'éducation prioritaire.
Plusieurs mesures ont été mises en oeuvre dans ce cadre :
- le dispositif « Plus de maîtres que de classes » en priorité dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+).
- le développement de la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Celle-ci a ainsi progressé pour atteindre à la rentrée 2015, 22% en REP+ et 17,5% en REP. Cependant, l'Association ville et banlieue nous a fait part d'un autre constat : la progression de la non scolarisation des enfants âgés de 3 à 6 ans dans certains quartiers prioritaires. Or, aucun indicateur budgétaire ne porte sur l'école maternelle et l'école primaire, ce qui ne nous permet pas de contrôler ce phénomène, ce que je regrette.
La carte de l'éducation prioritaire a été refondue en 2015 pour tenir compte de la géographie prioritaire. À la rentrée scolaire de 2016, 99% des collèges REP+ sont en QPV ou à moins de 1000 mètres et 85% des écoles REP+ sont en QPV ou à moins de 200 mètres. Il faut poursuivre les efforts en ce sens.
Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) a publié en septembre 2016 un rapport qui a fait beaucoup de bruit puisqu'il porte une critique sévère sur les dispositifs de l'éducation prioritaire en soulignant ses effets négatifs : stigmatisation des établissements classés en éducation prioritaire, moyens supplémentaires accordés qui demeurent insuffisants pour créer une véritable différence, climat scolaire moins favorable, enseignants moins expérimentés et qui changent régulièrement. Toutefois, il faut atténuer cette critique, le CNESCO reconnaissant lui-même que les nouvelles mesures prises par le gouvernement allaient dans le bon sens, même si elles ne règlent pas tout et proposait de renforcer la mixité sociale des collèges les plus ségrégués.
Dans son enquête sur l'éducation dans les quartiers prioritaires, l'association des maires Ville et Banlieue de France soulignait l'impuissance des maires face à l'absence de mixité sociale dans certains établissements scolaires, le développement de stratégies d'évitement des établissements de ces quartiers et le développement d'une offre scolaire communautaire. Le gouvernement prendra par ordonnances des dispositions pour renforcer le contrôle de ces établissements privés hors contrats. Je m'en félicite.
En matière d'éducation, le programme 147 que nous examinons prend en charge les crédits du programme de réussite éducative. 77,3 millions d'euros y seront consacrés en 2017, soit un montant équivalent à celui de l'an dernier. Ce programme prend en compte l'enfant en difficulté scolaire dans sa globalité et permet une intervention dans le champ scolaire mais aussi culturel, social et sanitaire.
Dix ans après sa mise en place, le ministère de la ville a lancé une évaluation de ce programme. Deux études ont été réalisées dont les résultats divergent mais se rejoignent sur le fait que lorsque la situation des enfants est marquée par un cumul de fragilités et un contexte socio-économique et familial très fragile, les PRE ont beaucoup moins d'impact. Le gouvernement a réagi rapidement afin de corriger le dispositif. Il a ainsi été décidé de recentrer le dispositif sur les enfants ayant certaines difficultés et pour lesquels les études ont montré que le programme était efficace.
L'importance d'approfondir le travail dans une optique de soutien à finalité scolaire et le dialogue avec l'Éducation nationale et les enseignants a été rappelée. Il a ainsi été décidé de mettre en place des parcours davantage adaptés aux difficultés des enfants et plus centrés sur l'école.
En conclusion, Monsieur le Président, mes chers collègues, le montant des crédits affectés à ce programme 147, qui augmente, est satisfaisant.
Je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme 147 et à l'adoption de l'article 58 bis rattaché à ce programme qui prévoit que 6 milliards d'euros seront affectés au NPNRU.