Je partage nombre des analyses de mon corapporteur, mais je n'en tire pas toujours les mêmes conclusions. Pour ma part, j'invite nos collègues à adopter les crédits de cette mission.
Il est exact que la budgétisation de la réduction de la cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles explique pour une bonne part l'évolution des crédits. Elle équivaut en moyenne à près de 1 000 euros transférés aux exploitants, pour une dépense totale de 480 millions d'euros. Il est également exact qu'elle ne constitue pas une mesure réellement nouvelle puisqu'elle s'applique depuis le début de 2016. Il s'agit d'une mesure pérenne de baisse des charges qui améliore le revenu net agricole et la compétitivité de nos exploitations. Elle répond à une revendication ancienne de la profession agricole.
Malgré l'adoption successive de plusieurs plans d'urgence, qui démontrent la grande attention du Gouvernement pour un monde agricole fortement éprouvé par les dérèglements de marché et par les aléas climatiques, les interventions plus classiques du budget ont été préservées et même amplifiées.
Les aides au titre de l'ICHN, des mesures agroenvironnementales et climatiques et des filières d'outre-mer sont revalorisées.
Quant aux difficultés d'exécution du budget européen, elles ont des prolongements potentiellement défavorables pour la France. Les refus d'apurement réduisent considérablement les « retours » dont notre pays aurait dû bénéficier.
Je remarque d'abord que cette situation est largement un héritage du passé, puisque la période considérée va de 2008 à 2012. J'observe aussi que le Gouvernement a pris des mesures vigoureuses : un plan complet a été mis en oeuvre, avec une indispensable refonte du registre parcellaire. Par ailleurs, nous devons être attentifs aux opérations de cartographie des zones simples défavorisées qui conditionnent l'éligibilité à certaines aides. Interrogé au Sénat, le ministre a fait part de toute sa vigilance et de celle de ses services.
Enfin, il semble que la France soit un des pays les moins pénalisés en proportion au titre des apurements. Comme son enveloppe est large, de l'ordre de 9 milliards d'euros, le total apparaît plus élevé que pour d'autres. Cependant, les entreprises agricoles concurrentes des nôtres bénéficient beaucoup plus que les nôtres de paiements indus, ce qui constitue pour elles un avantage concurrentiel peu loyal. Il faudra être vigilant, d'autant que le secteur agricole peut être pénalisé par des pratiques concurrentielles déloyales comme le recours aux travailleurs détachés dans certaines industries agroalimentaires.
Le retard pris dans le versement des aides directes au titre de la PAC a plusieurs causes. Le système d'identification des parcelles agricoles a dû être refondu à la suite de l'apurement de la période 2008-2012. Autre cause, le passage à la nouvelle PAC et le passage des droits à paiement unique aux droits à paiement de base, qui a suscité un certain nombre de difficultés dans les directions départementales.
L'Agence de services et de paiement (ASP) a nettement sous-estimé le développement informatique à mettre en oeuvre afin de traiter les dossiers PAC : clairement, les retards constatés dans le versement des droits sont largement imputables à cette erreur. Je sais que cette question fait l'objet de toute la vigilance du ministère et qu'un effort budgétaire est prévu dans le collectif de fin d'année.
Dans ces conditions, la mise en place des aides de trésorerie remboursable s'est avérée le moyen le plus efficace de soutenir les exploitations, même si le système a pu présenter des insuffisances, en particulier en ce qui concerne les mesures agroenvironnementales et climatiques ou les aides versées aux producteurs bio.
Par ailleurs, il ne me parait pas utile d'inscrire au budget des crédits représentant des risques sanitaires dont le montant n'est par définition pas connu. Cela n'a du reste jamais été fait. Comment alors intenter au Gouvernement un procès en insincérité ?
Sur la forêt, les crédits proposés sont plus stables. Cela témoigne plutôt d'un certain redressement et doit être apprécié en fonction des économies liées à l'achèvement des travaux consécutifs à la tempête Klaus. Les économies rendues possibles par les travaux déjà réalisés sont recyclées pour soutenir l'investissement forestier et réhabiliter les terrains montagneux.
L'Office national des forêts se porte mieux. Son nouveau contrat d'objectifs et de performances, négocié avec l'État et les communes forestières, préserve ses moyens tout en lui fixant des objectifs de mobilisation de la ressource plus élevés qu'on n'aurait pu le craindre.
Reste que l'économie forestière est vulnérable au cours du bois, variable clef du budget. Nous devrons reboiser si nous voulons concilier l'ensemble des usages, dans le contexte de l'application de la loi sur la transition énergétique et de nos engagements internationaux. Le fonds stratégique devra sans doute trouver des moyens supplémentaires. Nous devons aussi encourager l'ONF à mener à terme ses réformes internes, qui sont en bonne voie.
Nous vous rendrons bientôt compte de notre mission de contrôle sur la sécurité sanitaire des aliments, composante capitale dans ses aspects sanitaire, économique et budgétaire. Le collectif demande ainsi 158 millions d'euros au titre de la compensation des pertes de revenu liées à la crise de l'influenza aviaire. Le suivi de terrain peut être défaillant dans certaines zones compte tenu du manque de vétérinaires libéraux, qui font le lien avec les administrations de l'État.
Les sujets d'inquiétudes ne manquent pas, liées à la fièvre catarrhale ovine ou à la résurgence de certaines maladies comme la tuberculose bovine. Si nous devons solder l'affaire des vétérinaires en mission et de leurs droits à retraite, le Gouvernement n'est pas revenu sur son engagement de créer 180 postes d'inspection dans les abattoirs. Inutile de vous dire combien ces moyens sont nécessaires. L'engagement est tenu et en trois ans, les 180 postes auront été créés.
Je conclus en vous recommandant l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale pour 2017. Dans un contexte éprouvant pour les filières et pour les exploitations, alors qu'il a fallu faire face à des dépenses exceptionnelles pour répondre à des exigences qui avaient été peut-être négligées dans le passé, le budget 2017 témoigne du sérieux avec lequel le Gouvernement a réagi aux graves difficultés des producteurs et de la continuité de son action au service d'un développement rural durable.