Je partage votre analyse de ce budget. La nouvelle organisation des extractions judiciaires, si elle répond à une volonté compréhensible de décharger la police et la gendarmerie de missions qui ne relèvent pas de la sécurité publique en les confiant progressivement au ministère de la justice, ne donne pas satisfaction. Le procureur de la République dans mon département me signalait la semaine dernière que certains détenus doivent être remis en liberté car leur audition n'a pu avoir lieu dans les délais. Il y a là un vrai dysfonctionnement. Le développement de l'usage de la visioconférence diminuerait le nombre d'extractions, mais il faut, pour y avoir recours, l'accord de la personne incarcérée, et tous les avocats le refusent. Pourtant, cela éviterait des extractions dangereuses, sans parler de leur coût : dans un département où il n'y a plus de maison d'arrêt, il faut faire 160 kilomètres aller-retour.
Antoine Lefèvre a raison d'émettre un avis défavorable à ce budget. Il le fait d'ailleurs pour les mêmes raisons qui nous poussent à déposer une question préalable : c'est un budget d'affichage, construit autour d'effets d'annonce. En ouvrant des autorisations d'engagement sans crédits de paiement, on peut annoncer toutes les places de prison que l'on veut - après des années d'un blocage imposé par Christiane Taubira - en reportant l'impact budgétaire sur les années suivantes. Vouloir accroître le nombre de places est une bonne chose, mais le Gouvernement a discrètement repoussé l'obligation d'encellulement individuel. Le taux d'occupation de certaines maisons d'arrêt dépasse les 200 %, des détenus dorment sur des matelas posés à même le sol... Je salue donc l'inflexion du discours, mais déplore qu'elle n'ait aucune traduction budgétaire.