Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la compétence des transports scolaires a fait partie du grand mouvement des lois décentralisatrices. Ce bouleversement a profité aux départements, qui se sont vu confier l’organisation et le fonctionnement de ces transports autrefois assurés par l’État.
Naturellement, cela ne s’est pas fait sans difficulté, mais, au fil des ans, à la faveur du mouvement décentralisateur, les départements ont su développer des services de transports de proximité et de qualité. Seulement voilà, peut-être parce que cela fonctionnait bien et donnait satisfaction, peut-être parce que personne ne le demandait véritablement, sous couvert d’une œuvre réformatrice, il a fallu tout chambouler.
La loi NOTRe, devenue définitive après de multiples atermoiements et en dépit des tentatives de corrections du Sénat, a maintenu les transferts de compétences au niveau régional, y compris pour les transports scolaires. Elle a confié aux régions l’organisation et la gestion de ces transports, compétences qui relevaient jusque-là des départements.
Certes, les régions pourront toujours, si elles le souhaitent, faire appel aux départements, en leur déléguant la compétence des transports scolaires. Ces derniers ne seront donc plus attributaires, mais seulement délégataires. Malheureusement, dans ce bouleversement, on a ignoré la réalité territoriale, en particulier celle des départements, qui ont su patiemment s’assurer des compétences techniques et humaines pour remplir cette mission si importante qui participe à la recherche de l’égalité des territoires, dont vous avez la charge, je crois, monsieur le ministre…
Cette réalité territoriale, tant ignorée, est pourtant éclatante. En trente ans, la plupart des conseils départementaux ont conclu avec des autorités organisatrices de transports infradépartementales, ou AO2, des conventions destinées à leur confier cette mission sur une partie de leur territoire. Aujourd’hui, la plupart des départements ont mis en place un service de transport des élèves à la carte, au plus près des contraintes des familles. Ce service public départemental sur mesure s’apprête malheureusement à être défait.
Je viens d’un département, le Tarn-et-Garonne, où le président du conseil départemental s’inquiète de l’impréparation et du flou présidant à la mise en œuvre de ce transfert. Dans l’expectative et devant les multiples questions restées sans réponse, la région Occitanie a demandé que lui soit accordée une année supplémentaire avant le transfert de compétences, pour y voir « plus clair ». La région s’interroge sur la suite à donner, façon polie de dire qu’elle ne sait pas où elle va. Et pour cause ! Ses treize départements possèdent des organisations différentes de leurs transports scolaires. Implicitement, la région reconnaît le bien-fondé de l’échelon départemental.
Sur les 3 345 A02, acteurs de terrain recensés par l’ANATEEP, l’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public, près des deux tiers sont des communes et EPCI, qui gèrent pour le compte des départements l’organisation des transports scolaires.
Cette proposition de loi a le mérite de réintroduire proximité et souplesse, en facilitant une relation étroite entre acteurs publics locaux et ressources locales pour l’exercice de cette compétence. C’est la condition de l’adaptation efficace à la diversité des situations et aux spécificités des territoires.
De grâce, plutôt que vos propos lénifiants, monsieur le ministre, sur le « grand retour des services publics » ou vos affirmations selon lesquelles les transports figureront parmi les priorités des fameux SRADDET, qui ne sont pas encore constitués, vous feriez mieux de défendre les collectivités, d’écouter l’avis unanime et transpartisan de l’Assemblée des départements de France, qui attend cette proposition de loi et ce genre de correction. Au lieu de quoi, pour justifier votre opposition, vous faites valoir un besoin de lisibilité et une prétendue complexité, alors même que cette complexité, ainsi que l’impossibilité d’organisation qui en découle pour les départements et les régions, provient de transferts de compétences consécutifs à la loi NOTRe que vous défendez. Au moins Marylise Lebranchu avait-elle reconnu – certes, un an plus tard – que le Gouvernement « n’avait pas été bon sur la loi NOTRe ».