Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous étudions ce soir nous est revenu de l’Assemblée nationale dans une version quasiment identique à celle qu’avait élaborée le Sénat.
En effet, les députés ont maintenu le principe de la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de France Télévisions, ainsi que l’intégralité des assouplissements que nous avions apportés au dispositif initial. Je pense que la Haute Assemblée peut se féliciter de ce succès.
La proposition de loi devrait donc être adoptée par le Sénat sans difficulté, comme elle l’a été en commission la semaine dernière.
Compte tenu des réticences du Gouvernement et du débat qui a eu lieu au sein de notre commission, je m’efforcerai d’expliquer, à la suite de notre rapporteur, en quoi ce dispositif de protection des mineurs, tel que nous l’avons encadré en commission, permettra d’atteindre l’objectif affiché, tout en respectant les intérêts économiques en présence.
Je tiens d’ailleurs, en tant que membre de la commission, à féliciter le rapporteur, Corinne Bouchoux, pour son investissement personnel et pour avoir su trouver un équilibre entre les différents enjeux mis en lumière lors de nos auditions.
Les secteurs économiques concernés sont le secteur publicitaire, celui des produits visant un jeune public et, enfin, le diffuseur des messages, France Télévisions.
Tout d’abord, concernant la publicité et les produits de consommation, il faut préciser que la réforme ne vise que l’audiovisuel public, les chaînes privées continuant à relever d’une autorégulation, sous le contrôle du CSA.
En outre, lors de la première lecture, nous avons introduit, pour les programmes visés, une limite d’âge de douze ans, qui nous semble raisonnable au regard de la situation de vulnérabilité des plus jeunes. Le champ d’application du texte a donc été restreint.
Surtout, nous avons supprimé la hausse de 50 % de la taxe sur la publicité prévue par le texte initial. Cette hausse, représentant 7, 5 millions d’euros, aurait impacté les annonceurs et, par ricochet, leurs clients.
Concernant France Télévisions, il est difficile de chiffrer exactement le manque à gagner dû à la disparition de la publicité durant les programmes jeunesse, mais celle-ci appellera de toute façon une compensation, même si des économies peuvent évidemment la pallier pour partie. Comme l’a souligné le rapporteur, France Télévisions a déjà répercuté les effets de la réforme dans la rédaction de son contrat d’objectifs et de moyens, en intégrant, à partir de 2018, une baisse des recettes de publicité de 20 millions d’euros. La compensation intégrale est cependant loin d’être évidente ; il s’agissait du principal argument opposé par le Gouvernement à l’adoption de la proposition de loi. Or, une réforme des ressources de France Télévisions est devenue nécessaire à court terme, que cette proposition de loi soit adoptée ou pas. Notre commission a déjà engagé une réflexion sur ce thème.
Le récent rapport présenté par nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin a montré qu’il était urgent de revoir des règles établies lorsqu’internet n’existait pas. Il faut envisager de restreindre la dépendance de France Télévisions à des recettes publicitaires qui vont mathématiquement se réduire comme peau de chagrin du fait d’un transfert vers d’autres modes de communication.
Aussi notre commission, sur l’initiative de Jean-Pierre Leleux, a-t-elle procédé à un changement de date pour l’entrée en vigueur du texte. Nous avons retenu celle du 1er janvier 2018, pour que la suppression de la publicité durant les programmes destinés à la jeunesse coïncide avec une réforme de la contribution à l’audiovisuel public que le Sénat préconise de conduire dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. Le soin de mener cette réforme reviendra au prochain gouvernement.
Enfin, il faut savoir quel rôle nous voulons donner au service public. J’estime que celui-ci est dans son rôle lorsqu’il refuse la publicité durant des programmes destinés aux enfants de moins de douze ans et que cette exemplarité justifie l’investissement que chaque citoyen accepte de faire pour financer un service qui se distingue de celui des chaînes privées. En quoi France Télévisions pourrait-elle faire valoir une identité spécifique si elle insère dans ses programmes jeunesse les mêmes écrans publicitaires que les chaînes privées ? Il me semble que la suppression de la publicité contribuera à affirmer l’identité spécifique de France Télévisions.
Cette mesure est réalisable financièrement, et elle répond à un souhait réel des parents. Les temps évoluent. La durée d’exposition de l’enfant aux programmes télévisés n’est pas comparable avec celle que nous avons connue avant la naissance d’internet, lorsque les chaînes se comptaient sur les doigts d’une main et que les parents conservaient un certain contrôle. Le développement de l’obésité chez les jeunes et la surconsommation sont des phénomènes nouveaux.
S’il n’est pas question de modifier du jour au lendemain les équilibres économiques dépendant de la publicité, je pense que nous pouvons nous rassembler autour de l’idée d’un audiovisuel public protecteur et ayant valeur de modèle.
Notre groupe se réjouit que ce texte équilibré, qui est l’objet d’une très forte attente, soit le fruit du travail du Sénat. Nous espérons qu’il pourra réunir le consensus le plus large.