Cet amendement – et en arrière-plan tout ce texte – constitue un tournant décisif pour les collectivités.
En effet, depuis un certain nombre d’années, l’intercommunalité a connu une évolution plutôt favorable ; les lois Chevènement, la mise en place de la taxe professionnelle unique, un certain nombre d’avancées significatives ont rendu possible une véritable progression de l’intercommunalité sur nos territoires.
L’acte II de la décentralisation, malgré ses imperfections, a également permis d’avancer sur le terrain de l’autonomie. Mais cet acte II a aussi opéré un transfert de charges, notamment aux départements, faisant naître ainsi un certain nombre de difficultés de fonctionnement.
Nous avons aujourd’hui dépassé le point critique, parce que nous sommes en train de faire marche arrière par rapport à cette évolution favorable aux EPCI. Nous allons en effet vers la fin de la fiscalité unique des établissements publics de coopération intercommunale puisque nous sommes contraints d’évoluer vers une fiscalité mixte.
Incontestablement, nous allons aussi vers une régression de l’autonomie, contrairement à ce que voulait l’acte II de la décentralisation. Sur ce point, M. Jalon, directeur général des collectivités locales, nous a précisé, lorsqu’il a été auditionné par la commission, que, d’après le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le pouvoir d’action des collectivités sur les taux allait diminuer ; mais nous en sommes tous conscients.
Au fond, nous sommes ici face à deux visions antagonistes de la décentralisation.
Le Gouvernement nous propose une conception très libérale de l’action publique, régressive en termes de services publics locaux. Au-delà du transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages - il est inéluctable -, le Gouvernement procède avec ce texte à une recentralisation qui va à contresens de l’histoire, reniant ainsi les principes démocratiques selon lesquels le pouvoir doit être rapproché des citoyens.
Aujourd’hui, nombreux sont les experts pour qui ce projet de loi de finances marque une profonde rupture et procède d’une logique de remise en question de la décentralisation. Celle-ci pourrait dès lors n’avoir été qu’une parenthèse de courte durée dans l’histoire de notre République.
Le projet de loi de finances pour 2010 marque une rupture profonde dans le financement de l’action publique locale et la décentralisation. La capacité d’autofinancement du secteur public local s’érode d’ores et déjà régulièrement. Les collectivités locales ont compensé cette dégradation par une augmentation certes raisonnable du recours à l’emploi.
Si cette situation est encore maîtrisée aujourd’hui, elle le sera de moins en moins à l’avenir, dans la mesure où l’effet de ciseaux va s’accentuer considérablement du fait à la fois d’une augmentation inéluctable des dépenses et de la stagnation, voire du recul des recettes.
Le rapport de la mission Belot notait pourtant ceci : « La décentralisation “à la française” s’est construite sur l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales ». Il précisait ensuite : « Les impôts locaux ont ainsi pris leur forme actuelle au moment où la décentralisation allait connaître son élan majeur et ils ont efficacement accompagné le développement des services publics et des politiques économiques et sociales locales tout au long des trois décennies qui ont suivi. [...] l’autonomie financière des collectivités territoriale est indissociable, dans le contexte français, d’une large autonomie fiscale
Voilà donc, mes chers collègues, le constat que nous faisons de cette véritable opposition entre deux perceptions de la décentralisation, dont l’une, libérale, marque aujourd’hui un mouvement de recentralisation en privant les collectivités de cette autonomie.
Bien que louant le travail significatif qui a été fait par la commission des finances, nous sommes obligés de constater que s’opère aujourd’hui un recul manifeste et considérable. Cette dérive va conduire progressivement le vaisseau des collectivités locales vers les rochers. Ne sachant pas de quoi demain sera fait, les élus et les décideurs locaux seront face à une insécurité croissante ; il y aura une période probatoire, des clauses de rendez-vous, des échéances dans deux, trois, quatre ans. Un certain nombre de décideurs locaux disposeront donc de capacités réduites et seront contraints à l’inaction.
Ce texte, compte tenu de tous ces éléments, nous paraît très dangereux. L’amendement proposé constitue une avancée, mais dans une philosophie globale que nous ne partageons pas du tout. Nous souhaitons donc le rejet de cet amendement.