Intervention de Philippe Adnot

Réunion du 5 décembre 2009 à 21h45
Loi de finances pour 2010 — Amendement n° ii-200

Photo de Philippe AdnotPhilippe Adnot :

Je voudrais tout d’abord saluer moi aussi la qualité du travail qui a été fait par le rapporteur général, le président de la commission des finances et l’ensemble de cette dernière. Vous avez tiré le maximum de ce texte et j’aurai donc beaucoup de regret, éventuellement, de vous décevoir.

Madame la ministre, l’opposition que j’exprime contre ce texte ne veut pas dire opposition au Gouvernement. Cette réforme, à mon avis, n’empêchera pas les délocalisations. La compétitivité restera en berne parce que nous ne jouons pas sur les bons paramètres. Tout le monde sait que ce sont les salaires et les charges sociales qui ont le plus d’influence sur la compétitivité de nos entreprises. Vous aurez donc l’occasion de voir ces dernières revenir vers vous pour se plaindre de ce problème persistant.

D’autre part, les deux nouveaux impôts qui vont être à leur charge – que ce soit la taxe carbone ou la taxe à l’essieu –vont frapper directement les entreprises dont on veut alléger les charges, annulant ainsi complètement tous les effets positifs attendus.

J’aurais pu changer d’avis sous réserve d’amélioration sur un certain nombre de points, et principalement sur celui de l’autonomie fiscale. Or, celle-ci a été un peu améliorée grâce aux efforts de M. le rapporteur ; mais un peu ne correspond qu’à 700 millions d’euros.

Je voudrais rappeler à tout le monde l’équation ; je parle ici des départements, car je pense que les communes sont relativement bien traitées par la réforme mise en place. Au niveau départemental, donc, l’autonomie fiscale s’appuyait sur 10 milliards d’euros de taxe professionnelle, 5 milliards d’euros de taxe d’habitation, et 5 milliards d’euros de foncier bâti, soit 20 milliards d’euros au total.

Aujourd’hui, il va en rester 7 milliards d’euros, voire 7, 5 milliards d’euros. Donc 700 millions d’euros qui permettent de monter à 7, 5 milliards d’euros, c’est relativement marginal. Les collectivités n’ont donc plus d’autonomie fiscale, et cela aura des conséquences, madame la ministre.

Personnellement, en tant que gestionnaire d’un département, je vous annonce que, dès que le texte sera voté je n’accorderai plus la garantie du département pour les emprunts des organismes d’HLM puisque je n’aurai plus de quoi couvrir les risques liés à cette garantie.

Nous allons également devoir faire face à une hausse des taux d’intérêt. Je vous parlerai ici de mon expérience : au moment de la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie, j’ai été contraint d’augmenter les impôts de 8 %, mais j’ai alors pu répartir cette augmentation sur les trois impôts que j’ai cités précédemment.

Si je devais faire le même effort aujourd’hui – et ce sera probablement le cas puisque les dépenses obligatoires connaissent actuellement une dérive de même importance que les dépenses représentées par l’APA lors de sa création –, le taux d’augmentation atteindrait 24 % sur le seul foncier bâti, puisque c’est le seul impôt modulable dont nous disposons aujourd’hui.

Madame la ministre, ce texte organise l’insolvabilité des collectivités locales, et je le regrette.

La territorialisation que j’appelais de mes vœux n’a pas pu être envisagée. Nous allons créer des effets de distorsion qui vont être relativement graves. Dans les communes qui avaient décidé de bien gérer, ou dans les départements qui avaient décidé de ne pas imposer de taux élevés, les impôts des entreprises vont augmenter sans que les collectivités concernées ne bénéficient de recettes fiscales supplémentaires. À l’inverse, dans les collectivités où les taux étaient très élevés, les impôts des entreprises vont baisser sans diminuer les recettes des collectivités concernées. Je pense que c’est un effet secondaire dont vous aurez l’occasion d’apprécier les conséquences.

Une seule mesure, madame la ministre, aurait pu me faire changer d’avis. Elle n’a pas été évoquée ; elle n’est pas à l’ordre du jour, et je le regrette : vous auriez pu apporter en contrepartie de cette diminution d’autonomie fiscale la garantie pour les départements de la couverture des dépenses obligatoires à 80 % au moins par la solidarité nationale. Si vous couvrez à cette hauteur les dépenses obligatoires du revenu de solidarité active, de l’APA, du handicap, des tutelles, alors nous pourrons accepter d’avoir une moindre autonomie fiscale. Dans le cas contraire, je vous l’annonce, vous aurez à gérer des problèmes de collectivités qui seront en insolvabilité.

Je voterai donc malheureusement contre cet amendement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion