Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne le respect d’un principe auquel nous sommes tous ici, du moins je l’espère, très attachés, parlementaires comme membres du Gouvernement.
Ce principe est celui de la séparation des pouvoirs, séparation entre l’exécutif et le législatif bien sûr, mais aussi séparation entre le pouvoir exécutif et l’autorité judiciaire, celle qui garantit l’État de droit dans une démocratie.
Or, monsieur le ministre, vous savez l’inquiétude du monde judiciaire, pour ne pas dire davantage, que suscite le décret du 5 décembre dernier réformant l’inspection générale des services judiciaires, en d’autres termes le contrôle par votre administration des juridictions.
Alors qu’auparavant ce contrôle se limitait aux juridictions « du premier et du second degré », tribunaux de grande instance et cours d’appel, ce décret fait entrer la Cour de cassation dans le champ de ce contrôle.
Sans tarder, le premier président et le procureur général de la Cour de cassation ont écrit au nouveau Premier ministre. Ils ont finalement été reçus à la Chancellerie, à leur demande, samedi dernier. Ils ont été reçus, mais ils n’ont pas été convaincus ni même rassurés par l’explication donnée, à savoir que cette inspection unique était une « proposition de la Cour des comptes » et qu’elle « n’avait pas compétence pour se prononcer sur l’acte de juger ». Si on n’en attendait pas moins, on pouvait en attendre un peu plus !
Monsieur le ministre, en soumettant la Cour de cassation, garantie ultime de la liberté individuelle, au contrôle d’un service placé sous l’autorité du Gouvernement, comprenez-vous que l’on puisse considérer que ce décret porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ?
Pourquoi ne pas rattacher cette inspection générale au Conseil supérieur de la magistrature, seul garant de l’indépendance de la justice ?