Quand on relit les débats de mars 1955 sur la mise en place du premier état d’urgence, on peut se rendre compte qu’au début de ce qui devenait une véritable guerre, les résistances à cette mesure étaient au Parlement beaucoup plus vives qu’aujourd’hui. Les temps ont changé, la sociologie et les moyens de communication aussi. Et il est d'ailleurs inquiétant de voir qu’un certain nombre de mesures, qui posent problème – même si nous les avons votées – ne suscitent in fine que très peu de réactions tant l’état de la société a profondément changé.
L’installation de l’état d’urgence dans le temps pose des problèmes de fond tant pour la sécurité que pour les questions de liberté. Je sais que notre nouveau Premier ministre y a toujours été sensible. Il n’en reste pas moins qu’un incontestable glissement des principes fondamentaux de notre République s’est produit depuis 2015.
Le Conseil d’État, dans son avis du 8 décembre, considère de fait que le « péril imminent », condition d’ouverture de l’état d’urgence, est permanent. Il faut que nous réfléchissions sur la signification de ce concept et sur ses conséquences.
Cela m’amène à évoquer l’autorité judiciaire. M. le rapporteur Michel Mercier a justement rappelé l’article 66 de la Constitution, qui fait de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle. On peut d’ailleurs aller au-delà en relisant la loi constitutionnelle du 3 juin 1958. Il est arrivé qu’il y ait de bonnes choses en 1958…