Comme M. le rapporteur général, je dirai moi aussi que ce sujet est d’une grande actualité. Il est en effet nécessaire de réfléchir sérieusement aux moyens d’adapter la fiscalité à la modernisation des moyens de communication entre entreprises. Je dois reconnaître, monsieur le rapporteur général, que vous avez parfaitement situé le problème, au cœur d’une réflexion devenue obligatoire. Vous avez précisé vous-même que votre amendement visait à inciter à la réflexion et à fixer un cap ; je salue cette démarche.
Votre amendement a pour objet de créer une taxe sur les achats par voie électronique, qui serait due par tous les professionnels établis en France, sans exception. Conformément à notre philosophie, vous prévoyez un taux modéré – 0, 5 % – et une exemption pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est marginal.
Une telle taxation viserait à compenser le fait que les commerçants en ligne échappent purement et simplement aux impositions qui pèsent sur les formes de commerce tangible.
Le Gouvernement est parfaitement conscient de l’enjeu que représente, pour les finances publiques, le développement du commerce électronique. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, il faut, à l’évidence, que nous parvenions à une forme de parité fiscale entre les diverses formes de distribution.
Le cap étant fixé et le problème explicité, je me permettrai de formuler quelques réserves relatives non pas au principe de cet amendement, mais à ses modalités.
Première observation : la taxe proposée pèserait en réalité sur toutes les relations commerciales interentreprises, dès lors qu’une commande est passée par voie électronique. Nous craignons donc que le dispositif ne manque sa cible et qu’au lieu d’équilibrer la fiscalité entre les différentes formes de distribution, comme la commission des finances le souhaite à juste titre, il ne pénalise la modernisation des relations interentreprises, et en particulier celles qui se font par voie électronique. C’est là un premier problème, qui n’est pas négligeable.
Par ailleurs, un tel dispositif entraînerait de redoutables difficultés de contrôle de sécurité juridique pour les entreprises, car il impliquerait de distinguer ce qui, dans les achats de l’entreprise, relève du mode électronique de passation de la commande et ce qui n’en relève pas. Il pourrait aussi y avoir une distorsion entre le traitement des opérations internationales et celui des autres. C’est là un second problème.
Deuxième observation : la justification de la taxe proposée n’est pas évidente. On comprend bien que la TASCOM avait un double objectif : d’une part, le financement des collectivités locales sur le territoire desquels les commerces sont implantés et, d’autre part, le rééquilibrage des conditions de concurrence entre la grande distribution et les commerces de proximité, en particulier les petits commerces situés dans les centres-villes.
Monsieur le rapporteur général, votre proposition présente des difficultés d’appréhension au regard des objectifs que je viens de définir, et sans doute une réflexion approfondie serait-elle nécessaire pour déterminer de quelle façon cette articulation pourrait se faire dans de meilleures conditions.
Ma troisième et dernière observation porte sur l’impact économique de cette taxe. Vous avez évalué son produit à 500 millions d’euros. Un tel prélèvement, sans doute unique en Europe, voire – je le dis avec précaution – dans le monde risquerait de peser lourdement sur le secteur de l’internet et d’accroitre les risques de délocalisation. J’ai bien compris votre propos quant à ces derniers mais, au-delà de la production, le phénomène d’acquisition peut aussi conduire à des délocalisations !
Cela dit, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement souscrit très volontiers à votre souhait de réfléchir de façon approfondie sur le sujet. Il n’est d’ailleurs pas lui-même resté totalement inactif, puisque le régime de taxation des prestations de services électroniques évoluera, comme chacun sait, dès le 1er janvier 2015, de façon à faire prévaloir le principe de taxation à la TVA au lieu de consommation.Nous avons en effet saisi la Commission européenne pour l’alerter sur les pratiques déloyales de certains de nos partenaires, et je crois savoir que notre message a été parfaitement entendu.
Le Gouvernement a également saisi la Commission d’une proposition visant à taxer au lieu de consommation ou de consultation les bénéfices réalisés par les grands sites internet. Nous pensons que certains de nos partenaires, en particulier l’Allemagne, se rallieront à notre position.
Monsieur le rapporteur général, votre amendement a fixé un cap et permis d’amorcer une discussion. Je pense que vous pourriez maintenant le retirer, afin que la réflexion engagée se poursuive ultérieurement en évitant les écueils, que vous aviez certainement entrevus, sur lesquels je me suis permis d’attirer votre attention.