Comme vous, monsieur le ministre, je pense que nous trouverons un accord sur ce texte. L'importance des questions qu'il aborde justifie pleinement que le Gouvernement ait déposé un projet de loi autonome. En effet, la problématique à laquelle il répond est d'une tout autre nature, qui n'a rien à voir avec la prorogation de l'état d'urgence que nous avons votée en décembre dernier, même si vous avez rappelé que les conditions d'emploi des forces de sécurité intérieure, auxquelles il faut ajouter militaires et douaniers, depuis cette vague d'attentats terroristes d'un genre nouveau, font que policiers et gendarmes sont soumis à rude épreuve.
Nous savons aussi que, s'il y a un véritable point de fixation sur les conditions d'emploi des armes, ce sujet n'épuise pas la question. Le lien entre les missions des forces de l'ordre et les forces de sécurité qui dépendent des municipalités est aussi une question importante, qui fait l'objet de revendications de la part des syndicats de policiers comme des syndicats de policiers municipaux.
Pour autant, sur le plan strictement juridique, il nous semble indispensable de rester prudents. Si une clarification du droit spécifiquement applicable aux policiers est utile, dans la mesure où, jusqu'à présent, ce droit est lacunaire et essentiellement d'ordre jurisprudentiel puisqu'il s'appuie exclusivement sur la légitime défense, le contenu de la règle qu'il s'agit s'écrire dans la loi ne doit pas s'écarter de certains équilibres, qui sont autant de lignes rouges à ne pas franchir. Je partage vos propos, monsieur le ministre : il ne faut pas s'orienter vers une sorte de « permis de tuer » et le Sénat, assemblée qui s'enorgueillit d'être particulièrement attentive au respect des libertés publiques, doit faire observer une absolue proportionnalité. Si la loi s'écartait de ces principes jurisprudentiels, on peut supposer que le Conseil constitutionnel saurait les rappeler.
Monsieur le ministre, c'est donc à un exercice difficile que vous vous êtes livré et auquel nous allons nous livrer ensemble maintenant, à savoir adopter et amender une règle qui a pour objet de fixer dans la loi des principes déjà retenus par la jurisprudence, qui doivent être mieux écrits pour les gendarmes et qui - M. le rapporteur y reviendra - devront être posés aussi pour les polices municipales, lorsque, sur décision du représentant de l'État et sur demande du maire, elles auront la possibilité d'utiliser des armes. En effet, il n'y a pas de raison qu'elles ne se voient pas appliquer les mêmes règles.