L'illettrisme et le décrochage scolaire constituent des défis considérables outre-mer, comme en témoignent les évaluations menées à l'occasion de la journée défense et citoyenneté : si près de 10 % des jeunes Français présentent de graves difficultés de lecture et de compréhension du français, ils sont 30 % en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, 48% en Guyane et 75 % à Mayotte.
Toutefois, l'extension, même à titre expérimental, de la scolarité obligatoire de trois à dix-huit ans, contre six à seize ans aujourd'hui, que prévoit l'article 13 bis que la commission des lois nous a délégué au fond, n'est pas pertinente. Elle ne saurait s'envisager sans une réflexion globale sur l'architecture du système éducatif : peut-on rendre obligatoire la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur ? La question ne manquerait pas de se poser, alors que de nombreux jeunes obtiennent le baccalauréat avant l'âge de dix-huit ans.
S'il s'agit de réduire le décrochage scolaire, allions prévention et remédiation, à l'aide de structures et de pédagogies alternatives, comme la formation en alternance ou les micro-lycées, plutôt que de contraindre des jeunes à rester à l'école jusqu'à dix-huit ans. Quant à l'instruction obligatoire dès trois ans, qui veut réduire l'illettrisme en améliorant la maîtrise précoce de la langue française, il faut souligner la diversité des situations dans les départements et régions d'outre-mer : la scolarisation dès trois ans est la règle dans les Antilles et à La Réunion mais reste toutefois à développer en Guyane et à Mayotte. Ces taux faibles tiennent davantage à la faiblesse de l'offre et du nombre de places qu'au caractère facultatif de la scolarisation.
Enfin, le département de Mayotte est un cas particulier, tant les difficultés y sont importantes. Confrontés à une progression démographique inédite, les services de l'éducation nationale peinent à faire face et la scolarisation de tous les enfants soumis à l'obligation n'est pas effective, puisque, selon le Défenseur des droits, au moins 5 000 enfants âgés de six à seize ans ne seraient pas scolarisés ; le décrochage y est endémique, souvent avant seize ans. Beaucoup d'écoles, représentant environ 20 % des classes, fonctionnent par rotations, les élèves ayant cours par demi-journée. Les moyens consacrés à l'enseignement scolaire sont pourtant en forte croissance : l'État y assume, par dérogation au droit commun, les dépenses d'investissement pour les constructions scolaires du second degré, pour un montant total de 50 millions d'euros par an en moyenne.
Dans ce contexte, l'extension de trois à dix-huit ans de l'obligation d'instruction paraît à la fois coûteuse et très peu réaliste en l'absence d'une réflexion d'ensemble sur l'architecture du système éducatif. La priorité doit, à mon avis, être donnée à l'amélioration des conditions de scolarisation des enfants et à l'acquisition, dans le cadre scolaire, des apprentissages fondamentaux. Commençons par garantir à tous les enfants des conditions de scolarisation dignes et des enseignements efficaces ! L'amendement CULT.2 supprime donc le présent article.