Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur la proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC nous permet d’affirmer une même conviction sur toutes les travées, et c’est heureux : celle que l’enseignement supérieur est primordial pour l’avenir de l’Union européenne et des États membres. Il représente un élément clé pour construire une économie « durable, intelligente et inclusive » comme l’ambitionne la stratégie Europe 2020.
L’enseignement supérieur est en effet un levier incontesté de croissance, de recherche, d’innovation, de compétitivité et d’emploi à forte valeur ajoutée.
Tout aussi important, l’enseignement supérieur concourt au développement personnel des étudiants et les prépare à une citoyenneté active fondée sur la réflexion critique, confortant ainsi les bases d’une société ouverte et démocratique.
La coopération européenne en matière d’éducation et de formation se poursuit depuis 2010 à travers le cadre stratégique européen Éducation et formation 2020, avec, en matière d’enseignement supérieur, un objectif commun ambitieux fixé à 40 % au moins de diplômés parmi les personnes âgées de 30 à 34 ans. Selon le bilan d’étape de la Commission, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur dans l’Union européenne est ainsi passé de 33, 5 % en 2010 à 38 % en 2015.
De tels objectifs nécessitent un effort de financement important et continu des États pour relever le défi, tout en préservant un accès équitable à l’enseignement supérieur.
En termes de PIB, la part des dépenses est en moyenne dans l’Union européenne de 1, 43 % du PIB. Elle s’élève en France à 1, 5 % et se situe dans les pays du nord de l’Europe entre 1, 5 % et 1, 7 %.
Pour la période de 2015 à 2020, la Commission et le Conseil ont appelé les États membres à intensifier l’investissement dans l’enseignement supérieur, d’autant que depuis le début de la crise plusieurs États membres ont réduit leurs dépenses.
On ne peut donc que souscrire à l’objectif légitime de la proposition de résolution de voir les dépenses publiques d’enseignement supérieur augmenter. Cette volonté est conforme au modèle européen basé sur un financement essentiellement public de l’enseignement supérieur, à l’exception du Royaume-Uni : selon l’étude Regards sur l’éducation 2014 de l’OCDE, le taux financement public de l’enseignement supérieur était en 2011 de 80, 8 % en France, de 84, 7 % en Allemagne, de 77, 5 % en Espagne. Il est encore plus important dans l’Europe du Nord, avec 89, 5 % en Suède et 94, 5% au Danemark.
Ce modèle européen tranche au sein de l’OCDE avec d’autres options plus orientées vers le financement privé reposant sur les ménages et les étudiants, comme aux États-Unis, en Australie et au Japon.
L’intensification du financement public de l’enseignement supérieur par les États membres est donc, à mes yeux, une nécessité et ne s’oppose d’ailleurs nullement à une part croissante du financement privé, à condition qu’il ne repose pas lourdement sur les frais d’inscription, mais s’appuie sur la participation des entreprises, notamment privées.
L’OCDE note que les pays où les dépenses privées ont le plus augmenté durant la période de référence 2000-2011 sont aussi les pays où les dépenses publiques ont également le plus augmenté.
Si je soutiens l’objectif d’un accroissement des dépenses publiques d’enseignement supérieur en France et dans l’Union européenne, je pense néanmoins qu’en l’état une extension spécifique de flexibilité dans l’interprétation du pacte de stabilité et de croissance ne pourra aboutir.
La volonté de s’affranchir des règles du pacte pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB à l’horizon 2025, comme le prévoient les auteurs de la proposition de résolution, se heurte au cadre actuel défini par la Commission européenne le 13 janvier 2015. Les clauses « réformes structurelles » et « investissements » ne semblent pas correspondre, en l’état actuel, à l’ampleur des investissements nécessaires. Les dépenses d’enseignement supérieur, par leur importance et par leur nature, ne peuvent pas relever non plus de ces exceptions conjoncturelles.
Le débat doit en revanche se porter sur la nécessaire relance européenne, compte tenu de l’impact des dépenses d’enseignement supérieur sur la croissance, la compétitivité et l’emploi. Tous les sociaux-démocrates défendent en Europe une relance d’ailleurs également évoquée par le Fonds monétaire international, le FMI, le G20 et l’OCDE.
Ce débat implique une réflexion non pas tant sur l’interprétation que sur la modification du pacte de stabilité et de croissance en faveur des politiques de relance. Le think tank social-démocrate Progressive Economy et l’Observatoire français des conjectures économiques défendent l’application d’une règle d’or qui exclurait les investissements publics ayant un impact positif sur le PIB des critères de déficits européens.