Intervention de Serge Larcher

Réunion du 23 novembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Article 13

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à la « bulle photovoltaïque » dénoncée par certains, et en cette période de restrictions budgétaires, le Gouvernement a décidé de supprimer purement et simplement la défiscalisation outre-mer pour les investissements dans le photovoltaïque.

Il justifie le caractère brutal de cette décision par la surchauffe du secteur et oublie un peu vite qu’il a lui-même fortement incité les départements d’outre mer à développer l’investissement dans le photovoltaïque en repoussant toutes nos mises en garde et nos demandes de régulation.

Je fais partie de ceux qui, de longue date, ont averti les autorités de certaines dérives et demandé des mesures d’encadrement pour lutter contre l’extension anarchique des fermes photovoltaïques, dont le développement ne doit pas se faire au détriment des terres agricoles, des forêts, des paysages et des sites remarquables.

Par exemple, la Martinique – qui dispose d’un territoire particulièrement exigu, avec une superficie de 1080 kilomètres carrés –, perd chaque année environ 1 000 hectares de terres agricoles. Quelque 28 000 hectares y sont désormais actuellement consacrés à cette activité.

J’ai d’ailleurs préconisé un meilleur contrôle pour l’outre-mer et proposé, lors de l’examen du Grenelle 2, voilà maintenant plus d’un an, un amendement visant à instaurer des zones de développement du photovoltaïque intégrées aux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie. La secrétaire d'État à l’écologie de l’époque, Mme Chantal Jouanno, refusant de nous écouter, réaffirmait alors la détermination du Gouvernement à développer le photovoltaïque et proposait de réunir, sur cette question, un groupe de travail, qui n’a jamais vu le jour…

Déjà, la LODEOM, la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, avait prévu, pour réduire les effets d’aubaine, de fixer par arrêté un montant maximum de watts par projet. Mais, là encore, ce texte n’a jamais été publié.

Les erreurs du Gouvernement et sa surdité rendent encore plus inacceptable cet arrêt brutal de l’aide fiscale à l’outre-mer. En réalité, cette décision met fin au développement du photovoltaïque dans nos territoires, car, sans défiscalisation, la rentabilité des investissements dans ce secteur deviendrait négative. En effet, le coût des investissements y est bien plus élevé que dans l’Hexagone et le tarif de rachat, plus faible.

Pourtant, le développement de cette énergie, qui demeure peu compétitive et chère, se justifie particulièrement dans nos régions qui, bien que disposant à cet égard d’une importante ressource naturelle, sont excessivement dépendantes du pétrole et acquittent une facture énergétique très lourde.

Néanmoins, je crois qu’il y a eu à l’Assemblée nationale une certaine prise de conscience, et c’est heureux, des problèmes que pose à l’outre-mer l’arrêt du dispositif de défiscalisation. Sinon, comment expliquer le vote en faveur de la création d’une commission chargée d’étudier, après coup, les conséquences de cette suppression ?

Cette suppression va, il faut le souligner, à l’encontre des dispositions de la LODEOM et des orientations du Grenelle de l’environnement sur l’autonomie énergétique, qui est prévue pour l’outre-mer d’ici à 2030 et qui doit s’élever déjà à 50 % dans dix ans, contre 23 % pour l’Hexagone.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés aussi bien à la grogne des agriculteurs et des associations écologistes qu’au mécontentement des industriels et des porteurs de projets.

Dans l’immédiat, il faut faire face à la crise provoquée à la fois par le manque d’encadrement et par l’annonce de la fin de la défiscalisation. C’est pourquoi la Martinique, par la voix de la collectivité régionale, a demandé au préfet de geler les projets en stock, le temps d’établir un schéma régional de coordination qui permettra, au moyen d’une politique cohérente et globale en matière d’énergie, de régler les différents conflits, et cela à bref délai.

Les enjeux sont tels pour nos territoires qu’ils nécessitent que la politique et les moyens mis en œuvre pour favoriser le développement des énergies naturelles soient plus cohérents et qu’il y ait davantage de concertation entre le Gouvernement et les collectivités locales d’outre-mer.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je proposerai de rétablir l’ordre logique, c’est-à-dire d’attendre que la commission en charge d’évaluer l’impact de la défiscalisation des investissements dans le photovoltaïque remette ses conclusions et avance ses propositions pour songer à supprimer cette mesure.

J’ajouterai que, comme vous nous l’avez si bien expliqué hier pendant le débat à propos de la baisse de la TVA dans la restauration, nous avons, nous aussi, besoin de stabilité fiscale. En l’espèce, ce qui est vrai pour l’Hexagone l’est aussi pour l’outre-mer. On ne peut pas revenir sur un dispositif un an après l’avoir voté. Pourquoi ce « traitement de faveur » pour nos départements ?

Cohérence, transparence et équité : voilà les principes auxquels vous devriez ne pas déroger.

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