Intervention de Philippe Marini

Réunion du 23 novembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Article 13

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Je formulerai un certain nombre de commentaires globaux sur l’ensemble de ces interventions afin de ne pas avoir à les répéter au fur et à mesure que nous examinerons le grand nombre d’amendements déposés à cet article, et donc pour gagner du temps.

L’objet de ces amendements est de remettre en cause, d’une façon ou d’une autre, la suppression de l’éligibilité du secteur du photovoltaïque au dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer.

Premièrement, la suppression de cette éligibilité représente une économie de dépense fiscale de 230 millions d’euros par an. Ce montant a déjà été atteint : ce n’est pas un montant prévisionnel. Et il faut savoir que la dépense fiscale en question connaît une croissance exponentielle. Je parle sous le contrôle du ministre, mais il paraît que le stock des dossiers en attente, c'est-à-dire en cours d’instruction, représente à lui seul un enjeu sans doute supérieur à 500 millions d'euros. Il nous faut savoir de quoi nous parlons et situer les ordres de grandeur.

Deuxièmement, la défiscalisation en faveur du photovoltaïque constitue une aide à des investissements dans un secteur par ailleurs déjà aidé, et même bien aidé.

En effet, le tarif de rachat par EDF de l’électricité ainsi produite est avantageux. C’est l’usager qui en supporte le coût, par le biais de la contribution au service public de l’électricité ; il s’agit là d’une question dont nous avons amplement débattu, notamment dans le cadre de l’examen de la loi dite « NOME », voilà quelques semaines.

À ce titre, ce sont des investissements aidés, et pour des montants importants. Ce sont, en outre, des investissements sans risque puisque le tarif de sortie est déterminé. Par conséquent, ce n’est en réalité qu’un produit financier, les calculs de rendement étant effectués a priori.

Par ailleurs, l’outre-mer bénéficie des aides au photovoltaïque au titre du crédit d’impôt développement durable, d’ailleurs très peu développé outre-mer. Après tout, ce crédit d’impôt, qui est un dispositif de droit commun, pourrait s’appliquer davantage dans ces collectivités.

Troisièmement, le secteur du photovoltaïque, du fait de sa rentabilité, représente – j’allais dire, accapare – une proportion importante – de près de 20 % – des investissements défiscalisés, sans rapport avec la part relative de cette activité dans les économies locales. Il s’agit donc bien d’un effet d’aubaine. Par le fait même, il provoque l’éviction d’autres investissements dans d’autres secteurs, et qui sont éventuellement des secteurs plus riches en emploi, comme la construction ou l’entretien des logements. En effet, les avantages au titre de l’impôt sur le revenu sont plafonnés : à l’intérieur du plafond, on peut choisir différents produits ; en choisissant ce support-là, on renonce nécessairement aux autres.

Quatrièmement, les investissements en cours dans ce domaine devraient permettre, du point de vue du développement de l’énergie solaire, d’atteindre dès 2011 les objectifs prévus pour 2020 par le Grenelle de l’environnement.

L’ensemble de ces raisons plaident, me semble-t-il, pour une suppression de l’éligibilité du photovoltaïque au régime de défiscalisation des investissements outre-mer.

Compte tenu des avantages que représentent ces investissements, on comprend bien que tous les intermédiaires – j’allais dire de façon un peu ironique et en mettant des guillemets, tous les « parasites » –, à savoir les cabinets spécialisés en défiscalisation, tiennent particulièrement au maintien de ce dispositif et exercent une pression sur les élus des territoires pour les rendre sensibles à leur souhait.

L’Assemblée nationale a accepté d’intégrer au texte une « clause de revoyure », que l’on pourrait appeler « clause de remords », selon laquelle une commission composée d’élus et de représentants de l’administration se prononcera, avant le 30 juin 2011, sur l’opportunité ou non de réintégrer dans la loi ces dispositions et de revenir sur la suppression de cette défiscalisation.

Certains d’entre vous, mes chers collègues, plaident pour la suspension du dispositif actuellement en vigueur. Je les ai écoutés avec attention tout au long des réunions qui ont eu lieu à ce sujet, notamment avec la Fédération des entreprises d’outre-mer. Je leur fais observer qu’une simple suspension, qui ne ferait rien d’autre que d’ouvrir une période d’attente, provoquerait une chute du volume de l’ensemble des investissements à défiscaliser. En effet, on ne manquera pas de penser que les investissements dans le photovoltaïque qui sont en attente auront vocation à renaître à l’issue de la suspension.

Enfin, mes chers collègues, je me dois de vous informer, pour mettre fin d’emblée à un suspense qui pourrait se révéler insupportable, que la commission des finances ne sera favorable à aucun amendement relatif au volet outre-mer de l’article 13, à l’exception éventuelle de quelques modalités relatives aux conditions d’entrée en vigueur du dispositif, sur lesquelles nous ferons montre d’un esprit d’ouverture.

Pour la clarté de notre débat et par loyauté, j’ai cru devoir vous faire part de la position de la commission. Désormais, je serai très peu bavard sur ce sujet.

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