L'article 30 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), promulguée en août 2015, prévoit la création, au 1er janvier 2018, d'une nouvelle collectivité à statut particulier - la collectivité de Corse - qui se substitue à la collectivité territoriale de Corse et aux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.
Cet article, adopté par le Sénat, autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la mise en place de cette nouvelle collectivité. Trois ordonnances ont été prises sur cette base, l'une est financière, la deuxième concerne les institutions et la dernière est une ordonnance électorale. Le projet de loi de ratification de ces ordonnances a été envoyé à la commission des lois, qui nous a délégué au fond l'article 1er ratifiant l'ordonnance relative aux règles budgétaires, financières, fiscales et comptables, que je vais maintenant vous présenter.
Le principe retenu par la loi NOTRe est celui d'une création de la collectivité de Corse dans une parfaite neutralité financière et fiscale.
Les articles 1er à 7 et 9 à 11 procèdent à des adaptations quasiment rédactionnelles rendues nécessaires par la mise en place de la collectivité unique dans plusieurs textes ou codes. L'article 8 adapte les règles budgétaires et comptables applicables à la collectivité de Corse. Sur cet article, je vous propose d'adopter un amendement corrigeant une erreur de référence.
J'en viens maintenant aux mesures transitoires. Les articles 12 à 16 reprennent des dispositions d'harmonisation en matière fiscale, traditionnelles en cas de fusions de collectivité. L'article 17 précise les modalités d'adoption des délibérations fiscales en 2018, l'article 18 apporte des précisions en matière de fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et l'article 19 propose des dispositions transitoires en matière budgétaire et comptable.
Cette ordonnance n'épuise pas pour autant les questions financières résultant de la création de la collectivité de Corse.
Je rappelle tout d'abord qu'elle s'est accompagnée de plusieurs mesures financières favorables à cette collectivité dans la loi de finances pour 2017, que j'avais eu l'occasion de vous présenter avec notre collègue Claude Raynal lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Ainsi, la contribution au redressement des finances publiques de la Corse a été diminuée de 3,2 millions d'euros, les possibilités d'emploi de la dotation de compensation territoriale ont été élargies et sa dotation générale de décentralisation a été remplacée par une part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dont on connait le dynamisme.
Par ailleurs, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, nous aurons sans doute à nous pencher sur les conséquences de la création de cette collectivité sur les différents fonds de péréquation et sur la répartition des dotations de l'État.
Les deux départements corses sont aujourd'hui dans des situations différentes. Sur les cinq principaux indicateurs financiers, la Haute-Corse se situe en dessous de la moyenne nationale, tandis que pour trois de ces mêmes indicateurs la Corse-du-Sud se situe au-dessus de la moyenne nationale. Une prise en compte de la situation agrégée des données financières de ces départements conduirait à ce que la collectivité de Corse se situe au-dessus de la moyenne ou juste en dessous sur certains indicateurs. Dès lors cette fusion pourrait avoir des conséquences financières sur l'ensemble des collectivités.
Le champ de l'habilitation aurait permis de traiter ce sujet, mais il est préférable d'aborder les questions de péréquation de façon globale, dès lors qu'elles ont des conséquences sur l'ensemble des départements. La loi de finances permettra d'avoir ce débat d'ensemble. L'assemblée de Corse a cependant déjà formé le voeu que les règles qui seront fixées ne conduisent « ni à minorer les ressources » de la Corse, « ni à mettre en place des mécanismes de calcul qui s'avéreraient défavorables dans la durée ».
Il est légitime que la collectivité de Corse souhaite bénéficier d'une garantie de non baisse des montants perçus au titre des concours financiers de l'État et des fonds de péréquation. Néanmoins, le choix de mettre en place une collectivité unique implique une solidarité territoriale et, dès lors, il serait difficilement justifiable de continuer à calculer les dotations et les attributions ou prélèvements sans prendre en compte les données agrégées ou en mettant en place des mécanismes de garantie. C'est la logique même de la péréquation et de la mise en place d'une collectivité unique qui serait remise en cause. En tout état de cause, calculer ces montants sur la base des caractéristiques des anciens départements ne pourrait être un choix pérenne, ne serait-ce que dans la mesure où les données nécessaires ne continueront pas forcément à être produites.
En définitive, je vous invite à proposer à la commission des lois d'adopter cet article ainsi modifié.