Intervention de Hugues Portelli

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 janvier 2017 à 9h05
Projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la collectivité de corse — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur :

L'article 30 de la loi NOTRe, en complément des dispositions régissant la collectivité unique de Corse qu'elle a créée en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements de la Corse du Sud et de la Haute-Corse a prévu une série d'ordonnances relatives à des questions institutionnelles, électorales, budgétaires et financières. Il s'agit d'assurer la transition vers le nouveau système issu de la loi NOTRe, qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2018.

Lors de la création des départements en 1790, la Corse constitua un seul département, bientôt divisé en deux. Puis Napoléon rétablit l'unité départementale en 1811. Celle-ci a perduré jusqu'en 1975. La Corse a été séparée de la région Provence-Côte d'Azur en 1970 avec la création de la région Corse. Pour éviter qu'elle soit monodépartementale, on a cru devoir la diviser en deux départements, en 1975 donc.

En 1982, une nouvelle phase s'est engagée, jusqu'en 1991. La région Corse était certes équivalente aux autres sur le plan statutaire mais pas tout à fait puisque des élections régionales s'y sont déroulées dès 1982, alors qu'il a fallu partout ailleurs attendre 1986. Ces élections se sont mal passées en raison du système proportionnel sans seuil. L'assemblée élue étant ingouvernable, elle a dû être dissoute au bout de deux ans et il a fallu modifier une deuxième fois la loi électorale en 1985. Bref, sur le plan institutionnel, la vie de l'île est un peu chaotique !

Par ailleurs, la région Corse avait plus de compétences que les autres régions métropolitaines, notamment en matière d'éducation puisque les collèges sont passés des départements à la région.

Ce régime a fonctionné tant bien que mal de 1982 à 1991. En 1991, la loi a créé la collectivité territoriale de Corse, dotée d'un statut original. Les institutions de la collectivité se différencient des autres institutions régionales par l'instauration d'un véritable régime parlementaire : création d'un gouvernement de Corse - le conseil exécutif - responsable devant l'Assemblée de Corse, le tout fonctionnant avec une relative séparation des pouvoirs, les membres de l'exécutif ne pouvant pas être membres de l'Assemblée.

Par ailleurs, un nouveau transfert de compétences départementales ou de l'État vers la collectivité territoriale de Corse a été opéré en matière d'éducation, de langue, de culture, d'environnement, de tourisme, etc.

Le système mis en place en 1991 a été modifié en 2002 à la suite du « processus de Matignon », qui a introduit la négociation directe entre l'Assemblée de Corse et le gouvernement dirigé par Lionel Jospin, et a élargi les compétences de la collectivité ainsi que son pouvoir réglementaire. Le législateur de l'époque voulait aller plus loin, mais la censure du Conseil constitutionnel a opéré, notamment sur le dialogue direct entre le Premier ministre et l'Assemblée de Corse.

En 2003, les électeurs corses ont été consultés sur le projet de loi relatif au statut de la Corse. Le ministre de l'intérieur était Nicolas Sarkozy. Le projet de loi prévoyait la création d'une collectivité unique, les départements devenant des conseils territoriaux, établissements publics de la collectivité. Les électeurs se sont prononcés contre ce projet, qui a été enterré.

Entre-temps, les esprits ont mûri. En 2010, en Martinique et en Guyane, les électeurs ont choisi par référendum la fusion de la région et du département et la création d'une collectivité unique, élue à la représentation proportionnelle avec une prime majoritaire de 20 %. Ces deux collectivités ont été mises en place à la suite des élections de décembre 2015.

L'Assemblée de Corse a donc pris l'initiative de relancer la réflexion sur la réforme des institutions. Elle s'est ralliée à l'idée d'une collectivité unique, motivée en cela par l'annonce, en 2014, de la suppression des départements, programmée pour 2017. Ce projet fut ensuite abandonné.

C'est dans ces conditions que le Gouvernement a introduit le projet de collectivité unique par voie d'amendement de séance au cours de l'examen, par le Parlement, de la loi NOTRe. Son article 30 supprime les deux départements, modifie l'organisation de la collectivité territoriale, en augmentant l'effectif de l'Assemblée, et fixe des dispositions de transition en conséquence de la fusion des trois collectivités préexistantes pour les transferts de service, les ressources budgétaires, etc.

Le Sénat, le Parlement ont voté la loi NOTRe et son article 30. Les ordonnances devaient être prises avant le 8 février 2017, elles ont été signées le 21 novembre 2016, le présent texte propose de les ratifier.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, évoquera l'ordonnance sur les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables, tandis que je me concentrerai sur les ordonnances touchant les adaptations institutionnelles et électorales.

Sur le plan institutionnel, l'effectif de l'Assemblée a été porté de 51 à 63 membres par la loi NOTRe et l'effectif du conseil exécutif augmente mathématiquement en conséquence, ainsi que le prévoit l'ordonnance. En ce qui concerne le fonctionnement des institutions, rien de bien neuf. Lors des auditions, nous avons néanmoins attiré l'attention du directeur général des collectivités locales ainsi que des acteurs politiques sur un certain nombre de points. Quid des pouvoirs du président du conseil exécutif ? La vie politique en Corse est dense, agitée, il y a parfois des dissensions : l'Assemblée de Corse doit pouvoir voter une motion de censure contre le conseil exécutif. En sens inverse, si des membres du conseil exécutif démissionnent à la demande du président du conseil, ainsi que le prévoit l'ordonnance, il serait bon que l'Assemblée de Corse puisse également se prononcer par parallélisme des formes puisque c'est elle qui désigne les membres du conseil exécutif.

Par ailleurs, le collège pour l'élection des sénateurs au sein de chaque département de Corse ne comprendra plus de conseillers départementaux. À partir de quand cette règle entrera-t-elle en vigueur ? Une disposition transitoire règle l'hypothèse où une élection partielle pour l'élection d'un sénateur de Corse serait nécessaire après le renouvellement sénatorial de septembre 2017, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau statut au 1er janvier 2018.

Je n'ai pas grand-chose à dire en ce qui concerne la partie administrative. On additionne les personnels des trois collectivités existantes, il faut donc prévoir des régimes transitoires classiques.

Le maintien de deux services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ne fait pas l'unanimité. Les présidents des conseils départementaux n'approuvent pas cette solution. En revanche, les services d'archives départementales sont fusionnés en un seul service.

En conclusion, je dirai un mot sur la conférence de coordination des collectivités territoriales. Faut-il avoir une représentation des territoires infra-insulaires ? La structure créée par la loi NOTRe est appelée « la chambre des territoires » par l'ordonnance, remake de la conférence de coordination des collectivités territoriales. Cette chambre n'aura aucun pouvoir, faute de consensus.

Dans la mesure où les ordonnances ne changent pas grand-chose à l'article 30 de la loi NOTRe tel que nous l'avons voté au mois de novembre 2015, les amendements que je vous proposerai sont tous rédactionnels. Au final, je vous demanderai, dans un souci de cohérence comme de rapidité, de vous prononcer par un vote positif sur le projet de loi de ratification.

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