Intervention de François Baroin

Réunion du 23 novembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Article 13

François Baroin, ministre :

Je tiens ces chiffres à votre disposition ; ils émanent de la direction de la législation fiscale, qui s’occupe directement des agréments. Sur la même période 2006-2009, la part des transports a chuté de 25, 23 % à 10, 31 %. Quant à celle des énergies renouvelables, elle a explosé : de 9, 51 %, elle est passée à 32 %.

Vous voyez bien qu’est en train de s’opérer, à la faveur de ce système de défiscalisation, un effet d’aubaine spectaculaire et exceptionnel sur lequel il est de notre responsabilité de nous arrêter un instant, moi comme vous, représentants de ces départements magnifiques, au nom de ces populations que vous avez légitimement l’obligation de défendre. De même, il nous appartient de tirer les conséquences des effets pervers de ce dispositif dérogatoire.

Afin d’être tout à fait complet, je souhaite vous donner un dernier chiffre, qui illustre la réalité de ce transfert. La demande de projets à réaliser, déposée avant le 24 septembre, représentait 566 millions d’euros. Entre le 25 et le 29 septembre, date non pas rétroactive, mais de présentation du PLF au conseil des ministres, à la suite de confidences divulguées dans la presse sur les derniers arbitrages opérés, la demande a gonflé de 692 millions d’euros : en quatre jours ! Elle a encore augmenté de 226 millions d’euros à compter du 30 septembre. En l’espace d’une petite semaine, la demande a atteint 1, 5 milliard d’euros ! Il faut lucidement regarder ces chiffres, et les analyser dans un esprit de responsabilité.

Pour résumer, que proposons-nous ?

Il s’agit, tout d’abord, de tirer un enseignement du transfert que j’évoquais et revenir, coûte que coûte, sur les priorités définies dans la LODEOM.

Il s’agit, ensuite, d’affirmer que le logement social fait partie des priorités, telles que vous les avez exposées. Un retard est constaté sur la libération du foncier des collectivités territoriales ou de l’État, mais aussi sur la production de logements. Voilà une bombe à retardement, car la demande de la population dans ce domaine est telle qu’il faudra bien la satisfaire.

Il convient donc d’orienter cet outil de défiscalisation sur la production de logements sociaux afin de répondre à un besoin évidemment de première nécessité : celui de se loger et de loger sa famille.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il est un autre domaine d’importance, mais qui ne constitue plus désormais un besoin de première nécessité, concernant la consommation énergétique outre-mer.

Je souhaite en effet attirer votre attention sur le risque pesant sur le système d’approvisionnement en électricité des territoires ultramarins. La limite technique d’acceptabilité des énergies intermittentes relatives à la stabilité des réseaux est aujourd’hui largement dépassée. Je vous rappelle qu’elle a été fixée le 23 avril 2008. Malgré les adaptations engagées par les gestionnaires des réseaux, il peut en découler des défaillances encore plus fréquentes des systèmes électriques insulaires. Il est donc dans l’intérêt des réseaux de distribution de mettre un terme à une évolution préoccupante.

Par ailleurs, je maintiens et confirme que la spéculation autour de ce secteur et le nombre de projets déposés nous placent dans une situation critique.

Nous proposons de suspendre, jusqu’à nouvel ordre, le dispositif d’aide à l’investissement, pour ce qui est du secteur photovoltaïque. Nous sommes en situation de surcapacité, en surconsommation, et tout cela s’opère au détriment d’autres priorités de développement. Dans ces conditions, il est sage et responsable de suspendre le dispositif, pendant un temps.

J’ai proposé, au moment du débat à l’Assemblée nationale, la mise en place d’une commission. Cette proposition a été acceptée par certains de vos collègues. Cette commission n’est pas là pour enterrer l’affaire. Elle devra nous permettre de nous réunir et de faire le point. Je précise que je présiderai personnellement la première séance de cette commission, avant de laisser ma place à Mme Penchard.

À la fin du mois de juin prochain, vous sera soumis un projet de loi de finances rectificative. Celui-ci constitue le véhicule législatif approprié sur le plan fiscal, puisqu’il est de nature à apporter une correction, le cas échéant, si nous nous sommes tous entendus sur les modalités d’application de l’ensemble du dispositif relatif au secteur photovoltaïque.

Telles sont, en substance, les orientations choisies par le Gouvernement : nous suspendons la défiscalisation, nous nous entendons sur les modalités de fonctionnement de la commission précitée, et nous y reviendrons au cas où un consensus se dessinerait en ce sens.

Mais si la tendance révélée par les chiffres que je vous ai livrés était confirmée, il serait déraisonnable de s’obstiner à pousser dans le sens d’une défiscalisation dans le domaine des énergies renouvelables. Encore une fois, les besoins dans ce secteur sont satisfaits. Nous nous retrouverions alors devant de trop nombreuses difficultés, notamment auprès des fournisseurs traditionnels en électricité. La question reste véritablement en suspens.

Pour le reste, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le répète, en dépit des difficultés générales et de l’objectif de réduction des déficits publics de 40 milliards d’euros, le Gouvernement s’est efforcé de ne pas altérer en profondeur l’outil dérogatoire au droit commun en matière fiscale, qui est le seul outil efficace de développement au service de nos départements et territoires ultramarins. J’ai moi-même, en tant que ministre du budget, proposé des arbitrages en ce sens.

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