Comme vous le savez, le Sénat effectue chaque année un bilan de l'application des lois. Nous profiterons de l'approche de la fin de la législature pour effectuer un bilan quinquennal de l'application des lois, sous l'autorité de notre collègue M. Claude Bérit-Débat, vice-président du Sénat et président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études, qui suit plus particulièrement cette question.
Je souhaite d'abord insister sur le phénomène de l'accroissement du volume des lois, en rappelant qu'un certain nombre de textes est touché par ce qu'on appelle un coefficient multiplicateur important, c'est-à-dire la multiplication du nombre d'articles au cours de la navette parlementaire. Ce coefficient a atteint 3 à 4 pour plusieurs textes récents, notamment pour la loi « Macron », passée de 106 à 308 articles, et la loi « Notre », passée de 37 à 136 articles.
Par rapport aux législatures précédentes, le coefficient moyen est passé de 1,83 entre 2007 et 2014 à 2,14 en 2015-1016. Même si le Parlement doit lui aussi accomplir sa part du chemin, il y a une boursouflure qui incombe d'abord au Gouvernement puisque ce dernier conserve une large maîtrise du processus législatif et devrait cesser d'encombrer le calendrier parlementaire avec des textes de circonstance dépourvus de portée. Il devrait renoncer à parasiter la discussion de ses propres projets par des dizaines d'amendements préparés ou acceptés dans l'improvisation. Ainsi, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est passée de 54 à 115 articles, avec l'insertion de 55 articles additionnels par l'Assemblée nationale en première lecture, dont les deux tiers à l'initiative du Gouvernement. Il faut noter à ce sujet que nos lois contiennent aujourd'hui 60 % de mots de plus que les lois adoptées avant 2000. Ce mode de faire ne laisse pas d'interroger sur la qualité du travail gouvernemental.
Il y a ensuite la question des délais d'adoption des mesures d'application des lois promulguées sous la XIVème législature. Ils sont trop importants, alors que le pouvoir exécutif se plaint régulièrement de la durée à ses yeux excessive du processus législatif : près de 60 % des mesures d'application des lois promulguées au cours de la législature et relevant de la compétence de la commission des lois ont attendu plus de six mois avant d'être prises. Cette proportion atteint même les deux tiers toutes commissions confondues. Malgré toutes ces difficultés, il faut être objectif et reconnaître que le taux d'application des lois a progressé, passant de 59 % au 31 décembre 2014 à 72 % au 30 juin 2015 pour atteindre 84 % au 1er octobre 2016. Toutefois, l'adoption en 2015 et 2016 de nombreuses lois d'un volume important a rendu cet effort plus difficile pour les années 2016 et 2017.
Enfin, tout en constatant heureusement que la plupart des mesures d'application respectent la volonté du Parlement, je regrette que certaines d'entre elles aillent à son encontre. J'observe par exemple que les décrets pris par le Gouvernement en application de la « loi Macron » concernant les tarifs et les règles d'installation des professions réglementées du droit ont créé un mécanisme de régulation plus complexe qu'auparavant, restreignant la liberté d'activité dans ces professions et dénaturant ainsi les intentions affichées lors de l'adoption de la loi. Pour les seuls notaires, 1 002 offices supplémentaires doivent être créés. Environ 28 000 candidatures ont été recueillies. Le seul procédé trouvé par le Gouvernement pour atteindre cet objectif, le tirage au sort, a provoqué un grand désordre, en permettant aux sociétés existantes de présenter leur candidature, au détriment de la promesse de renouvellement et d'accès des jeunes à la profession de notaire. La sélection par tirage au sort, qui vaut renoncement à apprécier les mérites des candidats, a donc suscité une grande incompréhension, ce qui illustre l'importance de respecter l'esprit de la loi dans les mesures règlementaires qui en découlent.