Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 17 janvier 2017 à 14h30
Égalité réelle outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur du CESE, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte d’une extrême importance pour nos territoires d’outre-mer, car il vise à réduire les écarts de développement sociaux et économiques entre les populations ultramarines et de métropole. En effet, des écarts significatifs de niveau de vie persistent toujours malgré, je veux le souligner, une réelle dynamique de rattrapage économique et des politiques de développement volontaristes menées par ce gouvernement. Entre pauvreté, logements insalubres, décrochage scolaire, taux de chômage bien plus élevé que dans l’Hexagone ou encore PIB par habitant de 30 % à 80 % inférieur, ces inégalités de développement entre les territoires d’outre-mer et l’Hexagone restent patentes.

Ce texte se fixe comme objectif ambitieux de parvenir à l’égalité réelle et de mettre en œuvre l’un des soixante engagements de campagne de François Hollande, auquel les Ultramarins ont massivement fait confiance en 2012.

Certains s’interrogent sur le choix de cette sémantique, opposant selon eux égalité réelle et égalité virtuelle. Il ne s’agit bien évidemment pas de cela. Il s’agit de combattre ici et pour l’avenir des inégalités qui sont incontestablement réelles. Il ne s’agit pas non plus d’égalitarisme. Il s’agit, bien au contraire, de concilier notre conception républicaine unitaire de l’égalité avec l’extrême diversité de nos territoires.

La rédaction du projet de loi a été inspirée par les conclusions du rapport de Victorin Lurel, remis en mars 2016 au Premier ministre et par les avis et propositions de citoyens – membres d’associations, acteurs économiques, élus, étudiants, retraités, artistes, sportifs – d’outre-mer et de l’Hexagone, recueillis au terme d’une large consultation participative. Il répond à une demande forte, ancienne et légitime de ces territoires lointains.

Parmi les apports majeurs de ce texte, je relève la mise en place de plans programmés et pluriannuels de convergence propres à chaque territoire, déterminant un objectif de rattrapage avec la métropole en dix ou vingt ans. Le volet social visant la convergence des droits sociaux vers les standards nationaux, initialement consacré à Mayotte, a été étoffé. Il renforce notamment, et je m’en réjouis, la protection des Mahorais en matière de prestations familiales et d’assurance vieillesse. Enfin, d’autres mesures visent l’égalité réelle en matière d’accès aux opportunités économiques et à l’initiative entrepreneuriale.

Le texte contient également des dispositions en faveur du renforcement de la concurrence, de l’investissement dans le capital humain, de l’accès aux droits économiques et de la lutte contre la vie chère.

Initialement composé de quinze articles, ce texte nous est revenu de l’Assemblée nationale enrichi – je préfère utiliser ce terme – d’une centaine d’articles supplémentaires, modifiant ainsi son envergure, de même que son ambition. Ainsi, des dispositions en faveur de l’égalité hommes-femmes, pour lutter contre l’illettrisme, l’obésité et l’alcoolisme, pour l’accès aux soins, la représentativité des syndicats locaux ou encore la préservation de l’environnement ont été introduites. La mobilité et la continuité territoriale et numérique n’ont pas été oubliées et font désormais l’objet d’un titre entier au profit de la jeunesse ultramarine étudiante ou en formation.

Madame la ministre, nous vous proposerons également d’enrichir ce texte en séance afin de traiter de l’ensemble des problématiques soulevées par l’objectif d’égalité réelle. Je laisse à mes collègues le soin de présenter en détail les amendements relatifs à leur territoire pour me concentrer sur celui que je connais le mieux : Mayotte.

Tout d’abord, je me félicite de ce que la commission des lois du Sénat ait adopté quatre de mes amendements pour ce territoire.

Les employeurs particuliers pourront désormais bénéficier de la déduction forfaitaire patronale de cotisations de sécurité sociale liée à l’emploi d’une personne à domicile, qui atteindra le niveau en vigueur dans les autres départements d’outre-mer d’ici à 2036, afin de ne pas créer un avantage indu, les prélèvements sociaux et les cotisations sociales étant pour l’heure plus bas qu’ailleurs.

L’économie sociale et solidaire pourra pleinement s’appliquer dans le département de Mayotte, puisque l’ordonnance du 7 avril 2016 a été ratifiée.

En outre, l’erreur survenue lors de la recodification des dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime, qui avait écarté l’applicabilité outre-mer du titre relatif aux baux emphytéotiques, sera corrigée et l’état antérieur du droit positif rétabli.

Enfin, la composition de la juridiction d’assises à Mayotte sera modifiée et son fonctionnement de fait amélioré, de manière à tenir compte de la situation particulière de notre île, tout en garantissant l’égalité devant la loi pénale pour les personnes résidant outre-mer.

En revanche, je regrette que trois de mes amendements, relatifs à la fiscalité locale et l’adaptation du droit du sol à Mayotte, aient été repoussés. La spécificité et l’insoutenabilité de la situation de l’île en matière fiscale et migratoire les rendaient pourtant indispensables. C’est la raison pour laquelle j’ai redéposé ces amendements en séance. J’y reviendrai donc plus longuement au moment de leur discussion, car il me semble qu’un véritable débat doit être engagé sur ces questions devant la représentation nationale.

Nous en avons tous pleinement conscience, il faudra du temps et de la patience pour mettre en œuvre toutes ces dispositions. D’une part, parce que nos territoires sont très différents les uns des autres en matière de géographie, de climat ou encore d’histoire institutionnelle. D’autre part, parce qu’il faudra échelonner ces mesures afin de ne pas surcharger le budget de l’État en ces temps difficiles.

Néanmoins, ce projet de loi, très attendu par les 2, 75 millions de Français qui vivent en outre-mer, assurera, j’en suis convaincu, la convergence de nos territoires avec l’Hexagone. Il témoigne d’une réelle prise de conscience du retard accumulé et de l’urgence à y apporter des réponses. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain du Sénat votera en faveur de ce texte.

J’en terminerai en remerciant la ministre pour la qualité de son écoute, le rapporteur et les rapporteurs pour avis pour la qualité de leur travail et les sénateurs qui ont participé – et cela ne fait que commencer – à l’enrichissement de ce texte.

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