Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 17 janvier 2017 à 14h30
Égalité réelle outre-mer — Discussion générale

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si les intentions affichées dans ce présent projet de loi sont louables, que de retard accumulé !

Voilà presque deux ans, le 7 mai 2015, nous avions débattu, dans ce même hémicycle, de l’octroi de mer, et donc du financement des services publics dans ces territoires. À cette occasion, j’avais précisé, en tant que porte-parole du groupe UDI-UC, que la structure des recettes des collectivités ultramarines les conduisait mécaniquement à s’appuyer sur cette taxe – qui n’est, in fine, qu’une taxe sur l’insularité –, ce qui pousse les administrations à une rationalisation de leurs consommables, à une gestion toujours plus tendue et, de fait, à une moindre capacité d’action publique.

Depuis l’examen du projet de loi relatif à l’octroi de mer, nous pouvons dénombrer quatorze projets d’ambitions diverses sur l’outre-mer, sans compter les propositions de loi… Le texte que nous examinons aujourd’hui pose, de facto, la question de la notion même d’égalité réelle. L’égalité formelle, prévue par la Déclaration de 1789, perd de son sens lorsque tous ne bénéficient pas des mêmes conditions matérielles d’existence, c’est-à-dire d’une égalité réelle.

Aussi l’égalité réelle ne peut-elle signifier que deux choses : égalité des chances et égalité d’accès aux biens et services. C’est à cette aune que nous devons examiner ce projet de loi.

La République française est une et indivisible. Fallait-il un texte spécifique aux territoires d’outre-mer qui traite, à travers plus de 110 articles, de sujets aussi divers que la vie chère, la continuité territoriale, l’assurance vieillesse, les prestations familiales, l’échec scolaire, la pauvreté, le chômage des jeunes ou l’orpaillage en Guyane ? L’adoption d’une loi unique laisse entendre que ces territoires sont homogènes, qu’ils peuvent faire l’objet d’une même réflexion, alors que leur diversité fait leur spécificité et souvent leur richesse.

J’ajouterai, a fortiori, que les outre-mer sont engagés dans une logique d’autonomie et donc de différenciation territoriale. Dès lors, quel sens donner à une loi unique et générale ? Il serait plus logique qu’un texte différent intègre la dimension ultramarine indissociable de notre territoire national, de même que nous demandons à l’Europe, dans ses décisions réglementaires, de prendre en considération les spécificités des territoires ultramarins.

Les situations de Mayotte, dont la densité de population est cinq fois supérieure à celle de la métropole, confrontée à des problèmes migratoires considérables, de la Guyane, d’une superficie de 80 000 kilomètres carrés ou de la Polynésie – un territoire grand comme l’Europe avec seulement 1 % de terres émergées – sont-elles comparables ?

L’égalité réelle, c’est aussi veiller à ne pas laisser perdurer des disparités artificielles au sein même des populations vivant localement.

Depuis 1946, les fonctionnaires bénéficient d’avantages qui ne peuvent être octroyés au secteur concurrentiel. N’est-ce pas une forme de discrimination contraire au principe même de l’égalité réelle ? Il s’agit également d’un frein à l’initiative privée : le fait que la majorité de jeunes diplômés de ces territoires souhaite rejoindre le secteur public constitue un handicap économique.

Il conviendra de réfléchir à cette question : si la vie est plus chère outre-mer, elle l’est pour tous. Et les premiers à en pâtir sont toujours les plus pauvres ! C’est parce que la lutte contre la vie chère doit être une priorité que nous nous interrogeons sur l’efficacité réelle des dispositions de ce projet de loi.

Ce texte n’est pas dénué d’ambitions sur le plan économique – je pense à l’aide au fret, au maintien des zones franches ou au renforcement du FIP-DOM. Toutefois, ces dispositions concrètes sont sous-dimensionnées par rapport aux enjeux. Le volet économique doit en effet être le plus important, le plus ambitieux.

L’égalité réelle, c’est valoriser les atouts des territoires, dont le tourisme, et favoriser la création de richesses plutôt que prévoir de compenser dans la durée ces faiblesses.

La formation est certes importante, mais les jeunes diplômés doivent trouver des débouchés dans leur propre territoire.

L’élaboration future du plan de convergence visant à déterminer un objectif de rattrapage avec la métropole sur dix ou vingt ans est un réel défi à relever. En ce début d’année, le groupe UDI-UC forme le vœu que cette ambition soit atteinte.

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