Sur le fond, sous des abords assez techniques, le texte qui nous est soumis n’en comporte pas moins plusieurs enjeux importants pour le fonctionnement de notre système électrique.
Ainsi, la première ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier fixe pour la première fois un cadre légal à l’autoconsommation.
Cette pratique, appelée à se développer fortement dans les années à venir, pourrait en effet permettre de réduire les coûts du réseau, sous réserve qu’un certain nombre de règles soient prévues pour assurer une bonne synchronisation de la production et de la consommation, dimensionner les installations en fonction des besoins et garantir que la production soit située à proximité des lieux de consommation. Sur ce dernier point, notre commission vous proposera de compléter le texte, afin de limiter les opérations d’autoconsommation individuelle à un même site, car, en l’état, un client « multisites » pourrait produire dans sa résidence secondaire, par exemple dans le Midi, et consommer dans sa résidence principale, ce qui solliciterait le réseau et donc ne créerait aucune économie.
Pour le reste, notre commission a approuvé les avancées prévues par l’ordonnance, qu’il s’agisse de la garantie d’accès au réseau, de la possibilité de céder les surplus à titre gratuit ou de la fixation d’un tarif d’accès au réseau spécifique pour les plus petites installations. Elle les a même complétées par plusieurs dispositions fiscales ou techniques facilitatrices. Je mentionnerai seulement l’extension du champ de l’autoconsommation collective, qui autorisera les échanges d’énergie entre deux bâtiments tout en préservant le caractère de proximité sur le réseau de l’opération. Vous avez bien voulu le rappeler, madame la secrétaire d’État.
La seconde ordonnance comporte plusieurs mesures techniques pour accompagner le développement des énergies renouvelables et améliorer leur intégration au réseau. Je pense en particulier à la possibilité pour l’État de recourir à d’autres formes de mise en concurrence que le traditionnel appel d’offres, au renforcement de la coordination entre les producteurs et les gestionnaires de réseaux, ou encore à l’extension de la priorité d’appel dans les zones non interconnectées.
L’article 2 du projet de loi, qui a fait l’objet, à juste titre, de nombreux débats, a trait aux garanties d’origine associées à la production d’électricité renouvelable, qui permettent de certifier le caractère « 100 % vert » d’une offre de fourniture. Jusqu’à présent, seules les garanties d’origine de la production non subventionnée étaient valorisées en France, en moyenne entre 0, 1 euro et 0, 3 euro par mégawattheure, et pour un volume total de vingt-cinq térawattheures, soit environ le quart de la production renouvelable.
Dans la version initiale du texte, le Gouvernement proposait d’interdire toute émission des garanties d’origine en cas d’aides publiques à la production, afin en particulier d’éviter que le consommateur ne paie deux fois pour la même électricité renouvelable, une première fois par la fiscalité énergétique, et une seconde fois en souscrivant à une offre verte. Or cette solution n’aurait pas permis de tracer l’électricité verte subventionnée, dont les garanties auraient ainsi été « perdues » pour la collectivité.
Pour résoudre la difficulté, l’Assemblée nationale, en lien avec le Gouvernement, a prévu un mécanisme de mise aux enchères, organisé par et au bénéfice de l’État, qui présente le triple avantage d’éviter toute double rémunération des producteurs, d’assurer la traçabilité de l’électricité verte soutenue et de dégager des recettes qui viendront en déduction des subventions versées aux énergies renouvelables.
La fixation d’un prix de réserve évitera par ailleurs de déstabiliser un marché des garanties déjà largement excédentaire, de même que l’obligation d’inscription des seules installations de plus de 100 kilowatts limitera les coûts de gestion du système et dispensera les plus petites installations, à commencer par celles des particuliers, d’une obligation inutile.
Au total, notre commission a jugé qu’il s’agissait d’un bon compromis et que le mécanisme ainsi mis en place restait relativement simple. Elle n’y a donc apporté que quelques compléments, dont la possibilité d’allotir par type de filière et par zone géographique, pour mieux répondre aux demandes en faveur d’un mix diversifié et d’une énergie produite localement.
L’article 3 traite d’un autre problème important. Il propose de rétablir la réfaction tarifaire, c’est-à-dire le financement par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, d’une partie des coûts de raccordement des installations de production d’électricité renouvelable, et ce pour favoriser la réalisation de projets plus éloignés du réseau. Sont prioritairement visées des installations situées en milieu rural, le cas le plus représentatif étant celui des panneaux solaires installés sur des bâtiments agricoles, qui, par définition, ne peuvent pas être déplacés pour réduire les coûts d’extension et de renforcement du réseau.
Après une analyse approfondie, notre commission a approuvé une disposition dont certains des inconvénients potentiels ont été corrigés par nos collègues députés.
Ainsi, pour éviter une réduction indifférenciée quelle que soit la taille des projets, la modulation du taux de réfaction selon le niveau de puissance ou la filière, désormais explicitement prévue dans le texte, permettra d’adapter la mesure à la diversité des situations, donc d’aider davantage les petits producteurs que les gros, qui n’en ont pas besoin. De même, pour éviter une différence de traitement entre le gaz et l’électricité renouvelables, la mesure a été opportunément étendue aux installations produisant du biogaz, dont l’injection sur le réseau sera ainsi facilitée.
Nous avons enfin examiné une autre difficulté, à laquelle vous avez fait référence, madame la secrétaire d’État : la charge excessive de trésorerie que la réfaction pourrait faire peser, avant remboursement par le TURPE, sur les gestionnaires de réseaux, et en particulier sur les entreprises locales de distribution les plus petites.
Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat, mais ces ELD peuvent d’ores et déjà être rassurées. Outre la modulation des taux, dont le Gouvernement pourra sans doute nous préciser le « calibrage » – du moins, je l’espère, madame la secrétaire d’État –, cette charge sera encore minorée par l’abaissement du taux maximal de réfaction, décidé par votre commission, à 40 %, qui réduira sensiblement le coût de la mesure.
J’évoquerai brièvement une disposition introduite au même article par l’Assemblée nationale pour créer un régime indemnitaire spécifique en cas de retard de raccordement des énergies renouvelables en mer, et dont le coût, certes plafonné, sera pris en charge en tout ou partie par le TURPE, le reste relevant du gestionnaire du Réseau de transport, RTE, selon que sa responsabilité sera engagée ou non.
Là encore, notre commission a examiné avec d’autant plus d’attention le dispositif qu’il pourrait engager, en cas de survenance du risque couvert, plusieurs centaines de millions d’euros. Elle l’a cependant jugé nécessaire pour permettre la réalisation des parcs d’éoliennes en mer déjà attribués ou à venir, considérant que la spécificité des aléas visés, en particulier la faillite d’un câblier, justifiait un régime dérogatoire du droit commun et une « socialisation » partielle du risque.
Enfin, l’article 4 du projet de loi aborde un sujet conjoncturel, certes, mais qui aura son importance pour une grande partie des Hauts-de-France.