Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 24 janvier 2017 à 14h15
Sécurité publique — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Bruno Le Roux, ministre :

En effet, notre volonté a toujours été d’accompagner les maires dans la modernisation de leur police municipale, le financement de leurs équipements, tout en soutenant la rénovation de leur cadre d’emploi. Sur le plan juridique, trois lois et sept décrets ont ainsi contribué à renforcer les polices municipales. Je veux brièvement rappeler deux textes essentiels.

Le décret du 28 novembre 2016 élargit la gamme des armes de catégorie B auxquelles les agents concernés peuvent recourir et autorise le port de l’arme de poing à la ceinture pour les trajets compris entre le poste de police municipale et le centre d’entraînement au tir, sous réserve que les agents portent leur uniforme et se déplacent en véhicule sérigraphié.

Le décret publié le 23 décembre 2016 permet aux policiers municipaux, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, d’utiliser des caméras individuelles pour enregistrer leurs interventions. L’objectif est ainsi de prévenir les incidents et d’apaiser les tensions pouvant survenir à la suite de ces interventions.

Il faut continuer à réfléchir ensemble à ce que nous pouvons apporter aux policiers municipaux, en raison des risques qu’ils prennent dans l’accomplissement de leurs missions. Je me suis moi-même rendu à Nancy, vendredi dernier, pour signer une trentaine de conventions de coordination entre les forces de sécurité intérieure et les polices municipales de Meurthe-et-Moselle, dans le cadre d’une véritable coproduction de sécurité.

Cette reconnaissance du travail des polices municipales, leur professionnalisation et le rôle essentiel qu’elles jouent ne doivent pas non plus conduire à une confusion des missions. Le travail que nous avons réalisé ensemble nous permet là encore de clarifier cette question. Lorsque l’association Villes de France indique que la police municipale doit continuer à agir en complémentarité, et non en substitution des forces de police de l’État, je partage évidemment ce point de vue. Je pense d’ailleurs qu’il est très largement partagé sur ces travées.

Je resterai donc très vigilant à ce que cette reconnaissance ne crée aucune confusion, dès lors que les missions confiées aux uns et aux autres demeurent aujourd’hui fort différentes. À cela s’ajoute au sein des polices municipales une forme d’hétérogénéité des structures, des missions, des équipements et des doctrines, dont nous devons aussi tenir compte. Le Gouvernement sera toutefois ouvert à des dispositions susceptibles de consolider l’action des polices municipales, dès lors que celles-ci, je le répète, ne créent pas davantage de confusion.

La deuxième évolution majeure que nous proposons vise à protéger l’identité des policiers et des gendarmes, dès lors que sa révélation constitue un danger pour eux-mêmes ou pour leur famille. Tel est l’objectif du numéro d’immatriculation administrative auquel les policiers et les gendarmes seront autorisés à recourir en lieu et place de leur état civil pour s’identifier dans les procédures pénales et sous certaines conditions.

C’est un dispositif qui, je le rappelle, existe déjà en matière de lutte antiterroriste. Dans les cas exceptionnels où la connaissance de l’état civil de l’enquêteur serait indispensable à l’exercice des droits de la défense, le juge pourra, bien entendu, ordonner la révélation de ces informations. Des dispositifs similaires existent chez certains de nos voisins européens, et la Cour européenne des droits de l’homme admet que ce type de dispositif puisse être utilisé, sous réserve que les droits de la défense soient respectés, ce à quoi nous avons veillé.

De même, afin d’assurer la protection de l’identité des auteurs de décisions administratives en lien avec le terrorisme, l’administration sera autorisée à ne notifier à la personne concernée qu’une ampliation anonyme de l’acte, tout en aménageant les règles du contradictoire en matière contentieuse.

Enfin, la troisième évolution que nous souhaitons vise à doubler les peines encourues en cas d’outrage à toute personne dépositaire de l’autorité publique, en les alignant sur celles qui sont prévues en cas d’outrage à magistrat.

S’en prendre à un policier national ou municipal, ou à un gendarme, c’est tout simplement s’en prendre à la République. Comme les magistrats, les policiers et les gendarmes jouent un rôle absolument indispensable au bon fonctionnement de notre société et de notre État de droit.

Au cours de vos discussions, vous avez identifié d’autres évolutions législatives susceptibles de contribuer au renforcement de l’autorité des dépositaires de l’autorité publique. Le Gouvernement les examinera évidemment avec beaucoup d’intérêt et d’attention.

Le texte comporte en outre des dispositions ajustant des mesures d’ores et déjà en vigueur. Avec l’article 4, nous entendons ainsi compléter les dispositions de la loi Savary du 22 mars 2016 pour tirer les conséquences des enquêtes administratives touchant des salariés occupant des emplois en lien direct avec la sécurité des personnes au sein d’entreprises de transport. Nous l’évoquerons certainement au cours de nos débats, mais je tiens dès à présent à rappeler que les dispositions que nous souhaitons introduire dans le texte servent à consolider le dispositif déjà existant.

Par ailleurs, nous souhaitons améliorer l’articulation entre les procédures judiciaires et les mesures de contrôle administratif, lesquelles permettent de contrôler les personnes ayant rejoint ou cherché à rejoindre un théâtre d’opérations terroristes à l’étranger dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français.

Enfin, nous prévoyons d’ouvrir de manière strictement encadrée la possibilité d’un armement des agents de sécurité privée exerçant des activités de protection des personnes, lorsque celles-ci sont exposées à des risques exceptionnels d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité physique.

Le projet de loi contient également deux articles qui relèvent plus particulièrement du ministère de la justice, ainsi qu’un article concernant le ministère de la défense. Je laisserai bien sûr le soin au garde des sceaux de présenter les articles 8 et 9 en indiquant simplement que, comme pour le reste du texte, le Gouvernement a souhaité intégrer ces articles dans un souci d’efficacité et de complémentarité, afin d’aider les acteurs qui contribuent à la sécurité publique.

S’agissant de l’article 10, enfin, qui relève du ministère de la défense, il concerne le service militaire volontaire et vise à créer un statut spécifique combinant celui de militaire et celui de stagiaire de la formation professionnelle.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures figurant dans ce projet de loi. Je veux à nouveau souligner leur importance pour les forces de l’ordre. Être policier national ou municipal, être gendarme, ce n’est pas exercer un métier comme les autres. C’est accepter d’être confronté à la violence dans ses manifestations parfois les plus extrêmes. C’est accepter d’exposer son intégrité physique, et parfois même sa vie, au nom de l’intérêt général. C’est précisément parce que les policiers et les gendarmes acceptent d’encourir de tels risques que nous nous devons de leur offrir la garantie d’une protection vigilante et juridiquement incontestable. C’est là tout simplement renforcer la République !

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