Intervention de Jean-Noël Guérini

Réunion du 24 janvier 2017 à 14h15
Sécurité publique — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Noël GuériniJean-Noël Guérini :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avant d’aborder l’examen du texte inscrit à l’ordre du jour, permettez-moi de rappeler que nous vivons depuis deux ans dans une situation à laquelle la France n’était absolument pas préparée. Personne, tant à gauche qu’à droite, n’aurait pu imaginer le scénario catastrophe que nous avons vécu et que nous nous efforçons de surmonter avec dignité, avec lucidité et avec courage.

Depuis deux ans, des fanatiques, guidés par des barbares qui manipulent leur religion, s’attaquent durement et aveuglement à tous ceux qui ne leur ressemblent pas. En janvier 2015, puis en novembre 2015 et, enfin, en juillet 2016, la France a subi des actes d’une violence inimaginable, inacceptable, des actes qui nous ont plongés en état de sidération.

Nous avons eu des discussions théoriques sur les causes de cette nouvelle guerre et sur les libertés publiques. Nous devons d’ailleurs les prolonger et les approfondir pour cerner avec plus de justesse ce qui les a rendues possibles pour tenter, demain, de les éviter.

Force aussi est de constater que notre pays n’est pas le seul à essuyer les foudres de déséquilibrés en mal de reconnaissance. Les Turcs, les Maliens, les Belges, les Allemands et bien d’autres peuples ont été frappés et luttent désormais quotidiennement contre la barbarie.

En un an, les 4 000 perquisitions, les centaines d’arrestations et d’armes saisies ont permis aux forces de sécurité de déjouer dix-sept attentats.

Militaires en patrouille, présence policière accrue, fouilles systématiques aux abords des lieux publics, contrôles aux frontières sont autant de situations imposant plus de moyens pour les forces de l’ordre.

D’aucuns, évidemment, prisonniers de sirènes électoralistes, diront qu’il faut faire bien plus afin d’agir plus fermement ou bien moins, car nous vivrions désormais dans un état policier. La logique du « toujours plus de sécurité » consiste fréquemment à nous faire oublier qu’elle est retenue par ceux qui ont choisi d’imposer des coupes claires dans les effectifs des forces de sécurité.

Aujourd’hui, ces fortes voix nous promettent, sans ciller, de faire des économies en procédant à des ventes à la découpe chez les agents de la fonction publique. Dans le même temps, quelques bonnes âmes n’hésitent pas à élever la voix, brandissant le glorieux étendard des droits de l’homme, pour nous affirmer que la mobilisation contre le terrorisme et pour la sécurité de tous ferait de la République placée en état d’urgence un État policier. Je crains que ces partisans du toujours moins de sécurité ne laissent naïvement place aux ennemis de notre démocratie, qui, eux, n’hésitent jamais à nous faire la guerre avec toujours plus de barbarie.

Pressés, comme à l’accoutumée, les uns et les autres, victimes du toujours plus de critiques, oublient que la politique engagée depuis cinq ans dans le cadre de la sécurité, loin de correspondre aux caricatures dans lesquelles ils se complaisent, n’a pas seulement apporté des réponses concrètes aux demandes des policiers et des gendarmes. Tout en prenant en compte les exigences des personnels présents sur le terrain, elle n’a jamais sacrifié les attentes de la population, qui, en matière de sécurité publique, demande des actes et non pas des postures.

Chacun de nous connaît le coût de cette présence et les difficultés qu’elle peut entraîner. Nous devons rester vigilants à l’équilibre délicat, toujours à réinventer, entre besoin légitime de sécurité et préservation des libertés individuelles.

Permettez-moi, mes chers collègues, une incursion philosophique, mais certains auteurs considèrent que, depuis Thomas Hobbes, les tensions entre la liberté et la sécurité sont au cœur de la philosophie politique. Ils affirment même que la sécurité est une condition de la jouissance des libertés, mais elle est aussi au principe de leur restriction.

Nous avons adopté quatre lois tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme et voté majoritairement, à l’occasion de la discussion de la loi de finances pour 2016, le renforcement de la lutte contre le terrorisme au travers de moyens tant humains que financiers. Peut-être va-t-on m’accuser d’être trop conciliant avec les socialistes, mais il faut savoir reconnaître le travail accompli dans ce domaine par l’ancien ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, et je reste convaincu que son successeur, Bruno Le Roux, suivra la route qu’il a tracée.

Pour autant, la fermeté et la détermination ont un coût. Nos forces de l’ordre sont fatiguées et sollicitent la reconnaissance de la Nation.

Les différentes manifestations qui ont fait suite à l’assassinat d’un couple de policiers à leur domicile à Magnanville en juin 2016 et à l’agression de quatre policiers par des jets de cocktails Molotov à Viry-Châtillon le 8 octobre dernier témoignent d’une situation difficile et traduisent le mal-être profond des forces de l’ordre.

Nous examinons donc une loi de cohérence finalisant et parachevant les mesures nécessaires à la lutte contre le terrorisme.

La refonte globale du cadre me convient et me rassure. En effet, elle unifie dans un même article du code de la sécurité intérieure l’usage des armes pour toutes les forces de sécurité en y intégrant les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité tels qu’ils sont mis en exergue par la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je crois très sincèrement que ce texte permet de garantir la sécurité de nos policiers et de nos gendarmes. Il est l’expression d’un État sûr de ses valeurs, qui ne cède pas aux tentations de la confusion des rôles et des pouvoirs.

Laissons donc les vaines polémiques et faisons face avec lucidité à la dure réalité. Les majorités pourront changer, les menaces resteront malheureusement. Dans ce contexte, plus que jamais, notre cause, c’est l’État et c’est la République. Servons-les avec passion et conviction, parce que c’est ainsi que nous contribuons à assurer la sécurité de chacun. C’est la raison pour laquelle le groupe du RDSE votera ce projet de loi.

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