Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 23 novembre 2010 à 21h30
Loi de finances pour 2011 — Article 18

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Cet article porte concrètement les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle par l’extinction de la péréquation liée au versement aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP. Des excédents de taxe professionnelle étaient ainsi reversés, à la suite des écrêtements d’entreprises ou de certains établissements, aux communes concernées, parce qu’elles sont des lieux d’implantation ou qu’elles accueillent des personnels, et aux communes défavorisées. Or ce texte entraînera la fin du versement systématique de ces fonds à ces communes qui en ont pourtant le plus besoin. C’est 418 millions d’euros qui ne seront plus affectés comme ils le furent les années précédentes. La péréquation objective sur des critères nationaux ne sera donc plus la norme, et nous le regrettons.

Nous sommes inquiets pour l’avenir car, une fois encore, la clause de revoyure, dont nous n’avons pas encore vu la couleur, laisse dans le flou le plus complet les communes au sujet de leurs financements pour 2012.

Vous connaissez notre attachement au système de péréquation : nous souhaitons que celle-ci s’applique chaque fois que c’est possible, afin que toutes les collectivités soient en mesure de répondre aux besoins de leur population. C’est d’ailleurs le sens de la proposition que j’ai formulée tout à l’heure sur la taxation des actifs financiers.

Ce que nous craignions ne fait que se confirmer : la suppression de la taxe professionnelle va contribuer à rendre plus inégalitaire encore votre politique, qui ne l’était que déjà trop. Pour la grande majorité des habitants, le pays s’enfonce dans une crise permanente. En faisant en sorte que des mécanismes de péréquation disparaissent, en réduisant les recettes des collectivités locales, en supprimant des services publics, vous ne faites que rendre plus difficile, d’année en année, la vie de nos concitoyens.

Le tableau dressé par l’INSEE est en cela éloquent : « En 2008, 9, 5 % des personnes actives ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté alors que 15, 1 % des inactifs sont dans cette situation. Parmi les actifs, le risque de pauvreté est 4, 9 fois plus élevé pour les chômeurs que pour ceux qui sont en emploi : pour les chômeurs, le taux de pauvreté est ainsi de 35, 8%. Le risque de pauvreté est de 29, 3 % pour les inactifs non étudiants ni retraités. Toutefois, occuper un emploi ne met pas à l’abri de la pauvreté : 1, 9 million de personnes en emploi vivent en dessous du seuil de pauvreté. Par ailleurs, le taux de pauvreté des enfants est de 17, 3 % : 2, 3 millions d’enfants sont pauvres. »

Voilà le résultat de votre politique ! Elle se traduit à l’autre bout de la chaîne par un enrichissement éhonté d’une petite minorité de vos amis. Il n’y a plus d’argent dans notre pays, nous dites-vous régulièrement. Mais comment osez-vous l’affirmer, quand les 40 entreprises les plus riches, celles du CAC 40, engrangeront en 2010 un montant de profits de 84 milliards d'euros qu’elles auront pris dans les poches des salariés à qui elles refusent des augmentations de salaires, eux qui créent pourtant les richesses de notre nation et sont ceux-là mêmes que le Président de la République flattait lors de sa campagne électorale ?

Cela permet au bout du compte à ces sociétés d’avoir un matelas de quelque 146 milliards d’euros de trésorerie. Vous avez été capable de ponctionner les offices d’HLM à hauteur de 360 millions d’euros au détriment des locataires. Pourquoi ne faites-vous pas de même avec ces entreprises richissimes qui ne font que gaver des actionnaires qui ne savent que faire de leurs millions ? La crise n’a pas les mêmes conséquences pour tout le monde et vous êtes bien placé pour le savoir ! La pauvreté de masse à laquelle vous contribuez ne peut que s’expliquer par ces profits éhontés qui croissent et se développent avec votre appui politique.

En supprimant la taxe professionnelle, vous faites un cadeau somptueux aux entreprises au détriment des collectivités locales. Vous ne parlez que de « chasse aux niches fiscales », alors que vous ne faites qu’en créer de nouvelles pour tous ceux qui n’en ont pas besoin. Les exonérations diverses qui se sont accumulées au fil des ans, sur la taxe professionnelle ou sur les cotisations sociales, n’ont eu aucun effet sur la compétitivité des entreprises ou sur l’emploi.

Il n’est qu’à lire bilan de l’INSEE dont je citais un extrait il y a un instant.

Les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, nous pouvons les percevoir sur les communes, mais elles se font également jour pour notre économie ! La baisse des investissements des collectivités locales commence à plomber des PME et des artisans du BTP. En faisant sauter ce lien économique entre les entreprises et les collectivités, vous mettez en cause tout le travail qui, des décennies durant, a permis l’aménagement de notre territoire.

L’article 18 nous éclaire au moins sur un point : votre volonté d’affaiblir encore davantage les communes les plus défavorisées. La raison qui vous motive est simple et c’est celle-là même qui est à l’origine du projet de loi de réforme des collectivités territoriales : vous voulez supprimer de notre territoire des milliers de communes qui, selon vos critères, ne seraient pas suffisamment rentables.

C’est cette même procédure que vous avez su mettre en place pour faire disparaître des services publics, des entreprises publiques. C’est ce que vous vous apprêtez à faire pour démontrer que le régime de retraite par répartition n’est pas viable, en en organisant vous-même le déficit. C’est l’application du dicton populaire : « Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ».

La méthode utilisée pour la taxe professionnelle va tout à fait dans ce sens.

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