L'objectif de cette proposition de loi, les mesures qu'elle propose, et les débats qu'elles ouvrent sont pleins d'intérêt, sous réserve de quelques correctifs... Certains aspects du texte laissent penser que nous revenons sur un débat qui a eu lieu, mais les éléments mêmes du débat ont changé. Je ne doute pas qu'ensemble, nous arriverons assez aisément à un consensus.
Nous aurons à faire cohabiter deux principes a priori contradictoires : l'indépendance des magistrats, qui protège l'individualisation de la peine et répond à un vrai souci humaniste, et le fait que les magistrats rendent la justice au nom du peuple - or le citoyen demande des comptes. Coordonnons ces deux principes, faisons oeuvre de pédagogie sur les valeurs et les conséquences des réformes proposées, et défendons la vérité des faits.
Les magistrats ne sont pas laxistes : le taux de réponse pénale dépasse 90 %. De plus en plus de peines d'emprisonnement sont prononcées, et de plus en plus longues. Depuis juillet 2016, plus de 69 000 personnes sont détenues, un chiffre jamais atteint jusque-là. La population carcérale a augmenté de 3,3% en 2016, soit un rythme largement supérieur à celui de la croissance de la population française ou celui de la délinquance.
Faisons oeuvre de pédagogie envers nos concitoyens : ayons confiance dans la justice et dans nos magistrats. Le législateur a défini une échelle de peines allant de la relaxe à la perpétuité, qu'ils utilisent à bon escient.
Reconnaissons aux magistrats un fort discernement : la contrainte pénale est un échec. Depuis 2014, 2 000 mesures de contrainte pénale ont été ordonnées, et 1 300 sont en cours. Alors que 80 000 sursis avec mise à l'épreuve - système très semblable à la contrainte pénale - ont été prononcés chaque année, et que 133 000 sont en cours. Lorsqu'une mesure est trop complexe, inappropriée ou dangereuse, les magistrats ne l'appliquent pas.
Cette proposition de loi a l'immense mérite, directement ou par effet miroir, de préparer deux débats très importants, au premier rang desquels la suppression de toutes les mesures d'aménagement de peine au profit d'un régime unique de liberté conditionnelle dont les modalités de mise en oeuvre seraient définies par la loi. Selon un président de cour d'assises que j'ai entendu, la question majeure que se posent les jurés avant le verdict est désormais « quelle peine va-t-il réellement faire ? ». Un condamné à vingt ans de prison peut, avec les réductions automatiques de peine, la liberté conditionnelle, ou un autre aménagement de peine, n'avoir que sept ans de peine effective : c'est mortifère dans l'opinion publique...