Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 janvier 2017 à 9h35
Proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Nous devons ouvrir le débat sur ce point important du code de procédure pénale.

Le deuxième débat concerne le prononcé d'un mandat de dépôt dès le jugement. Ainsi, une personne condamnée à de la prison ferme pour un accident mortel de la circulation avec alcoolémie, sans mandat de dépôt, peut sortir de la salle d'audience par la même salle des pas perdus que les parents qui ont perdu leur enfant, car la peine ne s'exécutera que quelques mois, voire un an après... C'est incompréhensible pour nos concitoyens, comprenons leur réaction !

Sur le fond, ce texte comporte une série de mesures articulées sur plusieurs axes. D'abord, plusieurs dispositions tendent à renforcer le contenu de la réponse pénale, avec le rétablissement des peines planchers, les restrictions des possibilités de confusion de peine, la systématisation du relevé de l'état de récidive légale, la suppression de la contrainte pénale. D'autres mesures visent à restaurer l'efficacité de l'exécution des peines : l'abaissement du seuil d'aménagement des peines, la suppression de la libération sous contrainte, la suppression des crédits automatiques de réduction de peine. Comme le précise l'exposé des motifs, l'effet dissuasif de la peine tient plus à la certitude de son exécution qu'à sa sévérité.

La proposition de loi comprend également plusieurs mesures de simplification procédurale, concernant les lectures de décision de renvoi devant la cour d'assises, la possibilité pour les enquêteurs d'avoir un support papier lors de leurs auditions... Plusieurs mesures spécifiques, enfin, tendent au renforcement de la lutte contre le terrorisme et à l'amélioration de la protection des mineurs.

Trois axes orientent mon rapport. Tout d'abord, la nécessité impérieuse de respecter la cohérence de notre droit, et surtout les principes fondamentaux de notre Constitution et, dans une moindre mesure, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'article 66 de notre Constitution garantit que la détention d'une personne ne peut avoir lieu que dans le respect des droits de la défense ; le principe constitutionnel d'individualisation des peines est la garantie d'une réponse pénale adaptée et humaniste. L'automatisation des procédures a une certaine efficacité ; elle permet une réactivité de la justice pénale mais ne peut exclure toute marge d'interprétation du juge. Tel sera le sens de plusieurs de mes amendements. Enfin, le respect du principe constitutionnel d'opportunité des poursuites justifie quelques ajustements.

Deuxième axe, nous devons répondre aux attentes de nos concitoyens. Comme j'en ai l'habitude, j'ai ouvert un espace participatif sur le site internet du Sénat, où j'ai récolté plusieurs dizaines de contributions, de la part de professionnels et d'autres citoyens. Elles témoignent d'un grand attachement aux principes du système pénal français, notamment à l'individualisation des peines, et reflètent la nécessité de restaurer la lisibilité et la crédibilité de notre système pénal, érodées ces dernières années. Comment justifier une exécution des peines plusieurs mois, voire un an après leur prononcé ? Plusieurs mesures de la proposition de loi y répondent : la restauration des peines planchers, la réduction des seuils d'aménagement des peines, la suppression des crédits automatiques de réduction de peine, le renforcement de la réponse pénale à l'égard des récidivistes.

Ce texte comporte des avancées importantes mais soulève la question des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Le renforcement de l'efficacité de la justice pénale ne pourra se faire sans une revalorisation de ses moyens et une augmentation du nombre de magistrats. Elle nécessitera aussi un élargissement du parc pénitentiaire, et je regrette l'abandon en cours de quinquennat du programme de construction lancé par notre collègue Michel Mercier. Si nous proposons des mesures conduisant de fait à davantage d'incarcérations, il faut en avoir les moyens. Les dernières statistiques, plus qu'inquiétantes, font état d'un taux d'occupation pénitentiaire de plus de 180 % dans certains établissements de la région parisienne. N'oublions pas ce volet financier.

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