Intervention de Harlem Désir

Réunion du 26 janvier 2017 à 10h45
Accord avec l'italie : nouvelle ligne ferroviaire lyon-turin — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec le projet de loi qui est soumis à votre approbation la liaison ferroviaire Lyon-Turin va franchir une étape décisive vers sa réalisation. Il a en effet pour objet d’autoriser l’approbation de l’accord du 24 février 2015 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Cet accord intergouvernemental marque la dernière étape de ce grand projet franco-italien et européen, né il y a déjà plus de vingt-cinq ans. Il fait suite à deux précédents accords intergouvernementaux : l’accord intergouvernemental pour la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire permettant la création d’un promoteur public, signé en 2001 ; l’accord intergouvernemental pour définir les modalités de gestion du projet et instituer un nouveau promoteur public chargé de la conception, de la réalisation, puis de l’exploitation de la section transfrontalière, signé en 2012.

Le présent accord, signé le 24 février 2015, vient compléter les deux précédents et comprend trois volets : il permet le lancement des travaux définitifs de la section transfrontalière ; son protocole additionnel valide le coût du projet certifié et en précise les modalités de financement ; le règlement des contrats met en place des dispositions de lutte contre la criminalité organisée, afin de vérifier les règles de passation de marché et les entreprises éligibles.

Les enjeux de la création du tunnel Lyon-Turin sont majeurs.

Sur un plan économique, d’abord, cet accord répond à un objectif de rééquilibrage des flux.

Il y a aujourd’hui un risque que le trafic de marchandises en provenance du Benelux et du Royaume-Uni à destination de l’Italie se déplace progressivement vers la Suisse et l’Autriche, qui se dotent d’infrastructures modernes répondant aux standards ferroviaires de demain : le tunnel du Gothard, le plus long tunnel ferroviaire du monde, inauguré en juin 2016, et celui du Brenner, en construction. Le lancement des travaux définitifs de la section transfrontalière de la ligne ferroviaire Lyon-Turin va permettre d’asseoir la position de la France au cœur des échanges économiques européens.

Le tunnel transfrontalier renforcera la compétitivité de nos entreprises et bénéficiera à nos relations économiques avec l’Italie, qui est notre deuxième partenaire commercial, mais aussi à nos relations économiques avec le reste de l’Europe.

Il s’agit d’ailleurs non pas seulement de relier Lyon et Turin, ni même Paris et Milan, mais aussi de rapprocher les grandes zones économiques des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Piémont et Lombardie, qui représentent 3, 2 % du produit intérieur brut de l’Union européenne.

Par ailleurs, les retombées économiques de la création du tunnel seront importantes grâce à une démarche de « grand chantier » qui stimulera l’emploi et la croissance de la région.

L’exploitation, l’entretien et le renouvellement de la nouvelle ligne ferroviaire, le renforcement de l’attractivité des territoires sont autant d’atouts pour la création d’emplois.

La liaison Lyon-Turin est aussi la réalisation d’une grande infrastructure européenne, pleinement inscrite dans le corridor transeuropéen méditerranéen reliant la péninsule ibérique à la Slovénie et la Hongrie, qui fera de la France un centre de gravité de l’Europe, à un moment où le trafic entre l’Espagne et l’Italie augmente.

C’est un enjeu majeur, également, sur le plan de l’environnement.

Chaque année, ce sont en effet plus de 2, 7 millions de poids lourds qui traversent nos vallées alpines et notre littoral. Ces véhicules empruntent des routes où le trafic de transit pose de graves problèmes, qu’il s’agisse de zones urbanisées et congestionnées – je pense notamment à l’autoroute A8 autour de Nice –, ou encore de zones très sensibles du point de vue environnemental.

Les vallées de l’Arve et de la Maurienne sont particulièrement affectées par la pollution, comme nous l’avons vu ces dernières semaines encore. Nous devons donc absolument favoriser le passage du transport de marchandises de la route vers le rail en facilitant le report modal.

Le transport routier est dominant, mais cela ne peut pas durer. La majorité du trafic de marchandises qui emprunte les tunnels routiers des Alpes franco-italiennes parcourt des trajets de plus de 500 kilomètres et entre ainsi pleinement dans le domaine de pertinence du mode ferroviaire. Nous croyons à l’avenir du transport ferroviaire, en particulier pour le fret.

Lors de la signature de la convention alpine en 1991, mais aussi plus récemment lors de la COP21, nous nous sommes engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre le réchauffement climatique. Le tunnel Lyon-Turin est un élément important pour le respect de ces engagements, car il permettra au ferroviaire d’assurer plus de 40 % des échanges de marchandises dans la zone, à l’horizon 2035, contre 8, 8 % en 2015, soit un report estimé à 700 000 poids lourds vers le rail.

En ce qui concerne le transport de personnes, la création du tunnel Lyon-Turin améliorera la compétitivité du train par rapport à l’avion en termes de facilité d’accès et de rapidité.

Le report modal permet également de renforcer la sécurité des transports dans cette zone transalpine.

Nous avons en mémoire les incendies mortels qui ont eu lieu dans les tunnels routiers des Alpes franco-italiennes en 1999 et 2005, et l’éboulement rocheux sur l’autoroute A8 en 2006.

Les infrastructures ferroviaires existantes, notamment celle du Montcenis, qui date de 1871, ne peuvent pas offrir des services performants répondant aux besoins actuels du trafic. Une modernisation de ces infrastructures est donc indispensable au regard des flux de marchandises et d’usagers dans ce secteur.

Qu’en est-il de la question du coût et du financement de ce projet ?

Le protocole additionnel de l’accord soumis à votre approbation valide le coût certifié global du projet à 8, 3 milliards d’euros en valeur 2012.

Signe de son importance pour l’Europe, le projet bénéficie d’une subvention de 813, 8 millions d’euros de l’Union européenne, au titre du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, pour la période 2014-2019.

Cette enveloppe, octroyée pour la section transfrontalière, correspond aux taux maximaux possibles de cofinancement par l’Union européenne. Il reste ainsi pour la section transfrontalière 35 % à la charge de l’Italie et 25 % à la charge de la France. Avec le maintien par l’Union européenne de sa participation à hauteur de 40 % au-delà de 2019, la contribution de la France s’élèvera à 2, 21 milliards d’euros valeur 2012, soit 2, 48 milliards d’euros courants.

Ce financement ne pèsera pas exclusivement sur le budget de l’État ; on aura également recours aux crédits du Fonds de développement d’une politique intermodale des transports dans le massif alpin, le FDPITMA.

La part française des premiers travaux à la réalisation du tunnel de base sera financée en 2017 via l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

C’est tout à fait essentiel, et nous ne pouvions pas laisser passer ces financements européens.

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