Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 26 janvier 2017 à 10h45
Accord avec l'italie : nouvelle ligne ferroviaire lyon-turin — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo, rapporteur :

… et de l’instauration d’un surpéage pour la circulation des poids lourds sur certains tronçons autoroutiers, au titre de la directive Eurovignette de 1999, sachant que ce financement français n’est pas sécurisé sur le long terme ?

L’accord contient également un règlement destiné à lutter contre les infiltrations mafieuses dans les contrats conclus par le promoteur public TELT, qui reprend la législation italienne en la matière.

Je rappelle que, si le droit italien permet d’inscrire une entreprise sur une liste blanche ou noire, le droit français ne le permet qu’à la condition que la société concernée ait déjà été condamnée. Il y a là une difficulté juridique, que l’État a résolue avec le droit européen ; j’espère que cela ne donnera pas lieu à des questions prioritaires de constitutionnalité, mais le travail a bien été fait.

C’est la première fois qu’un tel dispositif antimafia s’appliquera sur le plan transnational à un grand chantier européen de travaux publics. Sans entrer dans le détail, une structure binationale, composée du préfet de Turin et du préfet désigné par la France – celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes, m’a-t-on dit –, sera chargée de vérifier les motifs d’exclusion des contrats passés par TELT.

Le préfet français effectuera ces contrôles sur les entreprises françaises sans disposer de moyens propres dédiés. Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais savoir comment il pourra véritablement remplir la mission qui lui sera confiée.

J’ai d’ailleurs adressé un courrier au ministère de l’intérieur à ce sujet. Par exemple, TRACFIN ne peut pas informer le préfet de délits potentiels ; il lui faudra passer par les structures lourdes du ministère de l’intérieur.

Tant qu’il ne connaîtra pas le contenu exact de sa mission, le préfet sera placé dans une situation difficile. Il est donc nécessaire que le Gouvernement nous réponde sur ce point.

Enfin, récapitulons les enjeux de cette section ferroviaire transfrontalière, qui sont bien connus de tous.

Tout d’abord, je veux évoquer le report modal du fret et des voyageurs de la route vers le rail et la sécurisation des transports. Actuellement, les flux routiers représentent 90 % des échanges de fret entre la France et l’Italie, et 2, 5 millions de poids lourds traversent chaque année le massif alpin. La part modale du fer n’a cessé de diminuer.

Je rappelle que, globalement, le fret ferroviaire est passé de 55 milliards de tonnes-kilomètre au début des années 2000 à un peu moins de 30 milliards aujourd’hui. C’est dire qu’il est indispensable que la France, dont c’est le point faible, adopte une véritable politique globale en faveur du fret ferroviaire ! Si l’on veut que les trains de la liaison Lyon-Turin, qui engage de lourds moyens, soient remplis de camions, il faut que le Gouvernement, comme ceux qui lui succéderont, s’implique vraiment dans une politique de report modal des transports. Si cette politique n’est pas menée, le tunnel sera vide ! Si elle l’est, on pourra alors espérer le report d’environ un million de poids lourds de la route vers le rail, ainsi que, compte tenu de la réduction des temps de trajet, d’un million de voyageurs en provenance de l’aérien.

Citons ensuite la protection de l’environnement et des Alpes. Notre collègue Loïc Hervé, lors d’une séance de questions d’actualité en décembre dernier, avait évoqué l’importante pollution des zones concernées. La France s’est engagée en signant la convention alpine de 1991. Le train, quatre à cinq fois moins polluant qu’un transport routier, permettra la réduction des émissions de polluants, alors que la fréquence et la durée des pics de pollution sont en augmentation dans les Alpes.

Enfin, la section transfrontalière est un élément clé du corridor transeuropéen méditerranéen, qui assurera la liaison ferroviaire entre la péninsule ibérique, l’arc méditerranéen, le nord de l’Italie, la Slovénie et la Hongrie. On réfléchit même à une sorte d’Eurotunnel sous le détroit de Gibraltar pour aller vers l’Afrique.

M. le secrétaire d’État l’a dit, le futur tunnel entre la France et l’Italie sera le seul tunnel ferroviaire orienté est-ouest. Il devrait permettre à terme un rééquilibrage géostratégique des flux économiques, en favorisant les échanges entre la France et l’Italie – notre deuxième partenaire en termes d’échanges commerciaux –, et notamment entre le Grand Paris et le Grand Milan.

Les aménagements suisses avec les tunnels ferroviaires du Lötschberg et du Saint-Gothard ainsi que le tunnel autrichien du Brenner ont déjà fait basculer hors de France le trafic provenant du Benelux et du Royaume-Uni et à destination de l’Italie. Il nous faut, à tout prix, éviter une « marginalisation » de la France, notamment à l’ouest, c’est-à-dire l’axe atlantique, ce qui risquerait d’arriver si la liaison Lyon-Turin n’était pas réalisée. Je ne reprendrai pas le terme de « finistérisation », pour ne pas gêner mes amis bretons, mais il est parlant…

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite donc à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

Pour conclure, je veux insister sur la nécessité de construire les aménagements nécessaires autour de la liaison Lyon-Turin – je pense notamment aux voies d’accès. Je lance cet appel au Gouvernement et à la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui devront faire des efforts en ce sens. J’espère, pour nos enfants et pour l’Europe, que ce projet verra le jour. Je vous remercie de votre soutien et de votre vote !

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