Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 26 janvier 2017 à 10h45
Accord avec l'italie : nouvelle ligne ferroviaire lyon-turin — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Si le désengorgement des axes routiers était bien l’objectif environnemental de ce projet en 1991, les prévisions qui ont présidé à son lancement se sont révélées être très largement surévaluées.

Alors qu’il était initialement prévu 19 millions de passagers après la mise en service de cette ligne, Réseau ferré de France n’en prévoyait plus que 4, 05 millions en 2012. La trajectoire est la même pour le fret dans les Alpes du Nord : alors qu’il était prévu une explosion des échanges, le transport de marchandises, du fait de la désindustrialisation, est passé de 35 millions de tonnes entre 1994 et 1998 à 22 millions de tonnes aujourd’hui.

Au regard de la nouvelle donne du trafic, si ce projet avait un sens au début des années quatre-vingt-dix, c’est bien son utilité aujourd’hui, en 2017 et dans les années à venir, que nous contestons, d’autant que l’on sait que la voie ferroviaire existante est utilisée à moins de 20 % de sa capacité. Alors que de nombreuses lignes sont encore en voie unique, le doublement des voies et leur sécurisation pourraient permettre d’absorber une grande partie du trafic routier dans la région au travers d’une hausse de la fréquence.

Il existe donc des solutions alternatives valables pour lutter contre la pollution et les conséquences du trafic routier sur l’environnement, et ce à moindre coût. C’est en effet justement l’explosion des coûts du projet qui nous interpelle, nous, mais pas seulement.

En 2012, la Direction du trésor a évalué le projet global à 26, 1 milliards d’euros, contre 2, 1 milliards d’euros initialement prévus. Pour la seule section transfrontalière, le coût est quant à lui estimé à 8, 3 milliards d’euros, contre 4, 5 milliards d’euros initialement.

Selon la Cour des comptes, le financement du projet n’était toujours pas précisé en 2016, condition pourtant exigée par l’accord franco-italien du 30 janvier 2012 pour le lancement des travaux.

Pis encore, dès 1998, le Conseil général des ponts et chaussées mettait en garde contre la faible rentabilité socio-économique de ce projet et l’absence de financement.

Devant des prévisions erronées et un coût qui explose, il apparaît nécessaire, conformément à l’avis du groupe de travail sur le financement des infrastructures de transport de la commission des finances, que le Commissariat général à l’investissement mène une contre-expertise indépendante de l’évaluation socio-économique pour des projets supérieurs à 100 millions d’euros et donc pour la liaison Lyon-Turin.

Dans un contexte de raréfaction de l’argent public, l’État français, les collectivités territoriales et le contribuable sont-ils en mesure de supporter une telle charge ? N’est-ce pas l’ensemble du réseau ferré français qui nécessite aujourd’hui un investissement massif ? Le président de la SNCF a lui-même reconnu que le projet Lyon-Turin serait « autant d’argent en moins pour moderniser le réseau ferroviaire existant ».

Il ne s’agit pas de s’opposer systématiquement aux grands travaux, mais de poser la question des choix que nous opérons en matière d’aménagement du territoire. Quels arbitrages ? Pour quelles priorités ? Et pour quelle utilité ?

Le groupe écologiste dans sa quasi-majorité votera contre cet accord.

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