Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 26 janvier 2017 à 15h00
Ratification d'ordonnances relatives à la corse — Rejet en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Jean-Michel Baylet, ministre :

Certes, mais d’autres qui rêvent de voir cet édifice s’effondrer sont aussi là !

Je tiens à rappeler que, sur ces mêmes travées, le 29 mai 2015, votre assemblée avait approuvé la création de la collectivité unique de Corse.

L’expression des orateurs de l’ensemble des groupes avait été ce jour-là, comme devant la collectivité de Corse, consensuelle – je pense, par exemple, à M. Hyest pour le groupe Les Républicains ou à M. Favier pour le groupe CRC –, attestant le bien-fondé de la démarche engagée par le Gouvernement consécutivement à la volonté de création de la collectivité unique émanant des élus corses.

Pour connaître la cohérence du Sénat et son esprit de suite, sans parler de sa sagesse légendaire, j’imagine qu’il nous apportera un soutien tout aussi large alors que nous sommes sur le point de finaliser.

J’ajoute que j’ai respecté la promesse du Gouvernement qui, souhaitant parvenir à un accord en commission mixte paritaire sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, avait remis à plus tard la discussion et, le cas échéant, l’intégration d’amendements déposés tant par les sénateurs que par les députés.

J’ai donc travaillé tout au long de l’année 2016 avec l’ensemble des élus corses, afin de coconstruire avec eux ces ordonnances. Je les ai rencontrés tous, à plusieurs reprises. À leur demande, j’ai jugé opportun de reprendre la quasi-totalité des amendements qui avaient été présentés, parce qu’ils me semblaient légitimes et propres à améliorer le fonctionnement de la future collectivité.

Remarquez que j’ai pris cette décision au risque d’outrepasser quelque peu le strict cadre de l’habilitation. La chose n’a évidemment échappé ni au Conseil d’État ni au rapporteur Portelli, qui n’a pas pour autant conclu à la remise en cause de la ratification des ordonnances.

Par l’article 30 de la loi NOTRe, le Gouvernement a reçu du Parlement une habilitation large, lui permettant, en résumé, de préciser l’ensemble des conséquences électorales, juridiques et financières de la création de la collectivité de Corse. Cette habilitation étendue a donné lieu à la rédaction des trois ordonnances, publiées au Journal officiel le 22 décembre dernier, dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre assemblée.

Je dirai quelques mots sur chacune des trois ordonnances.

L’ordonnance institutionnelle organise la substitution de la collectivité unique aux actuels départements et à la collectivité territoriale de Corse, avec, pour conséquence, de rassembler leurs compétences au sein de la nouvelle collectivité : celle-ci exercera de plein droit les compétences de droit commun des départements et des régions et reprendra aussi celles de la collectivité territoriale de Corse.

La nouvelle collectivité sera redimensionnée, afin de tenir compte de l’élargissement de son champ d’action, par l’ajout de douze sièges supplémentaires au sein de l’Assemblée de Corse.

Par ailleurs, une chambre des territoires sera créée, en vue de mieux coordonner l’exercice des actions respectives des différentes collectivités territoriales et des intercommunalités en matière d’action publique et de solidarité financière.

Enfin, l’ordonnance comporte des dispositions transitoires importantes, notamment en matière de garanties de maintien des conditions de statut et d’emploi des personnels.

Telles sont les principales dispositions de l’ordonnance institutionnelle.

L’ordonnance financière suit la même logique : les financements des trois collectivités actuelles seront adaptés en un financement unique au profit de la nouvelle.

La substitution s’opérera à droit constant pour l’ensemble des biens, droits et obligations des collectivités territoriales appelées à fusionner.

Telles sont les principales dispositions de l’ordonnance financière.

Quant à l’ordonnance électorale, elle prévoit les modifications qu’il est nécessaire d’apporter, le cas échéant, à chaque scrutin, eu égard à la création de la collectivité unique.

La création de la collectivité de Corse n’entraînera aucune conséquence pour l’élection des députés. Pour celle des sénateurs, le mode de scrutin restera strictement inchangé, l’élection continuant de se tenir au sein de deux collèges électoraux, l’un pour la Haute-Corse, l’autre pour la Corse-du-Sud.

En ce qui concerne l’Assemblée de Corse appelée à siéger à compter du 1er janvier 2018, elle sera élue en décembre 2017. Exception faite de l’augmentation de cinquante et un à soixante-trois du nombre de conseillers de l’Assemblée et de celle, strictement proportionnelle, de la prime majoritaire, qui passera mécaniquement de neuf à onze sièges, le régime électoral restera le même qu’aujourd’hui.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des trois ordonnances, dont la ratification parlementaire, à laquelle je vous demande, comme vos deux rapporteurs, de bien vouloir procéder, garantira la mise en œuvre de la collectivité unique dans de bonnes conditions juridiques.

L’article 1er du projet de loi ratifie l’ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières et comptables applicables à la collectivité de Corse.

L’article 2 ratifie l’ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse.

L’article 3 ratifie l’ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

Je me félicite par ailleurs de l’adoption en commission des dispositions ajoutées aux ordonnances institutionnelle et financière par vos rapporteurs, dont je salue à nouveau la qualité du travail. Après la relecture attentive du Conseil d’État, ces ajouts améliorent encore la rédaction des ordonnances.

Je souhaite aborder aussi devant vous le sort du seul amendement déposé sur ce projet de loi de ratification. Présenté par le sénateur Castelli et les autres membres du groupe du RDSE, cet amendement a, hélas, été déclaré irrecevable par la commission des lois, laquelle a invoqué, commodément, l’article 45 de la Constitution.

Je ne vous cacherai pas que je m’interroge vraiment sur un tel rejet. Ou plutôt, j’ai peur d’en comprendre la raison, qui me semble mettre à mal l’intérêt collectif des Corses, sacrifié à quelques petites aventures politiciennes…

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