Intervention de Jean-Michel Baylet

Réunion du 26 janvier 2017 à 15h00
Ratification d'ordonnances relatives à la corse — Rejet en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Jean-Michel Baylet, ministre :

Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte qui justifiait le bien-fondé de cet amendement.

Depuis le 10 juin 1801, la Corse est dans une situation particulière au regard du droit de propriété. En effet, celui-ci ne peut s’y exercer pleinement comme sur le reste du territoire national à cause d’une absence massive de titres de propriété.

L’administrateur Miot, nommé par Napoléon, n’a pas, à la demande de l’Empereur lui-même, exonéré les citoyens corses du paiement de l’impôt, mais il a supprimé les sanctions applicables en cas de défaut de déclaration. Il en est résulté une absence de titres de propriété, notamment en zone rurale et montagneuse, qui a engendré l’incroyable désordre foncier actuel.

Depuis plusieurs années, les multiples groupes de travail qui se sont penchés sur le sujet constatent l’ampleur du problème et la nécessité de le résoudre progressivement au bénéfice des citoyens et de la collectivité. De fait, le foncier est souvent très dégradé en Corse, puisque de nombreux biens ne sont pas délimités, ou le sont mal, et appartiennent à ceux que les notaires appellent des « propriétaires apparents », nés avant 1910, c’est-à-dire, en réalité, à des centaines d’héritiers potentiels non connus.

Le retour au droit commun, dont personne ne conteste la légitimité, a été établi en 2002 selon un calendrier progressif, qui s’achèvera au 31 décembre 2017. Il repose essentiellement sur les travaux du groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, le GIRTEC, qui, compte tenu de la difficulté de la tâche, n’a pu commencer réellement sa mission qu’en 2009. Actuellement, environ 34 % des parcelles du territoire corse, soit plus de 350 000 parcelles, sont toujours en indivision, car le GIRTEC est loin d’avoir achevé son difficile travail.

Le travail de recherche des propriétaires et de titrement des parcelles est, vous l’imaginez, colossal. Il est matériellement impossible de l’achever avant une dizaine d’années. Cette réalité a conduit les députés de Rocca Serra, Pupponi, Gandolfi-Scheit, Giacobbi et Marcangeli à présenter une proposition de loi destinée à résorber le désordre foncier. Ce texte a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale.

L’amendement du sénateur Castelli reprenait opportunément cette proposition de loi, l’améliorant de surcroît pour ce qui concerne le droit de propriété acquisitive, c’est-à-dire l’usucapion. Je remercie M. Castelli d’avoir voulu tirer la conséquence – il avait raison ! – de l’absence d’inscription de ce texte à l’ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée, afin que les dispositions puissent y être examinées avant la fin de la session parlementaire. Dès lors que cet examen n’est plus possible, la commission des lois ayant déclaré l’amendement irrecevable, j’estime – et je ne suis pas le seul ! – que cette décision a de graves conséquences, pour les raisons que je viens d’expliquer.

Dans ces conditions, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités.

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