Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 26 janvier 2017 à 15h00
Ratification d'ordonnances relatives à la corse — Rejet en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le projet de loi soumis aujourd'hui à notre examen ratifie les trois ordonnances relatives à la Corse prises en vertu de l’habilitation prévue dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

En 2015, lors des débats sur ce texte, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à introduire dans le dispositif relatif à toute une série de collectivités territoriales, de différents niveaux, un dispositif spécifique à la Corse, lequel s’inscrit dans un long processus, commencé en 1982. Permettez que je retrace ce processus, pour souligner que la réforme prévue, loin d’arriver par hasard, est un continuum institutionnel, qui arrivera, peut-être, à son terme aujourd'hui.

Après avoir brièvement compté deux départements – pendant moins d’une dizaine d’années –, la Corse a formé un département unique de 1811 à 1975, de l’Empire à la Ve République. Avec la création de la région Corse, le législateur a estimé, pour des raisons tenant aux équilibres internes à l’île, qu’il convenait non seulement de maintenir le niveau départemental, mais, en outre, de recréer deux départements, chacun ayant son chef-lieu. Ce système perdure encore aujourd’hui.

Toutefois, depuis qu’elle est devenue collectivité territoriale en 1982, la région Corse, devenue en 1991 collectivité territoriale de Corse, présente des particularités. Elle a bénéficié, dès l’origine, d’un régime quasi dérogatoire, caractérisé par le transfert de compétences des départements vers la région, puis la collectivité territoriale de Corse, sans parler des transferts de compétences de l’État dans la même direction. C’est ainsi que, de 1982 à aujourd’hui, des compétences ont régulièrement été transférées, avec les moyens administratifs et financiers correspondants, des départements vers la région.

La réforme envisagée n’a donc rien de soudain ; elle participe d’un processus continu, dont elle marque la dernière étape, laquelle a une préhistoire. En effet, en 2003, un projet de loi présenté par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, et instituant une collectivité unique de Corse par la suppression des départements a fait l’objet d’une consultation locale au cours de laquelle le « non » l’a emporté de 2 000 voix. Ce texte, nous le retrouvons en grande partie aujourd’hui, sous la forme d’un dispositif qui a fait l’objet d’une résolution de l’Assemblée de Corse en 2013, avant d’être intégré dans la loi NOTRe.

Votre commission des lois a examiné le projet de loi de ratification et les trois ordonnances. Elle a constaté que l’ensemble est en tout point conforme à l’habilitation prévue par la loi NOTRe. Elle n’a pas fait d’autre constat, ni sur le plan institutionnel ni sur le plan administratif. Pour ce qui est des aspects financiers, leur examen a été délégué à la commission des finances.

Le système qui a été conçu consiste à créer une collectivité unique, avec des institutions uniques. Si le niveau départemental disparaît, l’ossature même de la collectivité de Corse ne changera pas. Le dispositif institutionnel mis en place en 1991, de type quasiment parlementaire, sera conservé, de même que le système de représentation et l’organisation de l’Assemblée de Corse comme du conseil exécutif de Corse. Tout cela sera maintenu quasiment à l’identique.

Sur le plan des compétences et de l’administration, les ordonnances procèdent par addition : elles regroupent les compétences et prévoient la constitution progressive d’une administration unique, moyennant certaines exceptions nécessaires, comme les services départementaux d’incendie et de secours, qui conserveront une organisation départementale destinée à tenir compte des spécificités territoriales.

En somme, rien d’original n’est prévu par rapport au texte adopté par le Sénat en 2015. Ayant constaté l’identité entre le contenu de la loi d’habilitation et les dispositions des ordonnances, la commission des lois s’est prononcée en faveur de la ratification. Elle l’a fait d’autant plus volontiers que ce projet de loi, je le répète, s’inscrit dans un continuum institutionnel, lequel n’a jamais connu de retour en arrière depuis maintenant trente-quatre ans.

En ce qui concerne l’amendement déposé par M. Mézard, il faut bien se rendre compte, monsieur le ministre, que celui-ci présente deux difficultés.

D’abord, les dispositions fiscales qu’il comporte ont déjà été censurées à deux reprises en moins de deux ans par le Conseil constitutionnel. Même si je suis moins bien placé pour en parler que M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, je puis vous assurer, pour connaître un peu le droit constitutionnel, que le même dispositif se heurtera à la même censure.

Ensuite, même avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de considérer que le dispositif proposé a un lien direct ou indirect avec les ordonnances soumises à ratification. La commission des lois n’a pas à juger du bien-fondé de l’amendement : elle est au demeurant d’autant plus favorable au dispositif qu’elle a demandé l’inscription de la proposition de loi correspondante à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée dans les meilleurs délais. Simplement, si l’existence d’un lien direct ou indirect avec les ordonnances relatives au statut, aux finances et à l’administration de la collectivité de Corse peut à la rigueur se plaider au sein d’une assemblée parlementaire, je mets au défi quiconque de prouver qu’on peut le faire devant le Conseil constitutionnel !

De notre point de vue, ce n’est pas un vrai sujet dans la mesure où ce dispositif sera examiné ultérieurement.

Pour l’heure, mieux vaut s’en tenir à la ratification des ordonnances, d’autant plus que, comme M. le ministre l’a souligné, nous sommes en fin de session, et qu’il importe de procéder à la ratification dans les meilleurs délais. Nous n’aurions pas le temps de nous engager dans une navette.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois est favorable à ce projet de loi.

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