Intervention de Jean-Claude Luche

Réunion du 26 janvier 2017 à 15h00
Ratification d'ordonnances relatives à la corse — Rejet en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Claude LucheJean-Claude Luche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, tous, dans cet hémicycle, nous sommes attachés à notre mission de représentation des territoires. À cet égard, nos expériences respectives d’élus locaux nous ont généralement appris que, çà et là, les spécificités territoriales pouvaient justifier des spécificités institutionnelles locales.

Reste que le sujet est longtemps resté tabou. En effet, le principe d’égalité, inscrit au fronton de nos mairies, se confondait avec une uniformité qui s’est révélée incompatible avec la poursuite d’une saine administration territoriale.

L’un des grands mérites de la loi NOTRe est qu’elle a au moins brisé ce tabou. Je rends hommage à notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui, dès janvier 2014, a consacré un rapport à ce sujet.

Le présent projet de loi porte sur l’application d’un point à la fois spécifique et délicat de la loi NOTRe : l’instauration d’une collectivité unique en Corse.

Le principe de la collectivité unique n’est pas neuf. C’est là l’une des principales mesures de simplification bienvenues que nous devons à la révision constitutionnelle de 2003. Cet outil est particulièrement adapté pour faire vivre les spécificités territoriales dans des collectivités ad hoc. La collectivité unique a ainsi été éprouvée en Guyane et en Martinique dès 2011.

En dépit de l’échec du projet d’instauration d’une collectivité alsacienne unique en 2013, je reste convaincu que c’est la formule institutionnelle la plus adaptée à certains territoires, notamment au fait insulaire. En effet, une collectivité unique présente, dans une île, des avantages indéniables en termes de simplification administrative.

En l’espèce, il s’agit de substituer une collectivité unique à l’Assemblée de Corse et aux deux départements. À l’heure des grandes intercommunalités et du redécoupage régional, il semble pertinent de s’orienter dans cette voie.

Néanmoins, monsieur le ministre, je reste quelque peu sceptique, à l’instar de la majorité des membres du groupe UDI-UC, quant à la méthode retenue.

En effet, la création d’une collectivité unique n’est pas un acte anodin dans la vie démocratique d’un territoire. Nos concitoyens sont attachés à leurs institutions locales, notamment aux départements. Si je comprends l’intérêt pratique que revêt le passage par ordonnances, combien d’inconvénients politiques cette démarche présente-t-elle ?

De nombreux élus corses s’offusquent qu’aucun référendum n’ait été organisé dans l’île pour acter la création de la collectivité unique.

Je me doute bien que, derrière le symbole, se cachent des jeux politiques et des combinaisons électorales assez subtiles.

Comment ne pas leur donner raison ? La Guyane et la Martinique avaient été consultées, tout comme nos concitoyens alsaciens, qui avaient d’ailleurs rejeté le projet de collectivité unique.

Dans le même temps, les nationalistes et les indépendantistes progressent dans les urnes, et l’esprit de service public s’effrite face à la pression souvent trop politicienne. Dans ces conditions, un geste électoral aurait été le bienvenu pour assurer d’emblée cette collectivité d’une légitimité politique incontestable.

Pour autant, faut-il remettre en cause la ratification de ces ordonnances ? Il y a actuellement en Corse des fonctionnaires et des agents dont les conditions quotidiennes de travail sont déterminées par l’exécution de ces textes. Ne pas les ratifier reviendrait à les laisser au rang de simples actes administratifs dans l’intermède, entretenant ainsi une insécurité juridique trop lourde de conséquences.

Au demeurant, ces ordonnances vont dans le bon sens, celui d’une administration plus performante, d’un meilleur service public et donc de l’intérêt général.

Faut-il alors sacrifier l’application de ce texte ? La véritable question est posée.

La commission des lois, par la voix de son rapporteur, le professeur Portelli, a fait le choix de la ratification de ces ordonnances. Ce choix a été confirmé par la commission des finances pour ce qui est de l’aspect financier de l’ordonnance, comme vient de le dire notre collègue Charles Guené.

Par conséquent, la Haute Assemblée ayant voté la loi NOTRe, on peut considérer qu’il est utile et souhaitable de ratifier ces ordonnances.

Nous entendons néanmoins la voix de ceux qui, ici, ne sont pas satisfaits de ces textes et les trouvent incomplets, notamment sur le plan économique et financier. D’aucuns parlent même de manœuvres électorales.

Toutefois, nous sommes liés dans cette affaire, même si nous ne pouvons pas, nous le savons, régler l’intégralité de la question corse au travers de la ratification d’une mesure d’exécution d’une disposition accessoire de la loi NOTRe.

Ce débat doit avoir lieu, mais pas dans le cadre de la discussion d’un tel véhicule législatif, sauf à remettre en cause des mois de travaux administratifs, un plan de fusion des collectivités et, donc, le cadre élémentaire de travail de nombreux agents publics.

Nous entendons ces préoccupations, mais, à notre sens, celles-ci pourront être résolues plus tard grâce à des textes plus adaptés et avec la solennité qu’un tel sujet requiert.

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