Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi de ratification de trois ordonnances relatives à la Corse, comme cela était prévu par l’article 30 de la loi NOTRe du 7 août 2015. C’est sur ce point-là que nous devons nous concentrer.
Voilà un an et demi, nous avons voté ce texte prévoyant la création d’une collectivité unique, et le Gouvernement a travaillé, en concertation, pour rédiger ces ordonnances, comme l’a rappelé M. le ministre : la question qui nous est posée aujourd’hui est de savoir si le travail réalisé est bien conforme à ce que nous avons voté en 2015.
L’article 30 précité visait à instituer une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier pour la Corse afin de remplacer la collectivité territoriale de Corse et les deux départements de Corse, à savoir la Haute-Corse et la Corse-du-Sud. La nouvelle collectivité unique, appelée collectivité de Corse, doit être mise en place au 1er janvier 2018, après des élections organisées au cours du dernier trimestre 2017.
Nous sommes pris par les délais : le délai pour ratifier les ordonnances, mais également le délai qui nous contraint à aboutir à une mise en place de la collectivité au 1er janvier 2018. Il est donc impératif que nous adoptions cette loi de ratification avant la fin de la session.
En définitive, ce texte vise à achever un processus de simplification, tout en garantissant le respect des spécificités corses.
Je rappelle que cette réforme est fondée à l’origine sur une délibération de l’Assemblée de Corse, prise en décembre 2014, appelant à la création d’une collectivité unique. Elle est donc le fruit d’une concertation et d’une collaboration qui ont su dépasser les clivages partisans. Elle est ainsi largement consensuelle : 80 % des élus corses, droite et gauche confondues, l’ont approuvée. Je précise que les élus corses ont eux-mêmes souhaité qu’il n’y ait pas de consultation des électeurs corses. Peut-être ont-ils été échaudés par le référendum organisé par Nicolas Sarkozy en 2003. Quoi qu’il en soit, depuis de nombreuses années, ce débat sur la collectivité unique est sur la table : après avoir été largement discuté et débattu, un large consensus s’est dégagé en Corse. Par conséquent, nous pouvons faire confiance aux élus corses sur ce point.
Ont ainsi été promulguées les trois ordonnances nécessaires pour traiter l’ensemble des conséquences juridiques de cette fusion, qui sont nombreuses ; je n’y reviendrai pas, car elles ont déjà été rappelées. Un long travail de concertation a été mené avec les différentes collectivités.
L’une porte diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse ; l’autre concerne diverses mesures électorales ; la dernière précise les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse.
Rappelons que la spécificité de la Corse dans la République a été reconnue de longue date.
Aujourd’hui, pas moins de 179 articles du code général des collectivités territoriales sont consacrés à la collectivité territoriale de Corse, qui est reconnue comme une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution.
Cette singularité a été traduite dans plusieurs réformes statutaires – le statut Defferre de 1982, le statut Joxe de 1991 et le statut Vaillant de 2002 –, avec, à chaque fois, un double objectif : favoriser l’expression du débat politique dans le cadre d’une démocratie locale rénovée et permettre la recherche de solutions adaptées aux problèmes insulaires au travers de l’octroi de compétences étendues en matière d’identité culturelle et de développement.
Ainsi, on peut dire que la collectivité territoriale de Corse se situe à l’avant-garde de la « République décentralisée », avec des responsabilités accrues, mais aussi une organisation rationalisée et des moyens plus importants. Citons le statut fiscal particulier, auquel les Corses sont très attachés.
La fusion de ces différents échelons territoriaux s’inscrit pleinement dans le mouvement de décentralisation et de rationalisation de l’action publique qui a pour objet de rapprocher la décision des populations auxquelles elle s’adresse, tout en réalisant des économies d’échelle. L’objectif est aussi de garantir une gouvernance plus solidaire et plus cohérente à même de répondre efficacement aux attentes des habitants et aux déséquilibres des territoires. On a là l’exemple d’une collectivité unique ayant pour ambition de proposer une meilleure coordination des politiques publiques locales.
On aurait pu penser que le débat serait simple, que le Sénat voterait ce texte dans un bel élan. Tel était mon sentiment jusqu’à présent, tout le monde ayant acté le fait qu’il fallait une collectivité unique lors des débats sur la loi NOTRe, …