Intervention de Stéphane Ravier

Réunion du 26 janvier 2017 à 15h00
Ratification d'ordonnances relatives à la corse — Rejet en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Stéphane RavierStéphane Ravier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte illustre une nouvelle fois l’instabilité institutionnelle qui frappe la Corse depuis plusieurs décennies. Depuis 1982 et la loi portant statut particulier de la région de Corse, on peut compter un remaniement institutionnel tous les dix ans.

Cette instabilité est d’abord due au fait que les réformes – celle dont nous débattons aujourd’hui n’échappe pas à la règle – se font à marche forcée, au prix d’un véritable déni de démocratie, car la population corse n’est pas appelée à se prononcer sur un changement institutionnel qui conditionne pourtant durablement son avenir.

On relève cependant une exception en 2003, lorsque le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, proposa une réforme visant déjà à réunir les deux départements corses en une collectivité unique. Cette réforme fut d’ailleurs rejetée par référendum local. Cela explique sans doute que l’on soit passé du référendum à l’ordonnance, le coup de force étant devenu l’ADN politique du pouvoir, qu’il soit entre les mains des mondialistes de droite ou de gauche.

Nos compatriotes en général, et nos compatriotes corses en particulier, savent qu’il y a bien longtemps que les responsables politiques de notre pays font fi de ce que veut le peuple. Pour notre part, monsieur le ministre, nous croyons que toute modification de l’organisation territoriale doit être validée par le peuple, plutôt qu’imposée par les technocrates.

Rappelez-vous, la loi NOTRe a abordé la collectivité unique de Corse par le biais d’un amendement. C’est dire la préparation et la réflexion sur le sujet !

Je crois qu’il n’est pas inutile de vous rappeler que, en démocratie, c’est le peuple souverain qui détient le pouvoir. Alors, faisons en sorte qu’il puisse s’exprimer et demandons-lui son avis lorsque des décisions engagent son avenir, comme c’est le cas aujourd’hui, plutôt que de le museler, comme l’ont souhaité certains élus de l’île.

Sur le fond, cette réforme pose bien évidemment plusieurs problèmes.

La représentation démocratique et équilibrée des territoires essentiellement ruraux n’est plus assurée comme elle l’était par le scrutin « cantonal ». Or la spécificité de la Corse, outre son insularité, vient également de sa forte ruralité et de sa forte disparité géographique.

Autre problème : la chambre des territoires prévue au sein de la collectivité unique est une usine à gaz et un mauvais ersatz des conseils départementaux. Monsieur le rapporteur, vous soulignez vous-même son inutilité. Quand cesserons-nous de créer des instances dont on sait, dès le début, qu’elles ne serviront pas à grand-chose, à part, bien sûr, à accroître la dépense publique ?

Enfin, la concentration totale des pouvoirs dans les mains du président de l’Assemblée de Corse et du président de l’exécutif à travers cette collectivité unique est une bien mauvaise réponse au clientélisme dont on a accusé les conseils départementaux jusque-là.

Alors que faire ?

Il faut que la date du 1er janvier 2018 cesse de nous obliger. Nous devons prendre le temps de réfléchir à une organisation territoriale adéquate, définie une fois pour toutes avec l’ensemble des élus locaux. Cette organisation doit bien évidemment prendre en compte les spécificités géographiques de la Corse et ses traditions culturelles, éléments majeurs de son identité, et, surtout, le souhait de la population corse.

Ces ordonnances ne répondant pas à une réflexion de long terme sur l’organisation des pouvoirs publics en Corse, nous ne voterons pas ce texte.

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