J'attache d'autant plus d'importance aux auditions devant les commissions parlementaires, que je suis moi-même député. Quelle que soit la procédure, je retiens que le président de la République envisage de me nommer à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), sous réserve de l'avis des commissions des deux assemblées.
Au cours de ma carrière, j'ai travaillé pour deux ministres auvergnats et sénateurs : d'abord Roger Quilliot, qui a beaucoup compté pour moi, puis Michel Charasse, dont le pragmatisme, le bon sens et l'esprit républicain ont souvent été salués sur vos bancs.
C'est le 14 septembre 2012, lors de la première Conférence environnementale, que le président de la République a annoncé la création d'une agence nationale destinée à préserver notre biodiversité. Portée par plusieurs ministres, dont je fus brièvement, puis menée jusqu'à son terme par la ministre Ségolène Royal et la secrétaire d'État Barbara Pompili, l'AFB est une réponse concrète à la perte de la biodiversité. Cette réponse a été rendue possible par l'adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dans laquelle votre commission a joué un rôle déterminant.
Si la biodiversité nous rend des services indispensables et gratuits - personne ne le conteste - elle est en danger et s'érode à l'échelle de la planète. Les indicateurs de la Stratégie nationale du développement durable montrent que les items sont dans le rouge. Il faut agir de manière positive, démontrer que la biodiversité n'est pas un empêcheur de réalisation mais un pourvoyeur de solution, en même temps qu'une source d'innovation, d'activité et de bien-être.
Le décret relatif à cette maison commune qu'est l'AFB a été publié au Journal officiel le 26 décembre 2016, avec une création officielle le 1er janvier 2017. Ce nouvel établissement public est le fruit de la fusion de plusieurs établissements, l'Onema, l'AAMP, les PNF. Il se substitue aussi au groupement d'intérêt public ATEN dissous le 1er janvier 2017. Enfin, il a vocation à intégrer une partie du personnel du Museum national d'histoire naturelle et de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Dans sa configuration définitive, l'agence comptera environ 1 300 collaborateurs. De par la loi, dix parcs nationaux lui sont rattachés, ce qui signifie la mise en place de services communs dès cette année et la création de synergies fortes. L'établissement public du Marais poitevin a également sollicité son rattachement à l'agence et le conseil d'administration devra se prononcer sur cette demande.
Les principales missions que la loi a confiées à l'AFB concernent tous les milieux, terrestre, aquatique, continental et marin. Tout en reprenant les attributions des quatre organismes intégrés, l'agence se fixera comme objectifs de préserver, gérer et restaurer la biodiversité ; de développer des connaissances, des ressources, des usages et des services éco systémiques rattachés à la biodiversité ; de gérer les eaux de manière équilibrée et durable ; d'apporter un appui scientifique, technique et financier aux politiques publiques et privées, y compris le soutien aux filières des croissances verte et bleue ; et enfin de lutter contre la bio piraterie.
L'agence n'a pas vocation à agir seule. Si elle veut réussir son ancrage sur le terrain, elle devra développer une culture de la participation en impliquant tous les acteurs concernés. Elle sollicitera les collectivités territoriales en créant des agences régionales pour la biodiversité. Les autres établissements publics, les instituts de recherche et les gestionnaires d'espaces naturels, les acteurs socio-économiques, les associations et les fondations seront aussi des partenaires essentiels.
L'AFB ne part pas d'une feuille blanche, mais du savoir-faire des quatre organismes qu'elle intègre. Je salue la compétence et l'engagement des agents de ces organismes, car c'est d'eux que dépendra la réussite de l'agence.
En matière de gouvernance, le conseil d'administration délibère sur les orientations stratégiques de l'établissement, les conditions générales de son organisation et de son fonctionnement, sa politique sociale, mais aussi la création et la gestion des aires marines protégées, le budget et le règlement intérieur. Il peut déléguer une partie de ses attributions au directeur général, Christophe Aubel, dont je salue la nomination. La loi prévoit trois comités d'orientation thématiques sur les milieux marins et les littoraux, la biodiversité ultramarine, et les milieux d'eau douce. La création d'un quatrième comité sur les espaces naturels sera discutée lors de la prochaine réunion du conseil d'administration, le 23 février. Enfin, le comité national de l'eau, le comité national de la biodiversité et le Conseil national de la mer et des littoraux seront consultés sur les orientations stratégiques de l'agence.
L'organisation de l'agence sera à la fois multipolaire et territoriale. Les services centraux seront regroupés en 3 pôles géographiques, à Brest, Montpellier et Vincennes. S'y ajouteront 7 directions régionales, 3 directions interrégionales en métropole et 1 pour l'outre-mer, maillant 95 services départementaux, mais aussi 6 antennes de façade dont 3 en outre-mer, 8 parcs naturels marins dont 2 en outre-mer et 2 missions d'études pour un parc naturel marin. Les sites de Brest, Montpellier et Vincennes regroupent environ 350 personnes, 850 autres se répartissant dans les territoires.
En décembre 2016, une décision interministérielle a arrêté un budget initial de l'agence pour 2017, adossé aux hypothèses d'une reprise des résultats prévisionnels de 2016 des quatre établissements fusionnés, d'un prélèvement de 70 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'Onema au titre de la loi de finances, d'une prévision de recettes à hauteur de 200 millions d'euros et de dépenses intégrant la poursuite des actions menées par les quatre établissements ainsi que des actions nouvelles.
Le plafond d'emplois est fixé en 2017 à 1 227 ETP et le montant de la masse salariale s'établit à 81,4 millions d'euros. Cette estimation a été élaborée à partir du socle de 2016, en lien avec les dépenses de personnel des quatre établissements fusionnés. Les mesures nouvelles intègreront en 2017 la création de postes en catégorie A et B.
Telles sont les grandes lignes de ce que doit être l'Agence française pour la biodiversité. Une tâche immense et exaltante s'offre à nous. L'agence sera ce que la loi a voulu ; elle sera aussi ce que nous en ferons. Elle contribuera, après l'accord de Paris et après la loi de transition énergétique, à faire de la France un pays d'excellence environnementale. Elle installera dans le paysage des acteurs qui oeuvrent inlassablement, et parfois depuis longtemps, à la préservation et à la connaissance de la biodiversité.
Agir en 2017, ce sera restaurer un site Natura 2000 au large de Saint-Raphaël par l'enlèvement d'un récif artificiel en pneus immergés et dégradés, soutenir techniquement et financièrement l'animation du portail « 65 millions d'observateurs », déployer le programme « Atlas de la biodiversité communale » en soutenant la réalisation de 500 atlas en deux ans.
Nous devons faire de l'agence un coeur de réseau, celui d'associations déjà engagées au service de la protection de la biodiversité et qui travaillent aux côtés de l'État, des collectivités territoriales et de bien d'autres établissements publics comme l'ONCFS ou les agences de l'eau.
Au cours de ma carrière administrative puis politique, mes engagements locaux et nationaux m'ont appris à parler avec tous les acteurs de la protection de la nature, sans n'en exclure aucun. Vous avez rappelé que la loi sur la biodiversité a été approuvée en conseil des ministres alors que j'étais en fonction. C'est une grande fierté.
Cet engagement en faveur de la biodiversité est philosophique, car je suis conscient du clin d'oeil que représente l'humanité à l'échelle de l'évolution, sans rapport avec notre pouvoir de détruire aujourd'hui. Il est politique, parce que je reste convaincu que nous devons inventer un nouveau modèle de développement, plus respectueux des personnes et de la planète. Il est pragmatique, parce que je viens du Gers et que, dans cette terre d'équilibre où cohabitent défenseurs de la nature, agriculteurs, chasseurs, j'ai appris que nous avions besoin de tous dans les combats que nous avons à mener. Je m'attacherai donc à rassembler.
L'AFB a la chance de réunir des organisations dont la connaissance en matière de protection de l'eau, des milieux aquatiques, d'aires marines protégées et de parcs nationaux est précieuse et unique, notamment en matière d'ingénierie, de formation et de communication. Ce sont des missions concrètes qui s'organisent autour du principe de solidarité écologique consacré par la loi et du lien que nous devons établir en permanence entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines.
Je me sens prêt et enthousiaste à l'idée de m'engager, si vous approuvez ma candidature, dans cette formidable aventure. Et je garde à l'esprit l'objectif qu'Hubert Reeves a assigné à notre agence : « Donner à tous les milieux terrestres, aquatiques et marins, le droit d'exister et de produire les conditions d'une vie la plus joyeuse possible aux terriens que nous sommes. » Si vous m'en donnez la possibilité, je serai un président sérieux et joyeux !