Nous recevons M. Philippe Martin, candidat proposé aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité. En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, cette nomination ne peut intervenir qu'après audition par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique, elle donnera lieu à un vote à bulletin secret.
L'Assemblée nationale procèdera à la même audition, cet après-midi, à 16 h 30 : nous attendrons donc jusque-là pour dépouiller simultanément les bulletins. Il ne pourra être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs dans les deux commissions représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Monsieur Philippe Martin, nous sommes très heureux de vous accueillir. Vous avez un profil politique, ce qui n'est pas contradictoire avec les fonctions auxquelles vous candidatez. D'abord conseiller parlementaire du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, vous avez poursuivi votre carrière entre 1981 et 1998 comme chef de cabinet ministériel auprès de Roger Quilliot, Paul Quilès, Michel Charasse, puis Laurent Fabius, avant d'être nommé préfet du Gers. Vous êtes actuellement député du Gers, membre de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Vous êtes également président du conseil départemental du Gers, depuis 1998. Vous avez occupé pendant neuf mois les fonctions de ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, entre juillet 2013 et mars 2014, dans le deuxième gouvernement Ayrault. À ce titre, vous avez porté sur les fonts baptismaux le projet de loi sur la biodiversité. Vous avez largement démontré votre intérêt pour l'environnement et le développement durable que ce soit comme parlementaire ou au sein du parti socialiste. Vous avez notamment travaillé sur le gaz de schiste, sur la gestion quantitative de l'eau dans l'agriculture, et vous étiez responsable de l'environnement lors de la campagne présidentielle de 2012.
Vous avez été désigné membre du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité au titre du troisième collège, qui comprend des représentants des collectivités locales. Ce conseil d'administration où siègent deux de nos collègues, Mme Bonnefoy et M. Bignon, s'est réuni le 19 janvier dernier en présence de la ministre Mme Royal et de la secrétaire d'État en charge de la biodiversité. Je crois savoir que cette réunion n'a pas été totalement conforme aux procédures prévues, car la ministre vous y a désigné comme président, alors qu'il aurait fallu que le conseil d'administration commence par proposer votre candidature, puis que nous rendions un avis et qu'enfin le conseil des ministres se prononce. Dans son enthousiasme, la ministre a également désigné deux vice-présidents. On a dû freiner son élan, alors qu'elle s'apprêtait dans la foulée à faire examiner le budget et à traiter un certain nombre de points. Nous savons tous que la ministre de l'environnement est animée d'un volontarisme et d'un dynamisme qui l'honorent, même s'ils la conduisent parfois à s'affranchir des procédures.
Vous connaissez bien le sujet de la biodiversité pour avoir porté sur les fonts baptismaux le projet de loi qui a mis plus de deux ans à aboutir à un texte législatif, après trois lectures dans chaque assemblée. Nous souhaiterions connaître votre vision de l'agence : quelles doivent-être ses priorités ? Comment envisagez-vous d'exercer vote mission ?
La ministre a ouvert six pistes de travail : la généralisation des sciences participatives, la biodiversité marine, les pesticides, la lutte contre la pollution de l'eau, les savoirs locaux outre-mer, et le rapprochement des conventions issues du sommet de la terre de Rio en 1992 pour mieux lutter contre le réchauffement climatique. Comment comptez-vous articuler la réflexion autour de ces sujets et selon quelle hiérarchie ?
Le conseil d'administration compte 43 membres, issus du secteur économique, du milieu associatif, des territoires... Comment parviendrez-vous à faire travailler tous les acteurs ensemble ?
Dans quel périmètre souhaitez-vous circonscrire l'action de l'agence, qui a regroupé l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'Agence des aires marines protégées (AAMP), les Parcs nationaux de France (PNF), l'Atelier technique des espaces naturels (ATEN) et la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Quelles relations envisagez-vous de nouer avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et avec les agences de l'eau qui restent extérieures à ce regroupement ?
Quelle sera l'organisation territoriale de l'agence ? Et à combien estimez-vous les moyens financiers, humains et matériels nécessaires à son fonctionnement ?
J'attache d'autant plus d'importance aux auditions devant les commissions parlementaires, que je suis moi-même député. Quelle que soit la procédure, je retiens que le président de la République envisage de me nommer à la présidence du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), sous réserve de l'avis des commissions des deux assemblées.
Au cours de ma carrière, j'ai travaillé pour deux ministres auvergnats et sénateurs : d'abord Roger Quilliot, qui a beaucoup compté pour moi, puis Michel Charasse, dont le pragmatisme, le bon sens et l'esprit républicain ont souvent été salués sur vos bancs.
C'est le 14 septembre 2012, lors de la première Conférence environnementale, que le président de la République a annoncé la création d'une agence nationale destinée à préserver notre biodiversité. Portée par plusieurs ministres, dont je fus brièvement, puis menée jusqu'à son terme par la ministre Ségolène Royal et la secrétaire d'État Barbara Pompili, l'AFB est une réponse concrète à la perte de la biodiversité. Cette réponse a été rendue possible par l'adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dans laquelle votre commission a joué un rôle déterminant.
Si la biodiversité nous rend des services indispensables et gratuits - personne ne le conteste - elle est en danger et s'érode à l'échelle de la planète. Les indicateurs de la Stratégie nationale du développement durable montrent que les items sont dans le rouge. Il faut agir de manière positive, démontrer que la biodiversité n'est pas un empêcheur de réalisation mais un pourvoyeur de solution, en même temps qu'une source d'innovation, d'activité et de bien-être.
Le décret relatif à cette maison commune qu'est l'AFB a été publié au Journal officiel le 26 décembre 2016, avec une création officielle le 1er janvier 2017. Ce nouvel établissement public est le fruit de la fusion de plusieurs établissements, l'Onema, l'AAMP, les PNF. Il se substitue aussi au groupement d'intérêt public ATEN dissous le 1er janvier 2017. Enfin, il a vocation à intégrer une partie du personnel du Museum national d'histoire naturelle et de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux. Dans sa configuration définitive, l'agence comptera environ 1 300 collaborateurs. De par la loi, dix parcs nationaux lui sont rattachés, ce qui signifie la mise en place de services communs dès cette année et la création de synergies fortes. L'établissement public du Marais poitevin a également sollicité son rattachement à l'agence et le conseil d'administration devra se prononcer sur cette demande.
Les principales missions que la loi a confiées à l'AFB concernent tous les milieux, terrestre, aquatique, continental et marin. Tout en reprenant les attributions des quatre organismes intégrés, l'agence se fixera comme objectifs de préserver, gérer et restaurer la biodiversité ; de développer des connaissances, des ressources, des usages et des services éco systémiques rattachés à la biodiversité ; de gérer les eaux de manière équilibrée et durable ; d'apporter un appui scientifique, technique et financier aux politiques publiques et privées, y compris le soutien aux filières des croissances verte et bleue ; et enfin de lutter contre la bio piraterie.
L'agence n'a pas vocation à agir seule. Si elle veut réussir son ancrage sur le terrain, elle devra développer une culture de la participation en impliquant tous les acteurs concernés. Elle sollicitera les collectivités territoriales en créant des agences régionales pour la biodiversité. Les autres établissements publics, les instituts de recherche et les gestionnaires d'espaces naturels, les acteurs socio-économiques, les associations et les fondations seront aussi des partenaires essentiels.
L'AFB ne part pas d'une feuille blanche, mais du savoir-faire des quatre organismes qu'elle intègre. Je salue la compétence et l'engagement des agents de ces organismes, car c'est d'eux que dépendra la réussite de l'agence.
En matière de gouvernance, le conseil d'administration délibère sur les orientations stratégiques de l'établissement, les conditions générales de son organisation et de son fonctionnement, sa politique sociale, mais aussi la création et la gestion des aires marines protégées, le budget et le règlement intérieur. Il peut déléguer une partie de ses attributions au directeur général, Christophe Aubel, dont je salue la nomination. La loi prévoit trois comités d'orientation thématiques sur les milieux marins et les littoraux, la biodiversité ultramarine, et les milieux d'eau douce. La création d'un quatrième comité sur les espaces naturels sera discutée lors de la prochaine réunion du conseil d'administration, le 23 février. Enfin, le comité national de l'eau, le comité national de la biodiversité et le Conseil national de la mer et des littoraux seront consultés sur les orientations stratégiques de l'agence.
L'organisation de l'agence sera à la fois multipolaire et territoriale. Les services centraux seront regroupés en 3 pôles géographiques, à Brest, Montpellier et Vincennes. S'y ajouteront 7 directions régionales, 3 directions interrégionales en métropole et 1 pour l'outre-mer, maillant 95 services départementaux, mais aussi 6 antennes de façade dont 3 en outre-mer, 8 parcs naturels marins dont 2 en outre-mer et 2 missions d'études pour un parc naturel marin. Les sites de Brest, Montpellier et Vincennes regroupent environ 350 personnes, 850 autres se répartissant dans les territoires.
En décembre 2016, une décision interministérielle a arrêté un budget initial de l'agence pour 2017, adossé aux hypothèses d'une reprise des résultats prévisionnels de 2016 des quatre établissements fusionnés, d'un prélèvement de 70 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'Onema au titre de la loi de finances, d'une prévision de recettes à hauteur de 200 millions d'euros et de dépenses intégrant la poursuite des actions menées par les quatre établissements ainsi que des actions nouvelles.
Le plafond d'emplois est fixé en 2017 à 1 227 ETP et le montant de la masse salariale s'établit à 81,4 millions d'euros. Cette estimation a été élaborée à partir du socle de 2016, en lien avec les dépenses de personnel des quatre établissements fusionnés. Les mesures nouvelles intègreront en 2017 la création de postes en catégorie A et B.
Telles sont les grandes lignes de ce que doit être l'Agence française pour la biodiversité. Une tâche immense et exaltante s'offre à nous. L'agence sera ce que la loi a voulu ; elle sera aussi ce que nous en ferons. Elle contribuera, après l'accord de Paris et après la loi de transition énergétique, à faire de la France un pays d'excellence environnementale. Elle installera dans le paysage des acteurs qui oeuvrent inlassablement, et parfois depuis longtemps, à la préservation et à la connaissance de la biodiversité.
Agir en 2017, ce sera restaurer un site Natura 2000 au large de Saint-Raphaël par l'enlèvement d'un récif artificiel en pneus immergés et dégradés, soutenir techniquement et financièrement l'animation du portail « 65 millions d'observateurs », déployer le programme « Atlas de la biodiversité communale » en soutenant la réalisation de 500 atlas en deux ans.
Nous devons faire de l'agence un coeur de réseau, celui d'associations déjà engagées au service de la protection de la biodiversité et qui travaillent aux côtés de l'État, des collectivités territoriales et de bien d'autres établissements publics comme l'ONCFS ou les agences de l'eau.
Au cours de ma carrière administrative puis politique, mes engagements locaux et nationaux m'ont appris à parler avec tous les acteurs de la protection de la nature, sans n'en exclure aucun. Vous avez rappelé que la loi sur la biodiversité a été approuvée en conseil des ministres alors que j'étais en fonction. C'est une grande fierté.
Cet engagement en faveur de la biodiversité est philosophique, car je suis conscient du clin d'oeil que représente l'humanité à l'échelle de l'évolution, sans rapport avec notre pouvoir de détruire aujourd'hui. Il est politique, parce que je reste convaincu que nous devons inventer un nouveau modèle de développement, plus respectueux des personnes et de la planète. Il est pragmatique, parce que je viens du Gers et que, dans cette terre d'équilibre où cohabitent défenseurs de la nature, agriculteurs, chasseurs, j'ai appris que nous avions besoin de tous dans les combats que nous avons à mener. Je m'attacherai donc à rassembler.
L'AFB a la chance de réunir des organisations dont la connaissance en matière de protection de l'eau, des milieux aquatiques, d'aires marines protégées et de parcs nationaux est précieuse et unique, notamment en matière d'ingénierie, de formation et de communication. Ce sont des missions concrètes qui s'organisent autour du principe de solidarité écologique consacré par la loi et du lien que nous devons établir en permanence entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines.
Je me sens prêt et enthousiaste à l'idée de m'engager, si vous approuvez ma candidature, dans cette formidable aventure. Et je garde à l'esprit l'objectif qu'Hubert Reeves a assigné à notre agence : « Donner à tous les milieux terrestres, aquatiques et marins, le droit d'exister et de produire les conditions d'une vie la plus joyeuse possible aux terriens que nous sommes. » Si vous m'en donnez la possibilité, je serai un président sérieux et joyeux !
L'AFB porte en elle le meilleur et le pire. Grand bazar ou formidable outil au service de la biodiversité, le point d'équilibre est complexe à trouver. Comme rapporteur de la loi sur la biodiversité, j'ai souhaité que le conseil d'administration de l'agence soit un véritable conseil d'administration et non pas un grand comité où il serait difficile de travailler. Pour avoir présidé les conseils d'administration du Conservatoire du littoral et de l'Agence des aires marines protégées, je sais combien il est difficile de trouver la mesure entre l'enthousiasme, la nécessité absolue et la taille des organismes où il n'y a jamais assez d'agents, ni jamais assez d'argent. D'autant que 13 régions auront leur mot à dire dans le fonctionnement de l'agence.
On nous a reproché d'avoir perdu la spécificité de l'Agence des aires marines protégées. J'ai considéré qu'il y avait une opportunité formidable à combiner toutes les forces de protection de la biodiversité. Cela reste un défi.
Nous sommes à la veille du 2 février, journée mondiale des zones humides. En termes d'aires protégées, on parle davantage de milieux aquatiques que de zones humides, alors que nos éleveurs y sont en grande souffrance et que ces zones sont aussi bénéfiques à l'absorption de gaz à effet de serre que le sont les forêts ou les océans. Il n'y a pas de comité d'orientation dédié à ces zones dans l'agence. Je le regrette.
Notre président mentionnait la non-conformité de la procédure lors de la première réunion du conseil de l'agence. J'y étais et je n'ai pas été choquée par le comportement de la ministre. Nous connaissons tous l'importance que Ségolène Royal accorde à la défense de la biodiversité. Personne ne pourrait vous en tenir rigueur.
Pourriez-vous nous donner des exemples de réalisations concrètes dans votre département ? Vous avez souligné l'importance de rassembler les acteurs. Quelles politiques avez-vous mises en oeuvre comme acteur local pour promouvoir la biodiversité ?
Les pesticides sont un sujet particulièrement sensible, au coeur d'un rapport que nous avons voté à l'unanimité au Sénat. On en débat dans la campagne présidentielle en cours. Comment comptez-vous aborder cette question ?
M. Martin a été préfet du Gers et a fait une carrière dans l'administration. L'ONCFS n'a pas été intégrée dans l'agence. Quelle tolérance manifesterez-vous à l'égard des chasseurs si vous devenez président du conseil d'administration ?
Vous affichez votre ouverture d'esprit, mais vous vous êtes montré sectaire en vous opposant farouchement aux essais de cultures OGM, puisque vous avez soutenu la clause de sauvegarde concernant Monsanto. En tant que président de l'agence, ne devriez-vous pas vous montrer plus flexible ?
Quelle sera votre rémunération, si vous êtes nommé président ?
Vous avez déclaré que vous abandonneriez votre mandat de député pour vous consacrer à celui de président du conseil départemental du Gers. Si vous devenez président de l'AFB, cumulerez-vous les deux fonctions ?
Hubert Reeves a été nommé président d'honneur. Était-ce prévu dans les statuts ?
Enfin, serez-vous un président simplificateur ?
Je suis très satisfaite du fonctionnement que vous envisagez pour l'agence et des objectifs que vous lui fixez. Comme Jérôme Bignon, j'ai siégé au conseil d'administration de l'Agence des aires marines protégées. S'il me semble intéressant de l'intégrer dans la nouvelle agence, je crains que la mer n'y trouve pas la place qu'elle mérite. L'Agence des aires marines protégées était très soucieuse de mettre en valeur les expertises en termes de biodiversité marine. Il faudra veiller à conserver cela. De nombreux parcs marins ont été créés. Si celui d'Iroise a été une réussite, d'autres sont restés des coquilles vides. Pourriez-vous me rassurer sur le maintien d'un niveau d'expertise de qualité en ce qui concerne le milieu marin ?
Je souhaite que le conseil d'administration soit un véritable conseil d'administration. Comme d'autres agences, l'AFB aura besoin de temps pour s'installer et prendre forme. Le conseil d'administration n'a pas vocation à devenir une chambre d'enregistrement pour d'autres instances connexes à l'agence. Comme président de mon département depuis 1998, j'ai mesuré ce que cela signifiait que d'être un président actif de conseil d'administration.
La régionalisation peut être une difficulté comme une chance. Décentralisateur, je considère que les grandes transitions écologiques ou énergétiques passent par la décentralisation. À nous de lancer une dynamique pour créer des synergies.
Nous devons prendre en compte les zones humides non seulement dans notre pays, mais aussi en Europe, car si elles sont en mauvais état dans certains pays de l'Est, notre flore et notre faune en subiront les conséquences dramatiques.
Je n'ai aucun commentaire à faire sur la tenue de la première réunion de l'agence. J'y ai simplement indiqué que les conditions d'envoi des rapports aux membres n'étaient pas satisfaisantes. Comme président de département, j'ai l'habitude qu'on respecte les délais afin que chacun ait le temps d'examiner les dossiers. La rigueur administrative sera ma marque de fabrique. J'ai reporté au prochain conseil d'administration l'examen des points inscrits à l'ordre du jour.
Le Gers reste un laboratoire d'expérimentation pour la biodiversité. En 2008, nous avions été les premiers à adopter un agenda 21. Le Gers est le seul département de France qui compte plus de 1 000 fermes bio. La surface agricole utile en bio y est de 15 %, supérieure à la moyenne nationale. Les conversions se font avec des débouchés économiques, puisque depuis 2009 nos cantines scolaires utilisent des produits de proximité et de saison. Nous avons amélioré la continuité écologique le long des routes, établi un inventaire des zones humides, mené des actions de réduction des pesticides en zones non-agricoles. N'oublions pas que j'ai défendu la loi Labbé sur les pesticides lorsque j'étais ministre. Enfin, nous avons réalisé un schéma d'espaces naturels sensibles.
Je n'ai jamais fait preuve de sectarisme au sujet des OGM. Ma position s'est nourrie du sentiment que les fauchages étaient une violence tout comme les implantations réalisées sans prévenir. Il n'était pas supportable que des cultures bio puissent être contaminées par des essais d'OGM. Le Gers est devenu dans les années 2000 un terrain de jeu pour les exploitants d'OGM sans que les élus aient été informés. Je suis partisan d'une information continuelle.
L'agence est partie prenante dans le plan zéro phyto. Elle lancera des alternatives à l'utilisation des pesticides. Le sujet sera examiné avec attention.
On me reproche sur les réseaux sociaux ma porosité avec le monde de la chasse et le monde agricole. Je suis l'élu d'un département rural où il y a des agriculteurs et des chasseurs, je vis avec eux. Je ne remets pas en question la décision de ne pas intégrer l'ONCFS dans l'agence. Je ne souhaite pas non plus une intégration par le bas. Je suis favorable à un dialogue de qualité. J'ai pris contact avec le président de la Fédération nationale des chasseurs et je devrai le rencontrer avant le prochain conseil d'administration.
Quant à ma rémunération, je ne toucherai rien. Cette réponse devrait faire taire les rumeurs qui courent sur les réseaux sociaux. J'ai décidé de privilégier ma fonction départementale plutôt que mon mandat de député. Après trois mandats de parlementaire, il est temps de passer la main. À partir de juin, je me consacrerai au Gers et à la présidence de l'AFB si ma candidature est acceptée. Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de défraiement, mais la mission est bénévole.
Pour ce qui est de la désignation d'Hubert Reeves, oui, le décret prévoit la possibilité de nommer un président d'honneur.
Quelle place l'agence fera-t-elle à la mer ? Une place centrale, car la mer est un trésor de biodiversité ; c'est d'ailleurs le seul thème à figurer en tant que tel dans notre organigramme - la mer est donc structurellement présente dans l'agence, les antennes de façades maritimes sont représentées, un délégué « Mer » est placé aux côtés du président. Même orientation pour les parcs marins : ils ne doivent pas être des coquilles vides ; 25 postes supplémentaires leur seront accordés cette année, c'est un signe tangible dans cette période de forte contrainte budgétaire.
Enfin, l'agence participera à cinq expérimentations avec l'ONCFS dans des départements pilotes, non pas pour une intégration des structures, mais pour un travail en commun.
Comme ministre, j'ai travaillé à la simplification, avec mon collègue de l'agriculture, en particulier sur les procédures visant l'éolien. Comme rapporteur de la loi sur l'eau, j'ai dit que les agriculteurs avaient besoin d'eau - je ne me suis pas fait que des amis à cette occasion, mais je l'ai dit très clairement parce que, comme élu du Gers, je connais les réalités. Comme président de conseil départemental, je sais aussi combien les recours judiciaires, en général, font que dans notre pays, tout projet prend beaucoup de temps et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu un projet de territoire, avec un travail important en amont, qui donne une vision commune et facilite l'action. Chacun sait ici qu'un président de conseil départemental est, par expérience, favorable à la simplification administrative.
Mme Ségolène Royal a souhaité que l'agence mette en place un plan de travail immédiat, vous nous dites qu'il faudra du temps pour que l'agence prenne ses marques : n'y a-t-il pas là une contradiction ? De quels moyens humains et financiers disposez-vous pour une action immédiate ?
Le décret du 24 janvier prévoit l'intégration des parcs nationaux dans l'agence avant la fin de l'année, une convention est prévue à ce titre : quels en seront les modalités et le calendrier ?
Vous avez été ministre, député, président de conseil départemental, préfet : ce parcours riche et diversifié vous assure une connaissance du monde, comme de la biodiversité - et comme élu local, vous avez eu aussi les pieds dans la glaise, ce qui est encore une qualité. Cependant, vous êtes resté très près de votre présentation écrite, vous nous l'avez lue quasiment ligne par ligne : j'aurais attendu une présentation plus directe, plus personnelle.
La procédure de votre désignation, ensuite, nous a surpris, vous le savez ; vous avez un profil politique, ce n'est pas nécessairement un défaut mais cette agence est sensible, l'ONCFS a voté une motion de défiance. L'ambiance de votre installation est donc, pour le moins, mitigée. Qu'allez-vous faire pour rétablir la confiance avec les chasseurs ? Comment envisagez-vous la création d'agences régionales, quel rôle sera celui des collectivités territoriales ? Enfin, estimez-vous disposer des moyens suffisants à votre mission ?
Le président de l'agence est bénévole, il n'est pas ordonnateur : quel sera donc votre rôle, votre capacité d'impulser des actions ? On sait ce qu'il en est d'un président du conseil de surveillance d'un hôpital : il n'a quasiment pas de pouvoir... Quel sera votre poids, en particulier, pour que l'agence fasse des économies ?
Comme vous, j'apprécie l'alliage du sérieux et du joyeux, mais dans quelle position allez-vous placer l'agence vis-à-vis des acteurs de terrain - forestiers, urbanistes, constructeurs de route par exemple : saurez-vous leur prodiguer du conseil, ou serez-vous centré sur la répression ? On voit ce qu'il en est avec l'Onema, qui n'a pas joué suffisamment son rôle de conseil : allez-vous infléchir ce biais ?
L'agence, comme le dit Jérôme Bignon, peut être le meilleur comme le pire, selon ce qu'on en fait. Nous sommes nombreux ici à avoir été président de conseil départemental ; pensez-vous pouvoir être suffisamment disponible pour exercer votre nouvelle charge ?
Il faut, ensuite, renouer le dialogue avec les chasseurs. Les choses ont été plutôt bien engagées dans le Gers, avec l'opération « Venez chasser chez nous », qui a bien fonctionné : comment allez-vous dialoguer avec les chasseurs ?
Le réseau d'alimentation en eau dit « système Neste » étant devenu insuffisant pour le département du Gers et ses voisins : quelle est votre position sur le barrage de Charlas, qui a défrayé la chronique - et que pensez-vous de la multiplication des ouvrages de retenue d'eau collinaire ? Les agriculteurs s'inquiètent pour la ressource en eau.
Enfin, quelle est votre position sur les plantes issues des nouvelles techniques de sélection végétale, dites NBT - pour New Breeding Techniques -, auxquelles le Gouvernement veut appliquer la directive OGM, alors qu'à mon avis, ces plantes n'en sont pas ? L'agence se prononcera-t-elle sur le sujet ?
L'agence pourra-t-elle prendre des mesures sans délai, comme le demande la ministre ? Je crois qu'elle le devra, car c'est la condition de sa visibilité : j'ai une liste d'actions à présenter dès le premier conseil d'administration, avec une feuille de route qui sera suivie par une convention d'objectifs et de moyens dès le mois de mars. L'agence, du reste, est opérationnelle puisqu'elle intègre les équipes des quatre organismes qu'elle regroupe.
La convention pour le rattachement des parcs nationaux, quant à elle, fixe le calendrier pour la fin de cette année.
Monsieur Nègre, merci d'avoir dit que j'avais préparé sérieusement cette audition - et c'est par souci de sérieux que j'ai tenu à écrire mon intervention, pour en peser les mots. Cependant, je peux être plus personnel. La cause d'une écologie ancrée dans les territoires, pragmatique, tournée vers l'avenir - qui me fait penser à mes deux petits-enfants - est devenue le combat de ma vie, celle qui me fait abandonner tous ceux que j'ai menés jusqu'ici ; c'est dans le département du Gers que j'ai pu mesurer combien nous étions à la fois le problème, et la solution, à quel point il était invraisemblable que nous soyons menacés par des dettes - mais incapables de mesurer la dette écologique que nous laisserions à nos enfants, et combien, donc, il était nécessaire de lutter contre la disparition des espèces naturelles. La nature s'est acclimatée pendant des milliards d'années où nous n'étions pas là et elle continuera à le faire si l'humanité disparaît : cette conscience m'a donné envie de m'engager dans ce combat pour la biodiversité, à un moment où mon retrait d'un mandat national aurait pu s'accompagner d'une volonté de faire une pause dans les combats que j'ai menés.
Quel type de présidence exercerai-je ? Je ne serai pas un président « pot de fleurs » et si j'avais eu le sentiment que c'était ce qu'on attend de moi, je n'aurais pas accepté de me porter candidat. Oui, je suis un élu, j'ai aussi été préfet des Landes et du Gers, des fonctions où je crois avoir démontré que j'étais à l'écoute, un homme qui dialogue avec tout le monde, en particulier les chasseurs et les agriculteurs.
S'agissant des agences régionales pour la biodiversité et de leurs actions de formation, il n'y aura pas de modèle unique - les actions seront décidées sur la base du volontariat et je suis fier que la préfiguration soit établie en région Occitanie.
Sur les moyens de l'agence, je crois qu'en installant une agence, on ne peut examiner son budget sans penser à ce qu'il deviendra, on sait que les agences ont souvent eu du mal à s'imposer ; mais ici, l'État s'engage pour 50 emplois supplémentaires, ce n'est pas si mal dans le contexte de restriction budgétaire que nous connaissons.
Monsieur Raison, j'ai fait mon service national à Luxeuil-les-bains...
Vous ne sauriez lui faire davantage plaisir, mais n'allez pas trop loin...
Toute ma vie, j'ai conduit mon action avec sérieux mais sans esbroufe, n'oubliant pas cette phrase qui nous appelle à nous méfier des gens tristes, parce qu'ils ne sont pas sérieux - et je revendique avoir le supplément d'âme nécessaire au dialogue. Oui, l'agence doit être un service public, dispenser du conseil. Je sais comment l'Onema exerce ses pouvoirs de police, la question était au centre des assises de l'agriculture organisées à l'initiative du président de la FNSEA, Xavier Beulin. Je sais aussi que les choses évoluent, le président des chambres d'agriculture a salué des améliorations - et s'il est certain que des pouvoirs de police doivent s'exercer, il faut aussi garantir le dialogue local, pour que les règles soient comprises et leurs difficultés aussi.
Sur le cumul de fonctions, je précise que je ne serai plus député au mois de juin et que j'ai l'énergie nécessaire pour être suffisamment disponible pour cette nouvelle charge, en plus de celle de président de conseil départemental.
Le projet de barrage de Charlas a été abandonné, le Gers compte de nombreuses retenues d'eau collinaire. Cependant, les inquiétudes sont très fortes car le niveau des réserves a rarement été aussi faible, après des mois sans pluie - et il est certain que la fonte des neiges des Pyrénées au printemps ne suffira pas aux besoins. D'où l'importance de dialoguer avec les acteurs de terrain, pour faire comprendre les conséquences du stress hydrique sur l'économie locale, par exemple pour la culture du haricot vert.
Quant aux OGM, ce n'est pas un sujet sur lequel l'agence est missionnée.
Les agences n'ont pas toutes le même positionnement institutionnel, par exemple l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) affirme son indépendance, quand l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) assume sa fonction d'exécution de la stratégie de l'État en la matière ; quel sera le positionnement de l'Agence française pour la biodiversité ?
Une question concrète : si d'aventure l'État décidait de ne pas poursuivre les chasseurs contrevenant au calendrier de la chasse, quelle serait la position de l'agence ? Se refuserait-elle à s'exprimer, réunirait-elle son conseil scientifique, suivrait-elle la situation de près ?
Quelle articulation, ensuite, entre les agences régionales, l'agence nationale et les collectivités territoriales, sachant que la planification régionale aura toute son importance pour la sauvegarde de la biodiversité ?
Enfin, quelle articulation avec l'échelon européen, dont on ne parle pas assez ? Y avez-vous des homologues ? On parle de trames verte et bleue d'échelle européenne, comptez-vous impliquer l'agence dans leur mise en place ?
L'exercice du jour consiste à savoir si la personne que nous auditionnons est en adéquation avec le poste pour lequel elle candidate. Pour avoir travaillé avec Philippe Martin quand il était ministre, je connais ses engagements et son écoute. Pour connaître également l'ampleur de nos débats sur la biodiversité, je sais aussi que nos questions traduisent nos incertitudes et que Philippe Martin ne saurait y répondre complètement ; il nous faut donc avancer, en nous demandant d'abord si le candidat dispose des capacités suffisantes d'analyse et d'écoute : je crois, pour ma part, que son action le démontre largement.
Dès lors que les agences régionales pourront différer les unes des autres, comment assurer, à travers elles, la conduite des politiques publiques nationales ? Vous êtes président d'un conseil départemental, donc un « départementaliste » c'est important ; j'espère, qu'à ce titre, vous aurez à coeur de sanctuariser la taxe départementale des espaces naturels sensibles.
Je crois, enfin, que le meilleur portrait d'un homme est dans ses actions - les vôtres démontrent la pertinence de votre candidature.
Merci pour vos compliments, je suis effectivement un départementaliste et, même, un « cantonnaliste »... Des agences régionales fonctionneront avec des départements, certains d'entre eux ont des actions importantes pour la biodiversité.
Nous devons avancer, c'est certain, par des actions concrètes, ce sera la meilleure façon pour la nouvelle agence de prendre sa place ; pour avoir entendu les membres de son conseil d'administration, je peux également pressentir que l'agence sera indépendante, et active.
Quelle articulation entre l'agence nationale et les agences régionales ? Des conventions sont prévues, il n'y aura pas de modèle unique. Des discussions s'engagent avec l'Occitanie, Paca, le Centre-Val de Loire, la Normandie, je constate une volonté manifeste d'avancer.
Cette agence, ensuite, est unique en son genre, c'est même une première mondiale ; quant à l'action européenne, elle est incontournable, car les continuités écologiques s'affranchissent effectivement des frontières.
Sur l'application des dates de chasse, nous aurons le dialogue avec l'ONCFS.
Enfin, s'agissant de la convergence des trois conventions de Rio, l'agence prévoit d'en saisir son conseil scientifique.
Voilà, Mesdames et Messieurs les sénateurs, les contours que j'entends donner à cette nouvelle agence dont vous avez souhaité l'installation.
La commission procède au vote sur la candidature de M. Philippe Martin, candidat proposé aux fonctions de Président du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité, en application de l'article 13 de la Constitution.
Voici les résultats du scrutin : 10 voix pour, 16 voix contre et 2 bulletins blancs.
La commission a désigné M. Ronan Dantec rapporteur sur la proposition de loi n° 685 (2015-2016) adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.
La réunion est close à 10 h 55.