Intervention de Alain Richard

Réunion du 7 février 2017 à 14h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner en deuxième lecture une proposition de loi visant à mettre en cohérence un élément clef de notre droit pénal, à savoir la prescription.

Les débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, auxquels M. le garde des sceaux a rendu hommage à juste titre, ont permis une avancée notable, en apportant plus de clarté dans les dispositions relatives à cette prescription, s’agissant aussi bien de l’action publique que des peines. Ils ont également permis de rationaliser le code de procédure pénale pour les durées de prescription, en y introduisant davantage de lisibilité, puisque toutes les dispositions y afférentes se trouvent maintenant réunies dans un même chapitre du code, ce qui était un impératif pour tous les usagers du droit.

Il me semble utile de rappeler, lors de cet examen en deuxième lecture, que le fondement de la prescription de l’action publique n’est pas une espèce de clémence ni une esquisse de pardon qui apparaîtrait au fil du temps. Il repose sur la nécessité, pour la juridiction pénale, de se prononcer avec une connaissance suffisamment certaine des faits et des infractions pour que la justice soit rendue de façon à la fois sereine et crédible.

La prescription est donc nécessaire, même à notre époque où nous disposons sans doute de plus de moyens de conservation ou de rétablissement des preuves sur le long terme, grâce à la technique et grâce à un dispositif plus vaste de consignation écrite des procédures diverses.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont donc conjointement retenu un allongement substantiel de la prescription relative aux délits et aux crimes, le maintien de la prescription brève relative aux contraventions et le refus de prévoir de nouvelles imprescriptibilités ; car, même si nous pouvons conserver ou rétablir sur de plus longues durées des informations sur un litige ou sur une infraction alléguée, il est clair que l’imprescriptibilité est la soustraction du procès pénal aux nécessités évidentes de la mémoire humaine et de la présence de témoins ou de protagonistes des faits, qui ne seraient plus là lors du procès.

Le groupe socialiste et républicain demeure déterminé à soutenir le dispositif de cette proposition de loi, que la commission nous demande en grande partie de voter conforme à ce qui a été décidé à l’Assemblée nationale, les députés ayant largement tenu compte en deuxième lecture des réflexions et des apports du Sénat, en particulier de notre commission des lois.

La partie du texte restant en débat au cours de cette deuxième lecture, et sur laquelle nos deux assemblées sont potentiellement en désaccord, se limite à un point particulier : l’existence ou non d’une prescription spécifique, même avec une faible différence de durée, pour les infractions, dont certaines sont sérieuses, en matière de délit de communication ou de presse, comme la diffamation, l’injure ou l’incitation à la haine. Il est important de bien circonscrire le point encore en discussion, car la confusion règne et une certaine mésinterprétation se fait jour.

La disposition préconisée par la commission des lois du Sénat, qui avait recueilli l’assentiment de la commission des lois de l’Assemblée nationale, mais aussi, me semble-t-il, du Gouvernement, s’explique parce qu’il ne s’agit plus à proprement parler de délit de presse : d’après la délimitation fixée par l’amendement de notre collègue François Pillet, soutenu notamment par M. Mohamed Soilihi, dès lors qu’il s’agit d’organes de presse au sens de la loi de 1881, ce sont les prescriptions de droit commun qui continuent de s’appliquer. La prescription plus tardive ne vise donc vraiment que des injures, des diffamations ou des incitations à la haine répercutées sur internet de façon distincte des organes de presse.

Le groupe socialiste et républicain n’est pas favorable à cet amendement. Un certain nombre d’entre nous utilisera cependant leur liberté de vote pour se prononcer favorablement, car il existe en effet des formes d’atteintes commises par internet qui ne peuvent pas utilement être réparées dans les trois mois.

J’ajoute, en réponse à Mme Benbassa, que le législateur peut soutenir l’idée d’un délit de prescription distinct sur internet non par méconnaissance de ce qui se passe sur internet, mais simplement parce qu’il est conscient de l’ubiquité d’internet et du fait qu’une partie des diffamations ou attaques n’est pas aisément accessible depuis la France. Par conséquent, les personnes visées par des attaques, qui sont notamment politiques ou qui portent atteinte à la considération ou à l’honneur, peuvent avoir besoin d’un délai accru.

En l’absence d’un accord sur ce point, le groupe socialiste et républicain réservera son vote final sur l’ensemble de la proposition de loi, même si nous sommes conscients que le texte constitue un progrès important. Après un dernier échange avec l’Assemblée nationale, nous espérons qu’il nous sera possible de le voter sans réserve.

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