Les règlements européens encadrant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des biocides prévoient l'évaluation de toutes les substances actives entrant dans la composition de ces produits. Les substances identifiées comme perturbateurs endocriniens ne sont pas autorisées, sauf dérogation. Mais ces deux règlements ne déterminent pas les critères permettant de définir un perturbateur endocrinien. Ils disposaient que la Commission européenne devait proposer une définition dans le cadre d'un acte d'exécution pour les produits phytopharmaceutiques et d'un acte délégué pour les biocides, au plus tard en décembre 2013, ce qui n'a pas été fait. Ce n'est qu'après une condamnation par le tribunal de l'Union européenne que la Commission a proposé ces critères, le 15 juin 2016.
Pour comprendre les enjeux de ces propositions, il faut savoir que le système hormonal ou système endocrinien permet de réguler le développement et le fonctionnement de l'organisme. Il contrôle ainsi la température du corps ou le taux de sucre dans le sang, mais permet aussi le développement de l'organisme et le mécanisme de reproduction. Pour cela, des glandes telles que la glande thyroïde ou les glandes génitales vont sécréter une hormone. Celle-ci va alors se fixer à un récepteur et déclencher une réaction d'un organe tiers ou l'expression d'un gène. Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui vont imiter ces hormones et empêcher que l'organisme ne réagisse de manière adéquate.
Ces substances sont présentes partout autour de nous et il est donc difficile de s'en prémunir. En effet, on les retrouve dans la nourriture, l'eau potable et l'air où elles sont diffusées notamment par les pesticides. Ces substances sont également présentes dans certains médicaments et dans les produits cosmétiques. Le plus connu du grand public est le bisphénol A, présent notamment dans les biberons et les revêtements intérieurs des boîtes de conserve.
L'identification des perturbateurs endocriniens est rendue difficile par leur mode d'action qui diffère de celui des autres substances toxiques. Pour celles-ci, on considère en effet que la dose fait le poison. Plus la dose est forte, plus l'effet toxique observable est élevé.
Pour les perturbateurs endocriniens, la Société internationale d'endocrinologie décrit les caractéristiques suivantes : les perturbateurs endocriniens n'ont pas directement d'effet néfaste sur une cellule ou un organe ce qui génère un temps de latence qui rend l'effet indésirable plus difficile à détecter ; ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la période d'exposition : le danger est ainsi plus grand pour les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans ; ils peuvent agir selon une relation dose-réponse non linéaire avec des effets à faibles doses plus importants qu'avec des doses plus élevées ; les effets peuvent se transmettre à la descendance ; la multitude des perturbateurs endocriniens entraîne un « effet cocktail » difficile à analyser.
Compte tenu de ces éléments, il est difficile de considérer les perturbateurs endocriniens comme les autres substances toxiques, et ce malgré les contestations des toxicologues. Les critères d'identification des perturbateurs endocriniens doivent tenir compte de ces caractéristiques particulières.
Aujourd'hui, on peut se féliciter que le sujet soit enfin débattu. Toutefois, on peut formuler trois griefs quant à la procédure utilisée, à savoir un acte d'exécution et un acte délégué, pris dans le cadre fixé respectivement par le règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques et le règlement relatif aux biocides. Tout d'abord, ces critères ne s'appliqueront donc qu'aux seuls produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides. Or, il aurait été intéressant de proposer des critères d'identification valables pour tous les produits, notamment les produits cosmétiques. En outre, les règlements de base prévoient déjà que toutes les substances actives feront l'objet d'une évaluation et que celles qui seront identifiées comme perturbateur endocrinien ne seront pas autorisées, sauf dérogation particulière. Ces dispositions ne pourront pas être modifiées dans ces actes car la Commission n'a pas mandat pour le faire. Or, il aurait été intéressant de pouvoir adapter les conséquences réglementaires aux critères retenus. Enfin, les propositions de la Commission ne pourront pas être amendées par le Conseil ou le Parlement européen, qui pourront toutefois y opposer leur veto.