Intervention de François Grosdidier

Réunion du 16 février 2017 à 10h30
Sécurité publique — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a abouti à une conclusion positive. J’en suis heureux. C’était prévisible en raison de l’excellent climat qui a prévalu à l’occasion de l’examen de ce texte, tant avec le Gouvernement qu’avec l’Assemblée nationale.

La plupart des apports du Sénat au projet de loi ont été validés par les députés. De même, l’essentiel des ajouts votés par l’Assemblée nationale ont recueilli l’accord des sénateurs membres de la commission mixte paritaire.

Les divergences de fond, peu nombreuses, ont porté sur trois points : l’extension aux polices municipales du nouveau cadre d’usage des armes, le champ des procédures ouvrant droit au bénéfice des dispositions relatives à l’anonymat et la question de l’intervention des agents de l’administration pénitentiaire aux abords immédiats des établissements. Ces divergences ont pu être surmontées grâce à un esprit de large consensus républicain, qui doit s’imposer sur ces questions, surtout dans le contexte actuel.

À l’article 1er, la nouvelle rédaction retenue par l’Assemblée nationale du 3° et du 4°, qui tient compte des préoccupations exprimées lors de l’examen du texte au Sénat, a été validée. Il s’agit d’une parfaite coproduction : des précisions n’ont cessé d’être apportées pour aboutir à la meilleure rédaction possible.

Je rappelle que le 3° de cet article concerne l’interpellation, après sommations, de personnes dangereuses cherchant à s’enfuir et le 4° celle des conducteurs, également dangereux, qui n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt. La rédaction initiale tendait à imposer à l’agent faisant usage de son arme de démontrer que le fugitif ou le conducteur allait attenter à la vie, ce qui est impossible à démontrer dans l’absolu. Le Sénat avait proposé de substituer à cette obligation l’existence de raisons objectives et sérieuses permettant d’établir la probabilité du risque d’atteinte à la vie. L’Assemblée nationale a retenu cette rédaction, en y ajoutant une précision : la notion de fuite a remplacé celle de l’imminence, laquelle était absolument incernable. D’aucuns souhaitaient d’ailleurs que l’imminence relève du 1°, relatif au tir sans sommation ; en effet, lorsque l’imminence représente une fraction de seconde, il n’est pas possible de procéder aux sommations. En revanche, si l’imminence représente plusieurs minutes, elle peut relever des 3° et 4°.

La rédaction retenue est, je crois, la meilleure, car elle est celle qui offre le cadre le plus clair. Elle permet aux agents de la force publique de prévenir des atteintes à la vie en arrêtant des délinquants soit dans l’urgence sans sommation, soit après sommations.

Le 1° posait un autre problème, celui de l’extension du dispositif à l’administration pénitentiaire. La rédaction validée par l’Assemblée nationale pour les 1° et 2° tend à permettre à cette dernière de faire face à ses nouvelles missions, lesquelles ont lieu hors de l’enceinte pénitentiaire – je pense notamment aux transfèrements.

Pour ce qui concerne les policiers municipaux, il importait au Sénat que ceux-ci relèvent désormais du code de la sécurité intérieure et qu’ils puissent être jugés, le cas échéant, à la fois en fonction des textes et de la jurisprudence relatifs à cette légitime défense « améliorée », destinée à des agents qui ont la responsabilité non seulement de se défendre eux-mêmes, mais aussi de défendre leurs concitoyens.

Le Sénat avait souhaité que les polices municipales puissent se prévaloir du 1° de l’article 1er, ainsi que du 5° relatif à l’interruption du périple meurtrier. L’Assemblée nationale, pour s’opposer à ce dernier alinéa, avait fait valoir des arguments techniques, que nous avons entendus. Le compromis a donc porté sur le 1°.

Je tiens à ajouter que nous ne devons pas nécessairement limiter le cadre juridique aux possibilités techniques de l’instant. Il me semble au contraire important d’y intégrer la détermination d’objectifs. Nous pourrons ainsi aller plus loin, dès lors que les conditions techniques, notamment de communication et d’inclusion des policiers municipaux – en particulier ceux des grandes agglomérations – dans une boucle d’information, seront en place. Des évolutions législatives interviendront peut-être sur ce point. En attendant, il s’agit là d’une avancée très importante pour les policiers municipaux, qui sont plus de 20 000 en France. Eux qui constituent la troisième force de l’ordre de la République vont désormais pouvoir se prévaloir des dispositions du code de la sécurité intérieure.

À l’article 2, la commission mixte paritaire a retenu la rédaction de compromis rétablissant le quantum de peine à trois ans pour le bénéfice des dispositions relatives à l’anonymat des enquêteurs. L’Assemblée nationale a toutefois prévu des dérogations applicables aux procédures portant sur des délits punis de moins de trois ans d’emprisonnement lorsque, en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches.

Cette rédaction correspond tout à fait à ce que nous souhaitions. Nous ne voulions ni faire du quantum de peine une limite absolument rigide ni tomber dans la systématisation de l’anonymat qu’aurait entraîné l’absence de quantum ; la solution trouvée nous convient parfaitement.

À l’article 4, relatif aux enquêtes administratives portant sur les salariés des entreprises de transport public exerçant des fonctions en lien avec la sécurité des biens et des personnes, tout en validant le dispositif retenu par le Sénat afin que les éventuels recours devant la juridiction administrative soient purgés dans des délais raisonnables, la commission mixte paritaire a retenu le système voté par les députés tendant à rendre obligatoire, en cas d’avis négatif rendu par l’autorité administrative et en l’absence de possibilité de reclassement, le licenciement du salarié dont le comportement est incompatible avec l’exercice des fonctions. Nous évitons ainsi aux entreprises de subir les inconvénients de ces contraintes.

S’agissant des articles relatifs aux activités de sécurité privée, la commission mixte paritaire a retenu les apports du Sénat sur la clarification des règles permettant la surveillance ou le gardiennage de lieux par des agents privés armés – il y avait un vide juridique en la matière, car la loi de 1983 n’avait pas été suivie de décrets d’application – et ceux de l’Assemblée nationale sur l’extension de ces dispositions aux agents de sécurité privée embarqués à bord des navires.

Pour ce qui concerne les articles relatifs aux sanctions pénales, la commission mixte paritaire est parvenue à un consensus : elle a validé les positions du Sénat relatives à l’aggravation des peines applicables aux comportements de rébellion et aux refus d’obtempérer et celles de l’Assemblée nationale tendant à l’aggravation de la répression des destructions et dégradations de biens commis en raison de la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique et des menaces proférées à l’encontre de telles personnes.

À l’article 8, relatif à la surveillance des abords des établissements pénitentiaires, la commission mixte paritaire a retenu la version votée par les députés. Je regrette que celle-ci ne fasse plus référence aux abords immédiats des établissements, car cela rend inopérantes les dispositions pour les établissements pénitentiaires situés en zone urbaine. Là encore, comme pour l’interruption du périple meurtrier, des raisons techniques ont été invoquées par le garde des sceaux, ainsi que d’autres liées au recrutement, à la formation et à son souhait d’une montée en puissance progressive de l’administration pénitentiaire sur ses nouvelles missions. J’aurais préféré que le cadre légal permette de déterminer des objectifs, même si quelques mois ou quelques années sont nécessaires pour les atteindre. Au moins avons-nous pu constater que nous étions d’accord sur les objectifs à court et moyen terme ; nous avons donc accepté ce compromis.

J’en viens à l’article 9 ter, relatif à laratification de l’ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La commission mixte paritaire a, sur ma proposition, refusé de ratifier cette ordonnance de trente pages dont la commission des finances aurait dû être saisie au fond. J’ajoute que l’ordre des experts-comptables m’avait alerté sur de nombreuses dispositions dudit texte. Ce n’est pas légiférer sérieusement que de ratifier, par un amendement déposé en commission mixte paritaire, un tel texte qui, d’ailleurs, ne se rattache pas directement à l’objet du projet de loi.

La commission mixte paritaire a validé les articles additionnels introduits par l’Assemblée nationale.

En conséquence, la mutualisation des polices municipales sera désormais possible pour les communes formant un ensemble de moins de 80 000 habitants, au lien de moins de 50 000 habitants jusqu’à présent. C’est une avancée, mais je ne comprends pas pourquoi il faut prévoir une limite. Faisons confiance à l’intelligence des élus locaux pour apprécier leurs besoins ! Quoi qu’il en soit, cet assouplissement va dans le bon sens.

Nous avons également validé l’accès des parties au dossier de la procédure devant la chambre de l’instruction, le rétablissement du délit en cas de « parloir sauvage » avec des personnes détenues, en vue de remédier à une censure opérée à l’occasion de trois questions prioritaires de constitutionnalité, et le recours au concours de la force publique pour les placements en assistance éducative.

La commission mixte paritaire a en outre validé l’article additionnel relatif à l’exécution provisoire des décisions prises en application de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

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