Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, hier, les députés ont adopté le projet de loi relatif à la sécurité publique tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire. Je m’en réjouis moi aussi, tout comme je me suis réjoui de l’adoption de ce texte en première lecture par le Sénat le 24 janvier dernier.
D’une manière générale, ce projet de loi, qui a recueilli une large majorité au sein des deux chambres, est le résultat d’un débat constructif, apaisé et marqué par le sens de l’intérêt général. À cet égard, je veux d’emblée remercier le rapporteur, François Grosdidier, pour le travail remarquable qu’il a réalisé, très en amont, de même que le président Philippe Bas et l’ensemble des membres de la commission des lois, tout particulièrement René Vandierendonck, pour leurs contributions et leurs apports importants au texte. Je veux également remercier l’ensemble des sénateurs qui ont participé à nos échanges et les orateurs des différents groupes pour la qualité du débat qui a eu lieu entre nous, même si un certain nombre de divergences ont pu être exprimées.
Encore une fois, je veux souligner l’esprit républicain qui a prévalu lors de l’examen du projet de loi, ici, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale. De même, je veux saluer le travail réalisé par la commission mixte paritaire pour que nous puissions aboutir à un texte consolidé faisant consensus entre les deux chambres. Un objectif comme celui-là, que nous nous étions fixé dès le début de nos discussions, n’est pas toujours atteignable. Je me félicite donc que nous y soyons parvenus.
L’ensemble de ce travail nous a permis d’adopter le texte, en conservant l’équilibre fondamental sur lequel le Gouvernement avait souhaité qu’il repose. Là aussi, je m’en réjouis et vous en remercie.
Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité des lois précédemment votées, dans celle aussi des mesures prises depuis 2012 par le Gouvernement en vue de renforcer les moyens humains, matériels et juridiques dont disposent les forces de l’ordre pour accomplir leurs difficiles missions. Comme vous, je sais d’ores et déjà qu’il nous faudra réévaluer en permanence les outils juridiques et les moyens mis à la disposition de nos forces de sécurité. C’est pourquoi cet esprit républicain devra s’efforcer de perdurer au sein des assemblées parlementaires, quoi qu’il se passe et quels que soient les choix faits par nos concitoyens.
Le projet de loi relatif à la sécurité publique, je l’ai dit à plusieurs reprises, se veut précisément une réponse adaptée aux difficultés croissantes d’exercice du métier de policier, de gendarme et, plus généralement, de dépositaire de l’autorité publique, dans un contexte où la violence qui prend pour cible les représentants de l’État a désormais franchi un palier que nul ne saurait contester. Ce contexte-là, il nous fallait en tenir compte, et c’est ce que nous avons fait.
Les engagements pris par le Gouvernement le 26 octobre 2016 en faveur des policiers et des gendarmes sont tenus. En effet, le plan pour la sécurité publique repose sur un triptyque : un pilier matériel – le plan d’investissement de 250 millions d’euros –, un pilier juridique – le projet de loi sur la sécurité publique – et un troisième pilier, non normatif, qui tient lui aussi compte des concertations inédites menées au sein de la police et de la gendarmerie et qui inclura plusieurs mesures concernant le management et la reconnaissance du travail accompli. Je rendrai ces mesures publiques le 27 février prochain, et elles seront d’application immédiate au sein de la gendarmerie et de la police nationale. Je le répète, les engagements pris sont donc tous tenus.
C’est ainsi que nous répondrons aux difficultés auxquelles les forces de l’ordre sont confrontées au quotidien. C’est ainsi que nous leur apporterons la confiance, la reconnaissance, la sérénité qu’elles méritent et dont elles ont besoin pour accomplir leur devoir de façon plus apaisée. À cet égard, vous comprendrez que je dise quelques mots du contexte immédiat dans lequel nous nous trouvons depuis maintenant quelques jours.
À Aulnay-sous-Bois, des actes d’une gravité et d’une violence aussi intolérables qu’exceptionnelles ont été commis sur un jeune homme par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions. Ces actes, je les ai immédiatement condamnés ; les quatre policiers incriminés ont été immédiatement suspendus. La justice a été saisie, et il lui revient – et à elle seule ! – d’établir très clairement et sans aucune ambiguïté les conditions de l’interpellation qui a donné lieu à ces actes inacceptables, ainsi que de qualifier ces actes.
Je veux de nouveau rappeler, avec solennité et gravité, le devoir d’exemplarité qui doit guider l’action des forces de sécurité, même et surtout lorsque la force et la contrainte légitimes doivent être employées. C’est dans le rapport respectueux entre la population et les forces de l’ordre que notre pacte républicain puise, et doit puiser, sa force. Il n’y a pas d’alternative. Cela signifie que les forces de l’ordre doivent être exemplaires et irréprochables, et tout comportement qui n’obéit pas aux règles de l’éthique et de la déontologie est sanctionné. Car c’est aussi cela, l’État de droit !
Donc, oui, les forces de l’ordre doivent être irréprochables ! Mais il n’est pas question de faire le moindre amalgame et de jeter l’opprobre sur toute une institution, pilier de la République. Il y a aujourd’hui près de 250 000 membres des forces de sécurité – police et gendarmerie – dans notre pays ; je pourrais y ajouter les effectifs de police municipale, qui agissent également dans le respect total de l’État de droit. Encore une fois, je ne veux pas que le comportement de certains jette l’opprobre sur l’ensemble de ces forces qui, dans leur quasi-totalité, font leur travail dans un esprit tout à fait républicain, alors qu’elles accomplissent leurs missions dans des conditions souvent éprouvantes pour elles-mêmes et leurs familles, et quelquefois au péril de leur vie.
Les violences urbaines commises en région parisienne et prenant pour cible des policiers, des véhicules, des bâtiments publics ou bien des commerces sont absolument intolérables. Je veux ainsi rendre hommage aux effectifs mobilisés pour les opérations de maintien de l’ordre public. Notre fermeté ne souffrira d’aucun relâchement. À chaque fois que des faits de ce type sont commis, je demande qu’il soit procédé à toutes les interpellations nécessaires afin de préserver la tranquillité et la sécurité auxquelles nos concitoyens aspirent.
L’enquête judiciaire ouverte après les actes commis à Aulnay-sous-Bois doit se poursuivre dans la sérénité, dans un climat apaisé. Je tiens à le dire, alors qu’un nouveau rassemblement est prévu aujourd’hui à Bobigny : la vérité des faits doit être précisément établie par la justice, dans la transparence et sans la moindre ambiguïté. Il n’est besoin d’aucune violence pour aider la justice à travailler, bien au contraire, et il n’est pas question de tolérer le moindre manquement à cet égard.
Je reviens à présent au projet de loi tel qu’il a été voté, en respectant l’équilibre que nous souhaitions. J’insiste sur cette notion d’équilibre, qui a été au cœur de nos discussions. En prenant connaissance, dans la presse, de certaines prises de position, je me demande d’ailleurs si leurs auteurs ont bien pris la peine de le lire et de suivre les travaux préparatoires et les travaux du Parlement.
Je veux souligner les six axes qui structurent ce texte.
Le premier est la modernisation et l’unification du cadre d’usage des armes guidées par les principes dégagés par la jurisprudence. Je n’y reviens pas, si ce n’est pour indiquer que l’application du 1° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure aux agents de police municipale est, je crois, un point final satisfaisant pour tout le monde.
Le deuxième axe est la protection accrue des dépositaires de l’autorité publique au travers de la préservation de leur identité, et ce dans des conditions strictes et sous le contrôle des autorités judiciaires saisies des procédures. L’ultime version de l’article 2 concilie parfaitement, selon moi, les différentes exigences qui devaient être prises en compte.
Le troisième axe est le renforcement des peines pour certaines atteintes à l’autorité publique et, plus largement, au service public, avec des apports importants introduits au Sénat et à l’Assemblée nationale.
Le quatrième axe est l’adaptation de certaines dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, qui vient finaliser les textes adoptés au cours du quinquennat. Je le répète, je suis convaincu qu’en la matière une évaluation permanente est nécessaire afin que ceux qui menacent notre territoire et nos concitoyens n’aient pas d’avance sur nous, que ce soit sur le plan des technologies qu’ils utilisent ou sur celui des moyens mis en œuvre. Il nous faudra adapter sans cesse notre réponse afin de pouvoir lutter contre leurs techniques, démanteler leurs filières et contrer leurs méthodes.
Le cinquième axe est l’évolution de certaines missions de l’administration pénitentiaire dans un souci de complémentarité avec les forces de sécurité intérieure.
Enfin, le sixième axe est la complémentarité accrue des différents acteurs de la sécurité, avec le souci permanent de ne jamais induire de confusion dans les rôles et les missions de chacun.
Je tiens à dire devant vous, monsieur le rapporteur, car vous connaissez bien ce sujet du fait de votre engagement au niveau national et de l’excellente coordination que vous avez su mettre en place, dans la ville que vous dirigez, entre les forces de sécurité nationales et les forces de police municipale, que ce texte a été une nouvelle fois l’occasion de les remercier et de valoriser leur travail.
Nous avons eu des débats. Je pense, pour ma part, que la position de l’État était juste au regard des demandes émanant du terrain. Je ne suis pas certain qu’un État incarné différemment demain apporterait une réponse différente de la nôtre aux sollicitations formulées sur ces questions de police municipale. Au nom du Gouvernement, je veux vous dire la grande confiance que nous avons dans le travail réalisé par les forces de sécurité sur le terrain. L’État a un besoin absolu de s’appuyer sur elles, car elles concourent à la réalisation de l’objectif global de protection du territoire et de nos concitoyens partout où elles opèrent. Je tenais, là aussi, à le dire devant vous, monsieur le rapporteur, connaissant votre investissement dans ce domaine.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux de nouveau me féliciter de l’esprit de rassemblement et de consensus avec lequel nous avons œuvré collectivement sur ce projet de loi. Ce faisant, nous avons contribué à garantir et à sanctuariser ce que j’appelle « le socle de sécurité » nécessaire à notre pays. Il y a bien sûr entre nous des points de vue différents, des approches diverses, mais nous pouvons nous retrouver sur l’essentiel ; c’est ce que nous avons fait avec ce texte. Encore une fois, je vous en remercie !