Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de la vague d’attentats que connaît notre pays, les forces de sécurité sont chaque jour mises à rude épreuve. Particulièrement exposés, certains policiers l’ont payé de leur vie ; je pense aux deux agents de la police nationale à Magnanville, le 13 juin 2016, ou encore à Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge, tuée en 2015 par Amedy Coulibaly.
Dans ce contexte de menace terroriste sans précédent dans notre pays, il était indispensable de s’interroger sur le régime juridique de l’usage des armes par les forces de sécurité, non seulement par les policiers et les gendarmes, mais aussi par les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle.
Bien entendu, la question de l’usage des armes face à cette menace terroriste sans précédent devait être revue. Pour autant, dans notre République, il ne saurait être question d’envisager un usage plus laxiste, d’abandonner nos principes de droit : il faut à la fois permettre aux forces de l’ordre de se défendre – c’est évident – et respecter les règles que nous nous sommes fixées, qu’elles soient d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
La réflexion sur ce sujet a été marquée, cela a été rappelé, par deux rapports importants : celui de M. Guyomar, en juillet 2012, mais surtout celui de Mme Cazaux-Charles, rendu en novembre 2016. Leur analyse est convergente. Tous deux regrettent, d’une part, l’absence de lisibilité de ce régime d’usage des armes et, d’autre part, l’absence de cadre commun et spécifique aux policiers et aux gendarmes.
Soumis à de fortes pressions, les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale doivent, dans le feu de l’action, prendre des décisions extrêmement rapides dont les conséquences peuvent avoir de fortes répercussions. Cette réalité est parfois tragiquement mise en lumière par l’actualité.
Notre législation devait donc évoluer afin de renforcer leur protection et de clarifier certaines situations dans lesquelles l’imprécision des textes est une source de confusion pour les agents comme pour les juges.
Les régimes d’usage des armes sont aujourd’hui trop hétérogènes.
Les agents de la police nationale sont soumis aux dispositions de droit commun fixées par le code pénal concernant la légitime défense.
Sur le papier, le régime dont bénéficient les militaires de la gendarmerie nationale est plus large. Il est défini par le code de la défense, qui reprend les dispositions d’un décret de 1903, elles-mêmes héritées du XIXe siècle… Ces dispositions leur permettent d’employer la force armée lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux. On est donc loin de la légitime défense applicable aux policiers !
Récemment, le législateur a amorcé une évolution avec la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Cette loi a autorisé les policiers, les gendarmes, les douaniers et les militaires déployés sur le territoire national à faire usage de leur arme en cas d’« absolue nécessité », s’ils sont confrontés à un « périple meurtrier », afin de prévenir tout risque de réitération lors d’une tuerie de masse.
On nous propose aujourd’hui d’aller un peu plus loin, ou plutôt, on nous propose de regarder le régime des armes dans sa globalité et de le faire évoluer de manière unifiée et cohérente. Cette évolution, dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire, nous paraît opportune et raisonnable. Nous espérons qu’elle s’accompagnera d’une formation renforcée à l’usage des armes de nos forces de sécurité et d’un entraînement régulier, qui est son corollaire indispensable.
Les dispositions relatives à la protection de l’anonymat des agents intervenant dans les procédures pénales et douanières prévues à l’article 2 nous paraissent nécessaires dans la mesure où il s’agit, encore une fois, d’assurer à nos agents la protection à laquelle ils ont droit dans le cadre de leur mission.
Je voudrais profiter de mon intervention pour évoquer un article passé un peu plus inaperçu, introduit à la faveur d’un amendement du député Gosselin : l’article 10 ter, qui vise à relancer l’expérimentation d’un dispositif de protection électronique des victimes de violences conjugales, tel que prévu par la loi du 9 juillet 2010.
Monsieur le ministre, je vous ai écrit à ce sujet en décembre dernier, ainsi qu’à Mme Laurence Rossignol. Ma saisine reste sans réponse à ce jour, un oubli sans doute…
Il me paraît en effet intéressant de reprendre cette expérimentation qui, dans la pratique, n’a pas pu être réellement testée comme cela était initialement prévu. Si je regrette que le périmètre proposé dans l’article 10 ter reste identique à celui adopté en 2010, je souhaite que l’expérimentation puisse, cette fois-ci, vraiment avoir lieu sur le terrain. Le système proposé le mérite : il correspond au type de protection demandé par les victimes, à savoir celui visant à empêcher leurs agresseurs de s’approcher d’elles. Des pays voisins l’ont mis en place avec un réel taux de réussite. Je vous serais reconnaissant d’œuvrer après promulgation de ce texte à sa mise en place opérationnelle.
Par ailleurs, notre groupe se réjouit que la disposition visant à réduire le nombre d’assesseurs siégeant à la cour d’assises spéciale ait été confirmée par la commission mixte paritaire.
Pour terminer, je veux dire un mot sur le délit de consultation de sites internet djihadistes.
Le Conseil constitutionnel a censuré la semaine dernière une disposition que nous avions introduite dans la loi du 3 juin 2016. Vous le savez, l’opportunité de créer un tel délit est débattue au Sénat et à l’Assemblée nationale de manière régulière depuis 2012. Je me félicite que la commission mixte paritaire nous ait permis de réintroduire ce dispositif que j’estime indispensable.