Mon premier mot sera pour témoigner, monsieur le ministre, que vous avez constamment recherché le consensus républicain lors de l’examen de ce texte. Votre mérite est d’autant plus grand que la procédure législative a été concomitante à de graves affaires : Viry-Châtillon, Carrousel du Louvre, Aulnay-sous-Bois.
Vous l’avez dit, les policiers – pas plus que les hommes politiques d’ailleurs – ne sont en rien exemptés du respect de ce que je considère être comme la plus belle disposition de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Ces métiers doivent être marqués par l’exemplarité.
Je remercie le rapporteur de la commission des lois qui, depuis le début, fait preuve d’une grande qualité d’écoute et le félicite d’avoir permis l’obtention du consensus qui a débouché sur un accord lors de la commission mixte paritaire.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé – je n’y reviendrai donc pas – le contexte de la préparation de ce texte. La réflexion sur les évolutions du droit en vigueur concernant l’usage des armes par les forces de sécurité dans l’exercice de leurs missions était absolument nécessaire et très attendue par les personnels de police qui sont – tous les orateurs l’ont dit – extrêmement sollicités dans le contexte lié aux attentats et exposés à des risques croissants et de plus en plus violents.
Le projet de loi est une réponse à la demande légitime de protection exprimée par les fonctionnaires de police. Il concerne plusieurs volets, notamment l’usage des armes par les forces de l’ordre et la protection de l’identité des enquêteurs. Ces évolutions juridiques prennent tout leur sens au regard de l’autre pilier qui a été mis en place, à savoir le renforcement continu des moyens humains et matériels des forces de police de notre pays. Je le rappelle, le plan de sécurité annoncé par le Gouvernement le 26 octobre dernier prévoit 250 millions d’euros supplémentaires.
Avec mon collègue Jacques Bigot, et en parfaite entente avec le rapporteur, nous avons reçu, en tant que représentants du groupe socialiste, les organisations syndicales de policiers nationaux et de la magistrature pour alimenter notre réflexion sur l’examen du texte. Je tiens à souligner l’équilibre des dispositions obtenues lors du débat parlementaire ainsi que la qualité de l’étude d’impact, comme je vous l’ai déjà dit, monsieur le ministre.
Sur l’usage des armes, la rédaction de l’article 1er me semble à la fois conforme aux attentes des policiers nationaux et équilibrée. Comme le Conseil d’État le précisait dans son avis sur le projet de loi, l’alignement du cadre d’usage des armes pour toutes les forces de l’ordre de l’État est tout à fait justifié par le rapprochement des conditions d’intervention des policiers, gendarmes, douaniers et militaires sur le terrain. Les forces de police et de gendarmerie sont de plus en plus mobilisées pour des opérations de sécurité de même nature, et donc exposées à des risques similaires.
La nouvelle rédaction de l’article 1er issue des débats parlementaires s’appuie sur les travaux préalables de Mme Hélène Cazaux-Charles et, j’insiste sur ce point, présente toutes les garanties exigées par les jurisprudences de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, notamment celles qui sont relatives aux conditions d’absolue nécessité et de proportionnalité. L’article décrit d’ailleurs précisément les situations dans lesquelles les forces de sécurité peuvent faire usage de leur arme.
Je me permets d’insister sur l’importance de la mise en place, une fois ce projet de loi voté, de la formation initiale et continue des agents de police. Cela ne se résume pas à favoriser l’entraînement et à augmenter le nombre de cartouches tirées. Il faut que cette simulation du cadre d’intervention aille de pair – cette exigence doit être prévue dans le référentiel de formation – avec une bonne compréhension des règles juridiques.
J’en viens aux policiers municipaux.
Nous sommes d’accord avec la proposition du rapporteur d’étendre le régime de légitime défense aux policiers municipaux tout en l’encadrant de manière stricte. Il s’agit, pour nous, d’une question de reconnaissance de leur rôle effectif dans le maintien de l’ordre public et la prévention des troubles à l’ordre public.
La mission d’information sur les polices municipales menée en 2012 avec mon collègue François Pillet a permis d’appréhender la diversité des territoires. Tenant compte de réalités locales diversifiées, le recours à l’armement dépend d’une doctrine d’emploi qui ne peut être uniforme puisqu’elle est arrêtée par le maire. Nous avons largement débattu de cette question.
L’armement apparaît nécessaire lorsque les policiers municipaux interviennent ponctuellement comme forces supplétives de la police ou de la gendarmerie. Cette condition doit être assortie d’un cadre contractuel – les fameuses conventions de coordination – et d’un accès à la boucle d’informations. Sur le terrain, face à des opérations de cette nature, il faut une autorité fonctionnelle unique qui garantisse la cohérence de l’intervention. Nous n’avons cessé de plaider en faveur de cet encadrement strict.
Je veux mettre en exergue deux autres dispositions de ce texte relatives aux polices municipales.
La première est aussi une forme de reconnaissance. Des représentants de polices municipales m’ont fait remarquer que, contrairement à elles, les forces de sécurité privée sont autorisées à faire des palpations. Sur proposition du groupe socialiste du Sénat, un amendement a été adopté pour permettre aux policiers municipaux affectés à la sécurité d’une manifestation sportive, récréative ou culturelle de procéder à des palpations de sécurité. C'est un progrès !
Par ailleurs, nous avons défendu la recherche systématique de la mutualisation des polices municipales dans un cadre intercommunal. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je veux saluer le fait que vous ayez accepté à l'Assemblée nationale un amendement de Francis Vercamer visant à étendre le cadre de la mutualisation des polices municipales entre plusieurs communes. Cela n’a l’air de rien, mais cela signifie, en pratique, que des communes rurales qui, seules, ne pourraient recourir à une police municipale pourront y avoir droit dans un cadre mutualisé.
La seconde disposition, qui est plus importante que le fameux récépissé, est relative au décret de décembre dernier sur les conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents de police municipale dans le cadre de leurs interventions. Cette mesure, qui constitue un progrès, a été réalisée dans un cadre consensuel.
Je veux maintenant évoquer la procédure d’identification administrative des enquêteurs. Tout le monde le sait, le nombre d’infractions constatées sur des forces de sécurité publique s’est fortement accru, de 16 % entre 2011 et 2015.
Je suis satisfait du compromis trouvé à l’occasion de la commission mixte paritaire. Ainsi, le critère des trois ans d’emprisonnement pour les procédures délictuelles a été conservé. De plus, la commission mixte paritaire a ouvert la possibilité pour l’agent de bénéficier des dispositions relatives à l’anonymat pour des délits punis de moins de trois ans d’emprisonnement lorsque, en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l’identité de l’agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celles de ses proches. Ce dispositif prévu à l’article 2 permet de concilier protection, respect des droits de la défense et simplicité de la procédure.
Pour finir, j’évoquerai trois mesures importantes.
L’Assemblée nationale, qui est à l’origine de la première, a proposé des ajustements à la loi de 1955 sur l’état d’urgence, notamment sur les modalités d’assignation à résidence, l’information du parquet et l’alignement des horaires de perquisitions administratives sur ceux des perquisitions judiciaires.
Par ailleurs, sur proposition du président de la commission des lois, Philippe Bas, la commission mixte paritaire a rétabli le délit de consultation habituelle de sites internet incitant à la commission d’infractions terroristes ou en faisant l’apologie, disposition qui a été censurée le 10 février dernier par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a jugé, de façon assez péremptoire, que cette mesure « n’était ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée ».
Tirant les conséquences de cette décision, le président Bas a proposé une rédaction qui définit l’infraction en assortissant la consultation des sites djihadistes de la condition d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée et d’une définition plus précise du motif légitime susceptible d’empêcher la répression de ce délit. J’ai voté en faveur de cette disposition, car personne ne comprendrait que nous ne rétablissions pas, en conformité bien évidemment avec les préconisations du Conseil constitutionnel, cette disposition.
Enfin, notre groupe voudrait saluer une disposition passée « en sourdine », si je puis dire : la création du volontariat militaire d’insertion, permettant à des jeunes d’effectuer des missions de sécurité civile, pour une durée de six à douze mois. Nous en suivrons l’évolution, mais les premiers résultats montrent que ce dispositif parvient à insérer 75 % des jeunes, même en grande difficulté, qui bénéficient de ce dispositif hybride, mi-militaire mi-professionnel. Je tenais à terminer sur ce point, qui constitue un motif surabondant justifiant le vote du texte par le groupe socialiste, qui est très satisfait du compromis qui a été trouvé.