Je veux tout d’abord remercier le rapporteur de son engagement, de la qualité de ses propos et d’avoir souligné qu’il s’agit – sans y mettre trop d’emphase – d’un moment historique : fusionner trois collectivités, même en Corse, est tout sauf banal. Je crois d’ailleurs que cela n’est jamais arrivé auparavant et que le qualificatif « historique », stricto sensu, n’est pas usurpé.
Je remercie donc le rapporteur de son implication sur un sujet qu’il connaît ô combien parfaitement dans la mesure où il y travaille depuis une quinzaine d’années au travers de ses différentes responsabilités et de ses grandes compétences juridiques.
Monsieur Desessard, je vous remercie du soutien de votre groupe et de vos propos. Vous avez eu raison de rappeler quels étaient les objectifs de ces ordonnances et de dire un certain nombre de vérités. Vous connaissant personnellement et connaissant les convictions et les valeurs de votre groupe, je ne suis pas surpris que vous souteniez ce texte qui se traduit par davantage de pouvoir local, davantage de décentralisation et une meilleure rationalisation de l’exercice du pouvoir en Corse.
Merci également à M. Kaltenbach d’avoir rappelé que nous avions un devoir de crédibilité auprès de l’opinion publique. Je dis « nous » à dessein, car je n’oublie pas avoir souvent été du côté du législateur, à l’Assemblée nationale ou, pendant plus longtemps encore, dans cet hémicycle. Pour ne pas perdre cette crédibilité, nous devons faire preuve de cohérence. Comment les Français qui nous regardent, même au-delà de la Corse, pourraient-ils comprendre que des parlementaires, que des groupes politiques, soutiennent aujourd’hui une position inverse de celle qu’ils défendaient à un autre moment ?
Cette question de cohérence m’amène à m’adresser à M. Favier, que je remercie de ses propos. Monsieur le sénateur, vos convictions sont fortes. Toutefois, cette position n’est pas exactement la position initiale du groupe communiste républicain et citoyen, qui était favorable à ce texte et qui y est aujourd’hui hostile au prétexte qu’un référendum serait nécessaire… Pourquoi pas ? Permettez-moi cependant de vous rappeler qu’il y en a déjà eu un en 2003, dont nous connaissons le résultat. La Corse et la France ont changé en quinze ans, à l’instar de la mentalité et des exigences des populations.
Comme je l’ai auparavant affirmé dans cette enceinte même, je suis un ardent partisan de la démocratie représentative. Je me méfie de l’autre démocratie, car un référendum ne permet quasiment jamais d’obtenir la réponse à la question posée.
Je me souviens bien de ce référendum de 2003 dans lequel mes amis radicaux corses se sont ô combien impliqués – ils ne furent d’ailleurs pas pour rien dans le résultat négatif de cette consultation. Je ne garde pas un très bon souvenir des débats que nous avons eus à l’époque… Le référendum est une arme à toujours manier avec précaution, même si la démocratie participative est aujourd’hui à la mode, ce qui ne m’empêchera pas d’affirmer mes convictions.
Monsieur Castelli, vous qui êtes corse et qui représentez la Corse dans cet hémicycle, vous avez raison de rappeler que la décision de réunir les trois collectivités en une a été prise de manière républicaine et transparente.
J’ajouterai que c’est la majorité précédente de l’Assemblée de Corse qui a sollicité la création de cette collectivité unique et qu’il ne s’agissait donc pas, comme je l’entends parfois dire ou suggérer, de faire plaisir à la majorité nationaliste actuelle. Cette dernière ne dirigeait pas l’Assemblée de Corse lorsque nous avons répondu favorablement à cette sollicitation.
La moindre des choses, sur le territoire de la République, est de respecter les engagements pris, quelle que soit la majorité en place. Vous avez justement rappelé, monsieur le sénateur, qu’il s’agit d’une décision très importante pour la Corse. Dans une île de 300 000 habitants, il faut pouvoir, dans un souci d’efficacité, s’appuyer sur un pouvoir régional fort, c’est-à-dire sur une collectivité unique, la collectivité de Corse.
Monsieur Panunzi, l’excellence de nos relations m’oblige à répondre à l’ensemble de vos questions.
Je sais que vous ne remettez pas en cause le principe de la collectivité unique. Mais il est trop facile, comme je l’ai indiqué hier à M. de Rocca Serra à l’Assemblée nationale, de dire : « Je suis d’accord, mais pas comme ça. Il faudrait faire autrement. »
Je sais bien que nous employons tous cet argument, un jour ou l’autre, quand nous sommes dans l’opposition, mais « autrement » ressortit toujours au domaine du rêve. Vient un moment où il faut trancher.
Dès lors, monsieur le sénateur, si vous êtes d’accord avec le principe d’une collectivité unique, voilà une excellente occasion non seulement de voter vous-même en faveur de ce texte, mais aussi d’y inciter vos amis du groupe Les Républicains sur lesquels vous avez une grande influence en la matière.
Vous avez également affirmé que la création de cette collectivité unique se faisait au profit des dirigeants politiques actuels. Non, cette création ne se fait au profit de personne, sinon des Corses et de la Corse !
Les dirigeants dont vous parlez ont été élus démocratiquement et sont aujourd’hui aux manettes, comme d’autres l’étaient hier. Il en ira peut-être autrement demain, c’est le jeu démocratique…
Je ne suis pas hostile à une loi spécifique à la Corse. Toutefois, dans le temps qui m’était imparti, il m’était impossible de préparer et de faire voter un tel texte, alors même que certaines propositions des élus corses de tous bords exigeraient une révision constitutionnelle. Ce n’est pas en fin de quinquennat que l’on peut se lancer dans une pareille aventure.
Si la majorité future, quelle qu’elle soit, considère qu’il faut aller encore plus loin en adoptant une loi spécifique pour la Corse, je n’y verrai que des avantages. Mais chaque chose en son temps : la politique est l’art du possible, autrement on ne fait que vendre du rêve…
Peut-être fallait-il une chambre des territoires dotée de pouvoirs plus larges. Je rappelle cependant que cette instance ne figurait pas dans la première version du texte. À vos côtés, aux côtés des dirigeants de la collectivité de Corse, aux côtés des parlementaires corses, j’ai œuvré pour la création de cette chambre qui permettra d’équilibrer le pouvoir entre Ajaccio et Bastia et qui sera d’une très grande utilité. Je connais bien les élus corses : ils se saisissent à pleine main des pouvoirs qu’on leur permet d’exercer et ils le font de la meilleure des manières.
Je m’étais engagé à ouvrir l’affectation de la dotation de continuité territoriale aux territoires de l’intérieur et de montagne de l’île, et j’ai l’habitude – tout comme les Corses – de tenir mes promesses. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement que vous avez évoqué.
Lors des premières discussions, la Corse n’avait pas encore le statut d’« île montagne » et il n’était pas acquis que l’excédent de dotation de continuité territoriale resterait à la Corse.
Nous en avons débattu au sein du Gouvernement : certains voulaient remettre cet excédent de 30 millions d’euros par an dans le pot commun. J’ai œuvré, avec d’autres, pour que cet excédent soit laissé à la disposition des Corses pour la Corse.
Après les ports, les aéroports et les routes, on m’a demandé de consacrer aussi une partie de cet excédent au financement de politiques en faveur des territoires de l’intérieur et de montagne. Vous connaissez la Corse mieux que moi et vous savez les difficultés des massifs corses. Il m’a paru légitime que ce reliquat puisse être employé à financer ces politiques, raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.
Au final, cette répartition ne change rien à l’enveloppe globale de 30 millions d’euros. Je n’avais donc aucune raison de m’opposer à cette demande des élus corses. Cet argent leur appartient. Je suis Girondin et je considère que la décentralisation doit toujours être améliorée, et même amplifiée.
Vous avez raison, monsieur Panunzi, il est nécessaire d’agir pour les ports, les aéroports et les routes, y compris les routes de montagne. Comme vous le savez, le comité de massif de Corse était en sommeil ; il a été remis en activité et j’ai répondu favorablement à sa demande.
Je pense avoir, mesdames, messieurs les sénateurs, répondu en toute sérénité et transparence, aux questions qui m’ont été posées.